Anatomie

La part mécanique de l’homme

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2016 - 460 mots

À Montpellier, la Panacée ausculte un corps devenu mécanisé et la manière dont les artistes s’en sont emparé.

MONTPELLIER - L’ancien Collège royal de médecine de Montpellier, remarquablement rénové,  est depuis 2013 devenu La Panacée, un centre culturel multidisciplinaire doté de beaux espaces d’exposition. Nicolas Bourriaud en prendra prochainement la direction artistique, a-t-il été annoncé quelques jours après l’ouverture de l’exposition « Anatomie de l’automate » qui y est actuellement visible. Il aura en outre – et surtout – la charge d’élaborer le projet de futur Centre d’art contemporain voulu par le maire, Philippe Saurel, dont l’ouverture est annoncée pour 2019 en lieu et place de ce qui aurait dû être un Musée de l’histoire de la France et de l’Algérie souhaité par feu Georges Frêche.
La présente exposition est le fuit d’une invitation adressée au Mamco de Genève à laquelle a répondu le curateur Paul Bernard. S’inspirant de la nature même et du passé des lieux, ce dernier s’est attaché à explorer de possibles analogies entre le corps humain et la machine. Une réflexion issue de la lecture des Anneaux de Saturne de W. G. Sebald, roman dans lequel est « relue » la célèbre Leçon d’anatomie du docteur Tulp de Rembrandt, dans laquelle l’écrivain voit le traitement du corps humain plus comme celui d’une machine réglée et mécanique.

Instaurant à certains endroits un dialogue entre une belle sélection d’une trentaine d’artistes contemporains et quelques pièces patrimoniales (des ouvrages scientifiques anciens pour la plupart), l’exposition s’ouvre sur une leçon d’anatomie où le corps positionné verticalement, et non horizontalement comme il est d’usage, semble quelque peu schématisé. Lui fait face une grande œuvre murale de Matt Mullican qui laisse s’aligner des corps, eux aussi réduits à la simple expression de quelques lignes de forces ou volumes.

S’il est une réussite de cette proposition, c’est que les travaux ne viennent pas délivrer comme une illustration stricto sensu d’un cours magistral sur le sujet, mais ouvrent plutôt des pistes d’exploration, parfois un peu elliptiques, attachées à ces problématiques. Ainsi d’un beau film de Philippe Decrauzat, dans lequel le mécanisme d’une roue crantée devient presque abstrait et vient perturber la régularité d’une surface aqueuse, tandis que juste avant, un cliché de Christopher Williams figure l’objectif d’un appareil photo découpé au laser, comme disséqué.

À des organes sous cloche provenant de l’École d’Anatomie répondent des fragments corporels mis en cage par Tetsumi Kudo et un petit Reliquaire technologique tout en chair de Paul Thek. C’est en effet un regard singulier sur les rapports de l’humain avec la technologie qui s’exprime par la rupture, la dissection, la disparition et de la contrainte au fil des salles, comme avec la belle installation d’Eva Kotatkova dont les appareils contraignants et oppressifs laissent hésiter entre rééducation ou torture.

Anatomie de l’automate

Jusqu’au 28 février, La Panacée-Centre de culture contemporaine, 14, rue de l’École de Pharmacie, 34000 Montpellier, tél. 04 34 88 79 79, tlj sauf lundi-mardi 12h-20h, dimanche 10h-18h, entrée libre.

Légende photo
Paul Thek, Chair with crows and meat pieces, détail, 1968, bois, cire, cuir, corbeau empaillé, 95 x 50 x 50 cm. © Photo : Lothar Schnepf.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°448 du 8 janvier 2016, avec le titre suivant : La part mécanique de l’homme

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