Rétrospective

Ugo Mulas, aux sources de la création

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 2 février 2016 - 662 mots

La Fondation Henri Cartier-Bresson rend hommage à l’œuvre méconnue du photographe italien, des images d’artistes saisis dans leur travail de création.

PARIS - Ses portraits d’artistes (Andy Wharol, Robert Rauschenberg, Alexander Calder, Lucio Fontana pour ne citer qu’eux) sont célèbres. Sa série « Les Vérifications », œuvre ultime réalisée entre 1968-1972 peu avant sa disparition, est tout aussi référencée pour sa réflexion sur le médium et l’acte photographique. L’œuvre d’Ugo Mulas (1928-1973) n’avait jusqu’à présent été montrée en France que de manière parcellaire. L’acquisition d’un des deux seuls jeux de la série des « Vérifications » par le Musée national d’art moderne avait ainsi donné lieu en 2011 à une présentation de ses douze photographies ; elles constituent également des éléments de réponse à l’exposition « Qu’est-ce la photographie ? » récemment proposée à la Galerie de photographies du Centre Pompidou. Mais point de vision globale de l’œuvre. L’exposition « Ugo Mulas. La photographie » à la Fondation Henri Cartier-Bresson   présente des clichés sélectionnés par Ugo Mulas pour son livre, La Fotografia (publié en 1973, peu de temps après sa mort et dont la version française est parue en octobre 2015),  permettant enfin d’appréhender tout le travail du photographe.

En de courtes séquences d’images introduites par un texte, le photographe italien y développe réflexion sur son itinéraire, sa démarche et son positionnement vis-à-vis du portrait et plus généralement de la photographie. Ses mots racontent le fil de sa pensée et son point de vue qu’il qualifie  d’« optique et surtout mental » vis-à-vis de Marcel Duchamp, Barnett Newman, Jaspers Johns, Frank Stella… « Ainsi pour Newman, écrit-il, c’est le rapport avec la toile qui compte, la lente approche de la toile à travers un processus de concentration qui en détermine la dimension, l’espace et la partition. (…) Les photographies de Duchamp aussi aspirent à être davantage qu’une série de portraits plus ou moins réussis ; elles sont une tentative de restituer visuellement l’état d’esprit de Duchamp vis-à-vis de son œuvre, un état d’esprit qui s’est traduit par des années de silence, par un refus de faire ce qui est en réalité une autre façon de faire et de poursuivre un discours. »

Identifier notre propre réalité
À la Fondation Cartier-Bresson, les commissaires se concentrent essentiellement sur les portraits d’artistes dans leur atelier et déploient les études de comportement que le photographe faisaient, via son objectif, du facétieux Alexander Calder ou du très concentré Lucio Fontana s’apprêtant à entailler la toile blanche. Domine la sélection la scène artistique new-yorkaise qu’Ugo Mulas photographie à partir de 1964. Relevons aussi un Max Ernst à la Biennale de Venise de 1954, parmi les passagers d’un vaporetto, ou la série de portraits de Giacometti à la Biennale dix ans après, ramenant en creux à sa première période de création. Dans la vitrine du second étage, les photographies de la périphérie de Milan et du Bar Jamaïca, où amis et artistes se retrouvaient, retracent les premiers pas du photographe en 1952-1953. Tandis que la série sur David Smith ramène au festival de sculptures de Spoleto de 1962, où il rencontra aussi Calder, l’ami pour lequel il voulut faire « des photographies significatives de sa façon d’être, de l’aspect facétieux de son œuvre, et des photographies pleines d’affection ». « Ce qui importe vraiment n’est pas tant de saisir l’instant privilégié que d’identifier notre propre réalité », souligne Ugo Mulas dans La Photographie. « Au photographe revient le devoir d’identifier sa réalité, à l’appareil celui de l’enregistrer dans sa totalité. » Une définition que le photographe a, en dix-huit ans à peine, parfaitement illustrée. L’accrochage de la Fondation Cartier-Bresson exprime fidèlement la particularité de son regard pour la scène artistique italienne et américaine, sans jamais se dépareiller d’une sensibilité, d’une rigueur dans le questionnement, ni d’une justesse, qui trahissent l’amitié, la curiosité, l’attention qu’il portait aux autres, et aux artistes en particulier.

Ugo Mulas

Nombre d’œuvres : 60
Commissaires : Agnès Sire, directrice de la Fondation Cartier Bresson et Giuliano Sergio

Ugo Mulas, La Photographie

Jusqu’au 24 avril 2016, Fondation Henri Cartier-Bresson, 2 impasse Lebouis, 75014 Paris, tél. 01 56 80 27 00, www.henricartierbresson.org, mardi-dimanche 13h-18h30, samedi 11h-18h45, entrée 7 €, gratuit mercredi 18h30-20h30. « La photographie, Ugo Mulas » édition Le Point du Jour, 180 p., 139 photographies, 39 €.

Légende photo
Ugo Mulas, Jasper Johns dans son atelier, New York, 1964. © Succession Ugo Mulas, Milan, courtesy Galleria Lia Rumma, Milan/Naples.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°450 du 5 février 2016, avec le titre suivant : Ugo Mulas, aux sources de la création

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