Justice

Un Monet contesté

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 29 mars 2016 - 562 mots

Fin du litige opposant les héritiers d’une ex-propriétaire d’un portrait de Monet à la société Wildenstein.

PARIS - « John Singer Sargent », « attribué à John Singer Sargent », « Charles Giron », « Claude Monet », les attributions plus ou moins glorieuses attachées à un (auto)portrait (voir illustration) d’un des fondateurs de l’impressionnisme, désormais propriété du Musée Marmottan, ont été fluctuantes et soulèvent encore des difficultés. Les difficultés judiciaires, elles, viennent de prendre fin, après plus de trente années de procédures diverses, la Cour de cassation ayant rejeté, le 17 mars 2016, l’ultime recours des ayants droit de Paulette Howard-Johnston, propriétaire originelle de l’œuvre.

Celle-ci s’était rapprochée en 1984 de la société Wildenstein en vue de lui vendre le portrait comme une œuvre de Sargent. Mais une fois l’opération conclue, la société eut des doutes sur son authenticité, après qu’un collège d’experts se fut prononcé, attribuant le tableau à un peintre de moindre renommée, Charles Giron, et demanda la nullité de la vente. Une transaction fut alors signée en 1986, le « Portrait de Claude Monet » attribué à Sargent, une partie de la somme remboursée pour moitié par la venderesse et les parties s’engagèrent à se désister de toutes instances et actions au sujet du tableau. En contrepartie, la société Wildenstein promettait de présenter, dans les six mois, l’œuvre à l’Académie des beaux-arts, qui gère le musée Marmottan.

Monet par Monet
Mais dix ans plus tard, le portrait devenait autoportrait au sein du catalogue raisonné de l’œuvre de Monet établi et mis à jour par le Wildenstein Institute. D’une simple attribution à Sargent, sans garantie d’authenticité, à la validation d’une signature prestigieuse, la valeur du tableau se trouve ainsi démultipliée. S’estimant lésée, Paulette Howard-Johnston assigna le Wildenstein Institute et Daniel Wildenstein – auteur principal du catalogue et membre de l’Académie – en nullité de la vente et de la transaction, puis appela en la cause l’Académie et le Musée Marmottan en vue d’obtenir la restitution de l’œuvre. Un premier arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2008 cassait l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant refusé de prononcer la nullité de la vente. Cette nullité fut accueillie six ans plus tard par la cour d’appel de renvoi, le 15 octobre 2014, en raison d’une erreur sur les qualités substantielles, le consentement de la venderesse ayant été vicié, puisque celle-ci n’avait pas pu imaginer que son tableau puisse être de la main de Monet. L’attribution de l’œuvre à un peintre connu reste une qualité substantielle, tant pour le vendeur que pour l’acquéreur, même si cette attribution se révèle ensuite incertaine. Logiquement, une fois la nullité prononcée, un jeu de restitutions réciproques doit s’opérer et le tableau se voir restituer aux ayants droit de la propriétaire depuis décédée.

L’empire de la transaction
À ce jeu de restitutions, la transaction signée y fait échec, ou plutôt les fondements de sa contestation. La Cour de cassation, saisie après la décision de la cour de renvoi, confirme qu’aux termes de leur transaction, les parties ont irrévocablement confirmé la vente du tableau litigieux et se sont désistées de toutes instances et actions relatives à celui-ci. L’annulation ultérieure de la vente n’était donc pas de nature à fonder, en elle-même, l’annulation de la transaction. Seule une action en rescision aurait pu aboutir à une solution différente, mais celle-ci n’a pas été menée par les demandeurs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Un Monet contesté

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