Dessin

Bagot, micro, macro

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2016 - 519 mots

Au fil de lignes qui prolifèrent en de vertigineuses cartographies, le dessinateur devient l’architecte de nouveaux territoires.

PARIS - À Paris chaque année, la fin du mois de mars sent le dessin. À l’occasion des différents salons consacrés à cette discipline, les expositions se multiplient et notamment dans les galeries. À commencer par celle de Clément Bagot chez Eva Hober qui est une vraie folie. On en prend conscience dès l’entrée, dès la première œuvre : un grand papier (2,20 m x 1,50 m) parcouru par une multitude de traits, de petits traits, toujours des petits traits… tracés avec des stylos à encre à pointes tubulaires. Le détail a son importance : il permet à Clément Bagot (né en 1972 à Paris, il vit et travaille à Montreuil) de dessiner avec une régularité et une uniformité qui génèrent des rythmes, des mouvements, des effets d’ondes. La multiplicité des traits se double dans cet immense dessin d’une grande richesse chromatique, chaque couleur déclinant toute sa gamme, par de subtils mélanges. Il en résulte une grande douceur et une relative mise à distance, comme si le dessin ouaté se trouvait derrière un voile ou un calque.

Maillage graphique
Le stylo lui offre également la possibilité de travailler indifféremment en couleurs sur fond blanc (à l’exemple du papier précité), en noir sur fond blanc, en blanc sur fond noir, en blanc sur fonds demi-teintes, comme en témoignent les quatre types d’œuvres ici réunies sous l’intitulé « Treixel » (contraction de traits et de pixels). Enfin cet outil « qui est pour [l’artiste] une sorte de scalpel du dessin, puisqu’avec certaines pointes fines on a l’impression de le graver, de l’inciser », lui sert à faire tout ce qu’il veut : aussi bien des visages, masques, crânes, vanités que des paysages plus abstraits pouvant se rapprocher des images numériques, satellitaires ou microscopiques. Le va-et-vient constant entre l’infiniment grand et l’infiniment petit est d’ailleurs au cœur de son travail. De même que le jeu d’échelle et la question du point de vue : devant une œuvre de Clément Bagot, on ne sait jamais d’où l’on regarde. Lorsqu’on regarde le dessin de près, l’impression de trouble, de tournis et d’instabilité incite à reculer, tandis que d’un peu plus loin, l’image invite à s’en rapprocher pour mieux comprendre sa (dé)construction et son chaos ordonné. C’est lors de ces allers et retours, entre zoom et grand angle, que l’on prend réellement conscience du maillage, du principe rhizomique, de la véritable texture en abyme, de l’énergie de chacun des dessins et de la façon dont leurs traits « s’autogénèrent » pour créer, ici un monde organique, ou là, minéral. Vertige garanti, tant cela grouille de partout.

La cote des œuvres à l’inverse, n’a rien de vertigineuse, allant de 1 400 euros pour les plus petits formats (37 x 29 cm) à 16 000 euros pour le grand Fluxel. Soit des prix raisonnables pour un artiste qui expose depuis vingt ans et peu, puisqu’il met plusieurs mois à réaliser un grand format.

Clément Bagot

Nombre d’œuvres : 26
Prix : entre 1 400 et 16 000 €
Artindex 2016 : 808

Clément Bagot, Treixel

Jusqu’au 16 avril, Galerie Eva Hober, 35-37 rue Chapon, 75003 Paris, tél. 01 48 04 78 68, www.evahober.com, mardi-samedi 11h-19h. Solo show (stand A2) à Drawing Now au Carreau du Temple.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Bagot, micro, macro

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