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Portrait de la photographie africaine contemporaine

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2016 - 746 mots

Une thèse universitaire récente publiée chez l’Harmattan explore pour la première fois la photographie contemporaine africaine.

PARIS - Alors que le Grand Palais accueille la rétrospective Seydou Keïta, vient de paraître aux éditions L’Harmattan la thèse de Vincent Godeau sur la photographie africaine contemporaine.

Réalisée sous la direction d’Arnauld Pierre, et soutenue en juin 2010, elle constitue le premier travail de fond mené sur le sujet comme le relevait à l’époque le président du jury Michel Poivert, professeur à l’Université Paris I. L’enquête aux longs cours sur le terrain menée par le photographe, par ailleurs professeur de français, tranche avec les travaux universitaires traditionnels. L’Afrique et la photographie dite africaine, cet historien de formation les connaît bien pour avoir voyagé et séjourné à plusieurs reprises dans différents pays du continent, où il enseigne actuellement le français en Éthiopie.

Six ans après avoir reçu les félicitations du jury, la publication de sa  thèse chez L’Harmattan vient combler un vide dans la connaissance et la réflexion sur le sujet par sa manière de l’envisager dans toute sa diversité, ses différences et ses particularités indissociables du contexte historique et politique. Vincent Godeau le rappelle dès les premières pages : « La colonisation européenne et la décolonisation sont les matrices de la naissance, de l’essor et de la diffusion de la photographie en Afrique. » Et l’auteur de montrer ce qui distingue à cet égard la photographie de l’Afrique francophone de celle de l’Afrique anglophone. L’analyse du processus de la reconnaissance tardive portée simultanément par la France et les États-Unis est l’un des grands intérêts de l’ouvrage. Reconnaissance inséparable de la défiance vis-à-vis du regard occidental et du positionnement que manifesteront Okwui Enwezor, Simon Njami, Pep Subirós et Koyo Kouoh dans leurs expositions ou leurs écrits, mais aussi des critiques du galeriste Chab Touré vis-à-vis de la réappropriation, dès la première édition en 1994 du festival de Bamako, par l’Agence française d’action artistique (devenue CultureFrance, puis l’Institut français).

Keïta et Sibidé
Ce n’est qu’à partir des années 1990 que la photographie contemporaine africaine est devenue visible. Revenir avec Vincent Godeau au déroulé de la découverte de Seydou Keïta ramène précisément à ces quatre années charnières, de 1990 à 1994, aux cours desquelles elle se verra reconnue, louée, exposée et ses auteurs (Seydou Keïta et Malick Sibidé) passés de l’anonymat à la célébrité via différents réseaux et initiatives. La France ouvre le bal avec la création de la Revue Noire en 1990 (fondée par Jean Loup Pivin, Simon Najmi et Pascal Martin Saint Leon). En 1991 New York programme de son coté « Africa Explores the decamps century », une exposition conçue par Susan Vogel au Center for African Art. Tandis que le Mali sera marqué en 1994 par la création du festival de Bamako portée par Françoise Huguier, Bernard Descamps et Roger Aubry.

C’est encore au Center for African Art, devant les portraits d’un auteur non identifié, que Jean Pigozzi (héritier de la firme Simca et collectionneur renommé d’art africain qui a fondé à Genève la Contemporary African Art Collection) sollicitera le galeriste André Magnin pour découvrir son nom. La collaboration actuelle de la Contemporary African Art Collection à la rétrospective Seydou Keïta au Grand Palais et l’entretien d’André Magnin dans le catalogue témoignent de l’importance du parcours, des discours et du rôle de cette poignée de collectionneurs, de marchands, d’institutionnels et de commissaires d’exposition décrite dans l’ouvrage de Vincent Godeau. Au fil des pages, est retraçée l’appropriation que chacun a faite de ces auteurs africains locaux que viendra rapidement rejoindre une diaspora de photographes africains. En effet, marché occidental et curateurs « ont eu vite fait de les intégrer », note Vincent Godeau, « afin de pallier le déficit relatif en photographes locaux pratiquant une photographie d’art ». Les photographes vivants en Afrique seront ainsi sous-représentés à Africa Remix organisé en 2005 au Centre Pompidou.

Excepté en Afrique du Sud, il n’existe pas de marché de la photographie sur le continent ni de structures dédiées au médium dans la plupart de ses 54 pays. L’autocratie des régimes, la difficulté de la photographie à trouver sa place dans une presse souvent ligotée et la précarité de ses auteurs limitent le contexte de sa production et de sa création. Vincent Godeau, lui,  voit dans la pépinière de photographes sud-africains « évoluant dans leur propre pays dans une économie de marché à l’occidentale, le porte-étendard d’une photographie africaine en gestation » portée par d’autres auteurs au Mozambique et dans d’autres pays anglophones.

La photographie Africaine contemporaine, Vincent Godeau, L’Harmattan, 390 p., 38,50 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Portrait de la photographie africaine contemporaine

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