Justice

Cour de cassation

Condamnation de la petite-nièce de Camille Claudel

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2016 - 600 mots

La Haute juridiction a confirmé l’atteinte au droit moral de Camille Claudel, du fait de la présentation erronée de reproductions en bronze de « La Vague », créées par la technique du surmoulage.

La petite-nièce de Camille Claudel, Reine-Marie Paris, a abattu sa dernière carte dans la très longue saga jurisprudentielle de « La Vague » en portant une ultime fois l’affaire devant la Cour de cassation. Mais la Haute juridiction a confirmé, le 29 février 2016, la condamnation symbolique de l’héritière.

L’argument principal tentait de rattacher l’émission du certificat d’authenticité, élément essentiel de sa responsabilité, à une mise en œuvre de sa liberté d’expression. Or, la cour d’appel de renvoi de Versailles avait retenu, le 19 février 2014, qu’un tel certificat ne pouvait constituer un simple avis, « qui peut être affecté d’une erreur et relèverait de la simple liberté d’expression, alors qu’il a été émis par elle avec pour vocation d’accompagner un tirage de l’œuvre qu’elle a elle-même fait exécuter ». Ce faisant, l’arrêt d’appel aurait violé l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme protégeant la liberté d’expression. Argument désormais brandi par tous les acteurs du monde de l’art se prononçant sur les qualités d’une œuvre, qu’ils soient experts ou ayants droit. La Cour de cassation rejette néanmoins le moyen en rappelant la destination du document et la présentation des tirages dans le catalogue raisonné établi par l’héritière, ainsi que l’absence de violation de l’article précité, puisque la « présentation, par tous moyens, des tirages intégralement en bronze comme étant des originaux, constituait une atteinte au droit moral de l’auteur ».

Avis et certificat
La solution pourrait rayonner au-delà de la présente espèce. Si la condamnation porte sur la présentation erronée d’un tirage obtenu par surmoulage de l’œuvre première comme un original, et non comme une reproduction, la mise à l’écart de l’article 10 résulte bien de la finalité d’une telle présentation. En ce sens, un certificat d’authenticité délivré en vue d’une vente ne pourrait offrir à son rédacteur le bénéfice de la liberté d’expression afin d’écarter sa responsabilité. Que cette dernière soit recherchée au titre d’une violation du droit moral ou au titre d’un préjudice subi en raison d’un consentement vicié. De même, l’inclusion d’une œuvre dans un catalogue raisonné en vue de la vente de celle-ci devrait emporter une solution identique. Tant l’arrêt d’appel, que l’arrêt de la Cour de cassation font explicitement référence à ces deux documents. La ligne de démarcation entre le simple avis et le certificat s’avère renforcée. Le premier est réalisé en dehors de toute vente et protège son émetteur du voile protecteur de la liberté d’expression. Le second est réalisé en vue d’une vente et expose son rédacteur aux foudres de la responsabilité. Davantage que les termes utilisés, c’est la finalité qui prime. Les tirages en bronze de La Vague, ou Les Baigneuses, sont donc définitivement disqualifiés en simples reproductions. Ils peuvent toutefois continuer à être proposés sur le marché, puisqu’ils ne portent pas en eux-mêmes atteinte au droit moral de l’artiste, selon les décisions passées en force de chose jugée. Seule leur présentation à d’éventuels acquéreurs doit être modulée afin de faire état de la qualité qui leur a été attribuée en justice. En revanche, leur potentiel maintien au sein du catalogue raisonné comme « bronzes originaux », qualification toujours revendiquée par Reine-Marie Paris, soulèvera de nouvelles difficultés.

Note

Contrairement à ce que nous avions indiqué par erreur dans l’article paru dans le JdA du 19 février, relatif aux bronzes de Braque, il ne s’agissait pas de La Vague de Braque, mais bien de Camille Claudel .

Légende photo

Camille Claudel, La Vague ou Les Baigneuses, 1897-1903, marbre-onyx et bronze, 62 x 56 x 50 cm, Musée Rodin, Paris. © Musée Rodin, Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Condamnation de la petite-nièce de Camille Claudel

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