Précolombien

Un marché étroit et fragile

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2016 - 755 mots

Dans un contexte peu favorable, la dispersion de la collection Vanden Avenne n’a pas atteint son estimation basse.

PARIS - La dispersion de l’ancienne collection Vanden Avenne a eu lieu le 23 mars. Selon l’expert Jacques Blazy, il s’agissait de la collection privée la plus importante jamais constituée en Europe d’art précolombien autour du Mexique et du Guatemala, depuis la période préclassique jusqu’aux périodes Huastèques et Aztèques. Elle avait été assemblée entre la fin des années 1960 et le début des années 1970. Estimée 2,6 à 3,5 millions d’euros, elle n’a pas atteint l’estimation basse, puisqu’elle a récolté en tout 2,5 millions d’euros (1). Sur les 73 lots proposés, 44 ont trouvé preneur, soit un taux de vente de 60 %.

Malgré tout, l’expert de la vente ainsi qu’Alexandre Giquello, commissaire-priseur, s’estimaient satisfaits. « Cela s’est finalement bien passé car avec les attentats, nous étions perplexes. Trois collectionneurs belges n’ont pas fait le déplacement. Il y a forcément une répercussion », notait Jacques Blazy. « Nous avons atteint l’estimation basse avec 40 % d’invendus, ce qui n’est pas mal du tout », renchérissait Alexandre Giquello. Les pièces importantes ont toutes trouvé preneur. L’urne funéraire en terre cuite, culture Zapotèque, Mexique a été adjugée 520 700 euros (est. 400 000 à 600 000 euros) – 410 000 euros au marteau, soit dans la limite de son estimation basse. Quant au masque funéraire, culture Teotihuacan, Mexique Classique, 450-650 apr. J.-C., il a été cédé pour 533 400 euros (est. 400 000 à 600 000 euros). Un couvercle à décor incisé d’un souverain, culture Maya, Guatemala classique ancien, 350-400 apr. J.-C., utilisé dans la région de Tikal, s’est vendu 163 830 euros (est. 120 000 à 150 000 euros). Cet objet, célébrissime, montré lors de la grande exposition « Trésors du nouveau monde » aux Musées royaux d’art et d’histoire à Bruxelles en 1992 a été emporté par un collectionneur privé européen. « Je pensais que c’était une bonne occasion pour le Musée du quai Branly d’acquérir une œuvre très singulière de l’art précolombien. Mais visiblement, le musée mise d’avantage sur l’art africain et océanien », commentait l’expert. Ces prix, si élevés soient-ils, n’ont pas dépassés l’estimation haute, encore moins atteint le million d’euros. « L’art précolombien, ce n’est pas comme l’art africain, il n’y a jamais eu des prix extravagants », relève-t-il. Le record du monde dans la catégorie est détenu par une grande divinité assise en stuc, culture Maya, période classique, 550 à 950 apr. J.-C., vendue en 2011 pour 2,5 millions d’euros (OVV Binoche et Giquello).

Des acquisitions entravées
Pour les vases Maya, les choses ont été plus compliquées. « Les goûts changent. L’ancienne génération de collectionneurs appréhendant les pièces avec une lecture intimiste des glyphes Maya a disparu et a fait place à une nouvelle génération qui privilégie les pièces spectaculaires », constate Jacques Blazy. De même, les pièces moins importantes n’ont pas été vendues, le marché de l’art précolombien n’échappant pas à la règle quant aux objets de qualité intermédiaire, moins prisés aujourd’hui. La vente a aussi pâti de la législation des musées américains. En effet, la loi est draconienne aux États-Unis, puisque avec la réglementation de l’Unesco de 1970, les musées américains exigent de solides garanties. Pour prouver qu’un objet est entré dans une collection avant cette date, ces derniers réclament, en plus de la facture, la preuve que l’objet a été exposé avant cette date. La dispersion de la collection Barbier-Mueller chez Sotheby’s Paris en 2013 avait d’ailleurs souffert de cette règle, car les experts n’avaient pas pu prouver que les objets étaient entrés dans la collection avant cette date. En conséquence, aucun musée américain n’avait acheté.

Depuis 2003, les revendications d’objets par les pays d’origine (Mexique, Pérou, Équateur…) se sont multipliées, plombant le marché. Mais le nouvel ambassadeur du Mexique ainsi que le nouveau président, sont moins attentifs et plus souples, à l’inverse de l’ambassadeur précédent, Carlos de Icaza, qui était intraitable sur la question : « Je suis là pour réguler  le marché de l’art précolombien (...) Nous sommes extrêmement vigilants. À chaque vente, sur recommandation de l’OCBC, nous envoyons le catalogue aux différentes ambassades. À force d’être en liaison avec ces pays, il y a désormais un modus vivendi. Ici, nous n’avons eu aucune revendication. »

Aussi, le marché certes ne fait pas d’étincelles, mais reste stable, malgré les revendications qui ont peut-être découragé certains collectionneurs. Si changement il y a, ce ne sont que les prémices.

Note

(1) Toutes les estimations sont indiquées hors frais et adjudications frais compris.

Vente d’art précolombien ancienne collection Vanden Avenne, le 23 mars

Résultat (FC) : 2,5 millions d’euros
Estimation (HF) : 2,6 à 3,5 millions d’euros
Nombre de lots vendus : 44 sur 73 (60 %)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Un marché étroit et fragile

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