Hommage

Fred Deux est un autre

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 18 février 2016 - 536 mots

La Galerie Alain Margaron expose une cinquantaine d’autoportraits, pour nombre d'entre eux inédits, du dessinateur décédé en 2015
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PARIS - Mais quelle image Fred Deux avait-il donc de lui lorsqu’il se regardait dans une glace ? À n’en pas douter, il devait se voir par transparence et se deviner comme un voyant rimbaldien. En témoigne dès l’entrée de la galerie cet Autoportrait de 1981, une mine de plomb d’un splendide dégradé de gris, qui montre d'un corps aussi bien l’intérieur du crâne que, plus bas, les entrailles. Ce dessin encore jamais montré introduit à la cinquantaine d’œuvres datées de 1950 à 2012, réunies pour cette rétrospective par Alain Margaron, son galeriste depuis 1999. Devenu très proche de lui au fil du temps, celui-ci rend hommage à l’artiste décédé en 2015, à l’âge de 91 ans. Trois autres dessins de la même série, eux aussi inédits comme bon nombre des œuvres présentées, sont accrochés dans une seconde salle. L’un des corps figurés n’a pas de tête, un autre en a deux.

L’autoportrait est l’un des thèmes majeurs de cette exposition. Même si, du strict point de vue des dates, il correspond précisément à une période, allant de 1974 à 1985, il traverse une grande partie de l’œuvre.
Chez Fred Deux, l’autoportrait peut perdre la tête de vue à partir du moment où il trouve un corps pour pousser toujours plus loin la quête de l'intériorité et de la source de vie. Dans ce registre, le deuxième axe de l’exposition, centré sur les années 1990 et les grands formats aux fonds aquarellés, rappelle que le corps et la chair constituent un terrain de jeu sans fin.

L'organique et le spirituel
Les deux papiers les plus anciens sont datés de 1950 et 1951. Exécutés dans les traces laissées par l’empreinte d’une étoffe, avec ajout d’une peinture grise pour bicyclette, ils évoquent l’art de Klee et de Michaux. Juste à côté, l’œuvre Sans titre de 1959, dite de la période « Daniel Cordier » (son galeriste de l’époque), fait un clin d’œil à Victor Brauner. Voilà pour les références de jeunesse que Fred Deux abandonnera très vite.

Les derniers dessins sont de 2012, sur fond vert, et de 2010 sur fond rouge sang, dont l’un, Traverser. Quoi ?, a été réalisé de façon prémonitoire, juste avant que l’artiste ne fasse une chute dans un escalier qui le contraigne à une opération du cerveau. Troisième point fort du parcours, ces feuilles témoignent de sa volonté d’utiliser la couleur de façon plus affirmée et plus picturale que par le passé, joli pied de nez pour quelqu’un qui n’a jamais peint une seule toile de sa vie. Elles sont aussi l’aboutissement de soixante-cinq années passées à mettre ses visions et sa prodigieuse minutie au service d’une réflexion sur le mystère de la vie, sur la création, sur l’organique et le spirituel.

Compris entre 2 600 et 60 000 euros (pour un grand dessin de 1983, Les Survivants), les prix sont raisonnables pour un artiste de cette dimension et de cette profondeur, qui, loin des modes et des mondanités, a toujours préféré vivre à La Châtre, dans le Berry.

Fred Deux

Nombre d’œuvres : une cinquantaine
Prix : entre 2 600 et 60 000 €

FRED DEUX, LE LIVRE DE LA VIE

Jusqu’au 19 mars, Galerie Alain Margaron, 5 rue du Perche, 75003 Paris, tél. 01 42 74 20 52, www.galeriealainmargaron.com, mardi-samedi 11h-13h, 14h30-19h30.

Légende photo
Fred Deux, Autoportrait, 1981, mine de plomb, 75 x 50 cm. Courtesy galerie Alain Margaron, Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°451 du 19 février 2016, avec le titre suivant : Fred Deux est un autre

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