Art d’Asie

Le soutien des grandes collections

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 19 janvier 2016 - 795 mots

Des chiffres à la hausse et la vente de collections importantes masquent cependant une autre réalité : un marché qui marque le pas.

Selon le rapport Tefaf sur le marché de l’art en 2014, le chiffre d’affaires pour l’art asiatique a atteint 1,5 milliard d’euros, accusant une baisse de 2 %. « Ceci s’explique notamment par une diminution du nombre de lots de l’ordre de 14 %. Le marché a amorcé un déclin significatif depuis 2011, quand, en plein boom, ce secteur totalisait 2,3 milliards d’euros. » Un constat en adéquation avec le ralentissement avéré de la croissance en Chine.

Or, pour 2015, la simple observation des chiffres dément ce constat. En 2014, le total cumulé des ventes de Christie’s et Sotheby’s sur les quatre places internationales (Hongkong, New York, Londres et Paris) s’élevait à 686 millions, soit 45,7 % du chiffre d’affaires pour l’art asiatique annoncé par le rapport Tefaf. Pour 2015, ce résultat atteint 820 millions d’euros, indiquant une croissance de 20 %. Sur toutes les places du marché, les deux sociétés ont enregistré une progression. La plus spectaculaire concerne New York et son bond de 86,5 % grâce à la dispersion de la collection du marchand d’art asiatique Robert Hatfield Ellsworth (1929-2014) chez Christie’s en mars : celle-ci a totalisé 115 millions d’euros en art ancien.

La 2e plus forte progression est attribuée à Londres avec plus de 50 % de taux de croissance pour un résultat passant de 32,8 à 50 millions d’euros. Sotheby’s y est leader, comme ailleurs, excepté à New York où Christie’s a dispersé la collection Ellsworth. « Nos chiffres sont bons car nous avons vendu des objets importants et inédits ainsi que des collections prestigieuses, comme celle du “Dr S Y Yip” à Hongkong [pour un montant de 30 millions d’euros] », explique Camille de Foresta, spécialiste chez Sotheby’s Paris.

C’est à Hongkong que les deux maisons de ventes enregistrent leur plus haut score, porté à plus de 500 millions d’euros ( 3 %). Christie’s y affiche cependant un chiffre inférieur à 2014, année au cours de laquelle elle a vendu un thangka impérial du XVe siècle d’époque Ming pour 36,3 millions d’euros, qui reste à ce jour l’œuvre d’art asiatique la plus chère du monde puisque aucune enchère n’a su l’égaler en 2015. En effet, l’enchère record mondiale 2015 concerne un portrait de la favorite de l’empereur Qianlong, par Castiglione, cédé 16 millions d’euros chez Sotheby’s Hongkong en octobre. Enchère suivie de celle d’un vase Guan, dynastie des Song du Sud, acquise 13,2 millions d’euros par Liu Yiqian pour son Long Museum de Shanghai (Sotheby’s Hongkong, avril).

À Paris, le chiffre d’affaires global des deux multinationales a atteint 43,5 millions d’euros en 2015, contre 36 millions en 2014 ( 20 %), alors même que Christie’s n’a organisé qu’une vente au lieu de deux précédemment. Mais cette unique vacation en juin, composée de plusieurs collections, a été couronnée de succès avec un total de 19,3 millions d’euros (contre 17,5 en 2014). N’étant pas étranger à ce résultat, un rouleau chinois du XVIIIe siècle, attribué au peintre Gu Quan, a été cédé 5,6 millions d’euros et devient l’œuvre asiatique la plus chère en 2015 en France.

Les stocks sont pleins
Cependant, l’arbre cache la forêt. « Les chiffres sont faussés par le résultat de collections [Ellsworth à New York, David-Weill à Paris…] et quelques prix hors norme, car, de l’avis général, le marché marque le pas. Les acheteurs sont moins présents puisque les stocks en Chine sont pleins, d’où des prix moins élevés et parfois des taux d’invendus de l’ordre de 50 %. À cela s’ajoute une pénurie de lots importants », note Philippe Delalande, expert. Selon Pierre Ansas, expert, ce volume de ventes supérieur à l’an passé pourrait s’expliquer aussi par une accélération des cycles de revente. « Les Chinois revendent beaucoup. Mais ce surplus d’objets ne va pas de pair avec la qualité », d’où un nombre moins élevé qu’en 2014 d’enchères millionnaires. À Drouot aussi, même s’il est difficile de comparer les chiffres, les critères ayant changé (1), pas une seule enchère millionnaire n’a été enregistrée en 2015 (contre 6 en 2014). Seul Millon détient une telle enchère, grâce à son site de ventes en ligne Asium, avec un sceptre ruyi en jade, période Jiaqing, XIXe siècle, adjugé 1,2 million d’euros.

Il faudra donc attendre la publication des chiffres globaux du marché de l’art en 2015 pour infirmer ou confirmer le déclin amorcé en 2011 pour les arts d’Asie. Une chose est sûre, le marché se tient, mais, les grandes collections mises à part, il est en attente.

Note

(1) seules les ventes spécialisées étaient jusqu’ici comptabilisées alors qu’en 2015 tous les lots asiatiques ont été additionnés, et l’on passe de 22 à 32 millions d’euros.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°449 du 22 janvier 2016, avec le titre suivant : Le soutien des grandes collections

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