Directeur de l’Institut national du patrimoine

Philippe Barbat : « L’INP va dispenser une formation à la négociation »

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2016 - 845 mots

Philippe Barbat ouvre l’enseignement de l’Institut national du patrimoine à la gestion.

Philippe Barbat, directeur de l’INP
Philippe Barbat
Photo M.-C. Vigutto
© INP

Archiviste-paléographe, Philippe Barbat a réussi en 1996 le concours de conservateur du patrimoine qui l’a mené à la direction des Archives de France. Énarque depuis 2004, il est passé par le Conseil d’État et par le cabinet des deux dernières ministres de la Culture en tant que conseiller en charge des patrimoines. Il est directeur de l’Institut national du patrimoine (INP) depuis janvier 2015.

Cette année, le concours de l’INP a ouvert vingt et une places de conservateur d’État et seulement neuf places de conservateurs territoriaux contre quinze en 2014 et dix-huit en 2013… Une baisse significative ?
Cette diminution s’explique par le fait que certains conservateurs territoriaux des promotions précédentes n’ont pas encore trouvé de poste. Cela a nécessairement un impact sur les postes ouverts au concours.

À quoi attribuez-vous ces difficultés de recrutement ?
Ce frein est dû à la période de difficulté budgétaire qui a des conséquences sur l’offre d’emploi dans le secteur culturel et à des phénomènes de concurrence entre les conservateurs et d’autres profils tels que les attachés de conservation. Beaucoup d’attachés ont été promus conservateurs sur leur poste : au moment de réattribuer ce poste lors d’un départ en retraite, le choix peut être fait de se tourner à nouveau vers un attaché plutôt qu’un conservateur. Mais il faut regarder ce phénomène avec attention, car il y a également des collectivités, par exemple les villes de Reims et de Saint-Lô, qui ont recruté récemment des conservateurs en sortie de promotion à des postes de directeurs de musées.

La mission d’étude de 2014 sur le recrutement des conservateurs territoriaux a pointé du doigt des déficits réels ou supposés des conservateurs en termes de management ce qui pourrait freiner leur recrutement par les collectivités. L’INP va-t-il faire évoluer sa formation ?
Les élèves conservateurs territoriaux sont ceux qui bénéficient le plus de l’enseignement au management avec une formation très complète dispensée par l’Institut national des études territoriales, qui va en plus proposer d’avantages d’heures sur ce sujet à partir de janvier. L’INP enrichit également cette année l’enseignement du management pour les conservateurs de l’État, en durée comme en contenu, en passant de 24 à 40 heures, avec notamment une formation à la négociation. Nous créons aussi en 2016 un nouveau module de communication, pour apprendre aux conservateurs territoriaux et de l’État à faire passer des messages en interne, à convaincre leurs équipes, à les faire participer à un projet… mais aussi à se préparer au contact avec les médias ce qui est une composante importante de leur vie professionnelle. L’INP a également élaboré un projet pédagogique commun avec l’ENA sur la déontologie qui sera décliné tout au long de la formation. Ce module abordera notamment les valeurs et les références du service public, telles la laïcité, la neutralité, la continuité ou l’adaptabilité, qui doivent être maîtrisées par les conservateurs, fonctionnaires de haute responsabilité.

Vous semble-t-il souhaitable que les conservateurs soient des spécialistes des collections qu’ils conservent ?
Les conservateurs sont formés pour étudier et valoriser le patrimoine dans toute sa diversité. Ils sont donc tout à fait en mesure de prendre la responsabilité de collections au contenu très varié, ce qu’ils font d’ailleurs dans de nombreux cas. Bon nombre de conservateurs territoriaux de la spécialité musées occupent des postes de direction ou d’adjoint de musées de ville ou de région, qui sont dans l’immense majorité des cas des musées généralistes. La spécialité ne doit pas être un piège pour limiter le rôle du conservateur à l’étude scientifique et solitaire d’un fragment des collections : ce n’est pas pour cela que ce métier existe. C’est aussi un métier de gestion et de transmission vers le plus large public. Cependant, lorsque la fonction nécessite la maîtrise de savoirs très précis, tels l’épigraphie ou l’assyrien par exemple, il faut que cela compte pour définir le poste.

Quelle est la limite au devoir de réserve pour un conservateur ?
S’engager pour le service public, c’est s’engager pour la démocratie et accepter un système dirigé par des élus. Quand quelque chose ne convient pas à un conservateur, il doit le dire à sa hiérarchie et peut chercher à la convaincre de changer de position, mais il ne doit pas critiquer publiquement l’État ou la collectivité territoriale. C’est le respect du devoir de réserve applicable à tous les fonctionnaires et c’est aussi une question de confiance : le conservateur fait partie d’une équipe.

Mais si l’équipe joue contre le patrimoine ?
La loi s’impose à tous, aux conservateurs, aux élus de l’État et des collectivités, à l’ensemble des citoyens. L’aliénation d’une collection, la destruction non autorisée d’archives, la dégradation de sites archéologiques peuvent exister et c’est illégal, donc le conservateur est en droit de s’opposer à cette politique. Mais quand une décision est légale, le conservateur doit mettre sa subjectivité de côté et l’appliquer. Nos concitoyens attendent des conservateurs ce qu’ils attendent de tous les fonctionnaires : qu’ils consacrent leur énergie au service des politiques publiques qui leur sont confiées. Et c’est ce qu’ils font.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°448 du 8 janvier 2016, avec le titre suivant : Philippe Barbat : « L’INP va dispenser une formation à la négociation »

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque