Art ancien

XVIe

Le dessous des cartes

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 29 mars 2016 - 635 mots

CASSEL

Le Musée de Flandres de Cassel confronte le travail complémentaire de deux cartographes flamands du XVIe siècle, Mercator et Ortelius, qui furent les fondateurs de la géographie moderne.

CASSEL - Dans un intérieur encombré de livres, de globes, de cartes et d’instruments de mesure, le géographe Ortelius présente a son confrère et aîné Mercator un ouvrage qu’on imagine être un atlas. Ce tableau du Belge Joseph Bellemans (1816-1888), peintre de scènes d’histoire et de genre, ouvre la petite exposition du Musée de Flandres de Cassel, qui prend le parti de présenter ensemble, pour la première fois, deux des géographes flamands les plus importants du XVIe siècle : Gérard Mercator (1512-1594) et Abraham Ortelius (1527-1598). Les deux hommes se connaissaient, s’estimaient et correspondaient. Mais la démarche de l’exposition – qui présente ces travaux tantôt séparément, tantôt en regard l’un de l’autre – n’est pas tant de rendre compte de leur relation que de confronter deux approches différentes de la cartographie, émanant d’un Ortelius « pionnier de la cartographie historique » et d’un Mercator « créateur d’une nouvelle géographie », selon la commissaire Cécile Laffon, attachée de conservation au Musée département de Cassel.

Le premier atlas imprimé
« Pour les scientifiques puristes, Ortelius n’était pas un vrai cartographe, mais plutôt un transmetteur de savoir », explique-t-elle. Car dans son Theatrum orbis terrarum – édité pour la première fois en 1570 et considéré comme le premier atlas imprimé – l’érudit a compilé des cartes existantes (notamment celles de son ami Mercator) réalisant une somme des connaissances cartographiques de l’époque. Dans les transformations et les annotations qu’il effectue, transpire son goût pour l’histoire. Il ne se prive pas de faire référence à la mythologie et à des sources antiques, citant volontiers le travail de Claude Ptolémée, astronome et astrologue grec du début de notre ère. Ses travaux font en outre souvent vibrer la corde artistique, car Ortelius – inscrit en 1547 comme enlumineur de cartes à la guilde de Saint-Luc – a régulièrement intégré des petits détails figuratifs, destinés à combler des vides dans une carte imprécise (tel un groupe d’éléphants sur un coin de l’Afrique) ou à inscrire un territoire représenté dans un héritage culturel (ici Ivan le Terrible en Asie Centrale, là la princesse Europe montée sur le taureau Jupiter symbolisant le continent européen).

La démarche de Mercator est, elle, bien plus scientifique. Ce mathématicien qui commence sa carrière en réalisant des instruments astronomiques, tels des astrolabes ou des cadrans solaires, va rebattre les cartes de la géographie, affinant les contours de nombreuses zones du monde. Sa principale innovation est de traduire la rotondité de la terre sur une surface plane selon une projection cylindrique. Si elle déforme les distances et les surfaces, cette projection sera d’une grande utilité pour la navigation, permettant aux marins de définir un cap constant. Toujours utilisée sur nos cartes traditionnelles, cette « projection Mercator » a fait date et a assuré à son auteur une célébrité qui demeure aujourd’hui. Ortelius – dont l’atlas a pourtant constitué en son temps un gigantesque succès d’édition – est loin de bénéficier d’une telle postérité.
Si l’exposition, basée sur les prêts d’institutions belges et françaises, a le mérite de porter l’éclairage sur son travail, on regrettera que la médiation écrite, assez succincte, ne constitue pas toujours une aide à la lecture suffisante de cartes, souvent en latin, et d’en comprendre les particularités. On aurait pu espérer recevoir des explications et approfondissements dans le catalogue. Malheureusement, elles font défaut, le musée ayant fait face ces dernières années à des réductions budgétaires. Maigre consolation, un colloque sur le sujet qui a eu lieu un mars doit mener à la publication d’actes de colloque.

La cartographie ou le miroir du monde

Commissariat : Cécile Laffon, attachée de conservation au Musée départemental de Cassel
Nombre d’œuvres : une soixantaine

La cartographie ou le miroir du monde. Mercator et Ortelius, deux gÉographes flamands

Jusqu’au 12 juin, Musée de Flandres, 26 Grand-place, 59670 Cassel, www.museedeflandre.lenord.fr, tel. 00 33 (0)3 59 73 45 59, mardi-vendredi 10h-12h30 et 14h-18h, samedi-dimanche 10h-18h, entrée 5 €.

Légende photo
Joseph Bellemans, Mercator et Ortelius, huile sur toile, Musée royal des Beaux-Arts, Anvers. © Photo : Hugo Maertens/Lukas-Art in Flanders vzw.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Le dessous des cartes

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