Bilan

Le marché de l’art avance en ordre dispersé

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 16 mars 2016 - 756 mots

Plombé par la Chine qui s’effondre, le marché de l’art mondial a baissé de 6,6 % en 2015. La France résiste de façon variable selon les analystes.

Les signes avant-coureurs dont Le Journal des Arts s’est à plusieurs reprises fait l’écho sont maintenant confirmés par le très attendu rapport annuel de la société Arts Economics pour le compte de la foire Tefaf : le marché de l’art a reculé dans le monde en 2015. Après deux années de hausse, il a baissé de 6,6 %, s’établissant à 63,75 milliards de dollars (1). Cela paraît peu après l’effondrement de 2009 (– 36 %) consécutif à la crise financière de 2008, ou à la suite de la contraction de 2012 (– 12 %) principalement due à la Chine, mais c’est suffisant pour inquiéter les marchands. Ceux-ci n’ont pourtant pas de raisons de s’effrayer : si on fait abstraction du marché chinois qui chute brutalement de 23 % en raison du ralentissement économique général et de la campagne anti-corruption, la baisse n’est que de 1,8 %. Il faudrait d’ailleurs que les analystes occidentaux se penchent un peu plus sur la réalité du marché chinois et la validité des chiffres que les Chinois communiquent. Ces derniers avaient ainsi revu à la hausse en 2014, sans le dire, les chiffres de l’année 2012. Et puis un grand flou entoure la comptabilisation des adjudications non (encore ?) payées, qui restent une pratique courante. Selon le rapport d’Arts Economics, le pourcentage d’adjudications dont le montant est supérieur à 1,6 million de dollars et qui ne sont pas payées six mois après le coup de marteau est de 36 % en 2015. Nonobstant ces chiffres, qui laissent perplexe, la Chine occupe la troisième place du marché avec 19 % des ventes derrière les États-Unis, leaders à 43 %, et le Royaume-Uni à 21 %.

Arts Economics est le seul cabinet d’études à fournir des analyses globales incluant non seulement les ventes aux enchères mais aussi les ventes réalisées par les antiquaires et galeristes. Les données communiquées par ces derniers ne sont pas d’une fiabilité absolue, mais ils ont le mérite de dessiner un ordre de grandeur et une évolution. Et leur prise en compte est d’autant plus indispensable que les ventes de marchands sont supérieures (53 %) aux ventes aux enchères (47 %). Ces dernières ont davantage baissé en 2015 (– 9 %) que le marché global, handicapées là aussi par le décrochage chinois (– 23 %). Les ventes aux enchères d’art ancien sont les grands perdants de l’année avec une baisse de 20 %, suivies des ventes d’art contemporain (– 14 %), alors que les résultats des vacations d’art impressionniste (– 3 %) et moderne (– 1 %) ne font que s’effriter.

Et la France ?
Le bilan de santé du marché français dépend du point de vue que l’on adopte et des sources. Selon Arts Economics, le marché global français a baissé dans les mêmes proportions que le marché mondial (– 6 %), permettant à la France de conserver une part de marché de 6 %, et de se placer en 4e position. La société d’étude estime le marché de l’art en France à environ 4 milliards de dollars. S’agissant des ventes aux enchères, les analyses divergent cependant entre Art Economics et le Conseil des ventes volontaires (CVV), qui vient lui aussi de communiquer ses chiffres pour 2015, lesquels reposent sur les déclarations des opérateurs. Selon Art Economics, les ventes aux enchères en France ont baissé de plusieurs points en volume, alors que d’après le CVV elles sont stables ou en progression de 6 % en valeur si l’on prend en compte les ventes de BD et de voitures de collection qui ont battu des records en 2015.

En revanche, le poids grandissant de Christie’s et Sotheby’s ne peut qu’être un motif d’inquiétude pour les autres acteurs du marché. Partis de zéro en 2001 après la fin du monopole des commissaires-priseurs, les deux auctioneers ont encore pris 4 points de parts de marché en 2015 pour s’établir à 40 %, non loin de leur poids de 42 % dans le marché mondial. Seule la Chine résiste à ce rouleau compresseur et limite leur emprise à 19 % en réussissant à consolider ses champions nationaux que sont Poly Auction et China Guardian. Il est vrai que la Chine, qui voudrait rivaliser avec l’Occident sur le terrain économique, est loin d’être un modèle de libéralisme dans son pré carré.

Note

(1) Arts Economics communique dorénavant ses chiffres en dollars et non plus en euros comme précédemment.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°453 du 18 mars 2016, avec le titre suivant : Le marché de l’art avance en ordre dispersé

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