Peinture

Hantaï taille grand

Sept toiles historiques, dont deux de grand format, sont proposées par la Galerie Jean Fournier.

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 10 novembre 2015 - 694 mots

PARIS - Quand on pense que l’historique Galerie Jean Fournier n’a pas été acceptée l’an dernier à la Fiac (où elle est d’ailleurs systématiquement refusée depuis quatre ans) alors qu’elle proposait de vouer l’intégralité de son stand à Simon Hantaï !

Ironie du sort calculée, c’est quelques jours avant la dernière édition de la Foire internationale d’art contemporain que la galerie, sous la houlette, depuis 2013, d’Émilie Ovaere-Corthay, a inauguré l’actuelle étonnante exposition consacrée à l’artiste (né en 1922 à Bia en Hongrie et mort en 2008 à Paris), intitulée « Regard sur quelques Tabulas ».

La sélection constitue d’autant plus un événement que deux immenses toiles y sont présentées de façon inédite, n’ayant été montrées qu’à l’occasion de la rétrospective « Simon Hantaï » organisée au printemps 2014 par le Musée Ludwig de Budapest. Elles se trouvaient jusqu’alors en mains privées et n’avaient donc jamais été exposées, pas même à Paris. Deux très grandes toiles en effet, dans tous les sens du terme. Du point de vue du format d’abord, puisque l’une mesure 4,89 m x 3 m, l’autre, 4,62 m x 2,62 m. De ce strict point de vue, elles font partie des plus grandes réalisées par Hantaï, abstraction faite des dix œuvres monumentales spécialement peintes pour son exposition au CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux au printemps 1981, avant de les redécouper pour les retravailler. Mais elles sont surtout majeures par la puissance qu’elles dégagent et par leurs qualités plastiques, en premier lieu sur le plan de la couleur, qu’il s’agisse d’une monochromie jaune pour l’une ou d’une gamme de verts (émeraude ou printemps) et de bleus (outremer ou gris), voire d’un noir, pour la seconde.

Dans leur grande différence visuelle et leur richesse respective, les œuvres montrent la variété de possibilités qu’offre à Hantaï le principe mis en place dès 1972 et poursuivi jusqu’en 1982, qui consiste à nouer la toile à intervalles réguliers, à la peindre, la laisser sécher, la dénouer, la déplier et la tendre. Avec un résultat qui peut conjuguer l’aléatoire à la géométrie d’un quadrillage, une trame d’autant plus régulière qu’elle est scandée par les ronds constitués par les nœuds et quelquefois guidé par des lignes tracées au crayon. Mais la toile peut aussi révéler une tout autre cartographie de passages entre les espaces peints et ceux qui ne le sont pas.

Pour souligner la diversité de champs ouverts par cette méthode, Émilie Ovaere-Corthay (précédemment conservatrice au Musée Matisse du Cateau-Cambrésis) confronte ces grandes toiles à de beaucoup plus petites, comme cette autre Tabula de 49 cm x 42 cm. Grand écart et jeux sur les tailles. Mais curieusement, si les premières n’en paraissent que plus grandes, les secondes ne donnent pas pour autant l’impression d’être plus petites. C’est que la mécanique instituée par son geste permet à Hantaï de brouiller l’espace par ses jeux de surface, de dérégler les échelles par la trame, d’embarquer le spectateur et de le perdre dans les rythmes. Une belle manière de poser la question du point de vue, de la composition, du décentrement. En somme du rapport à l’image, qui permet de se promener à l’intérieur de l’espace de chacune des toiles comme dans un labyrinthe hypnotique et infini.

Enchères millionnaires
Les prix sont également liés à une question de taille puisqu’ils vont de 70 000 euros pour la plus petite Tabula à environ un million d’euros pour les grandes. Elles sont en effet à vendre, « mais uniquement à la condition d’être acquises par des institutions ou de grandes collections privées, des collections prestigieuses », précise la directrice. Une somme rondelette, certes, mais restant dans les normes, si l’on considère la qualité et l’importance de Simon Hantaï et si l’on se réfère aux dates des pièces et aux records de l’artiste. Une Mariale de 1960 (233 x 212 cm) a atteint 2 200 000 euros au marteau en décembre 2013, une autre Mariale, datée de 1960-1961, 1 700 000 euros en décembre 2014, une troisième enfin, de 1962 (220 x 210 cm), 2 150 000 en juin 2015, toutes les trois vendues chez Sotheby’s à Paris.

Hantaï

Nombre d’œuvres : 7
Prix : entre 70 000 € et environ 1 M€

Simon Hantaï, Regard sur quelques Tabulas

Jusqu’au 28 novembre, Galerie Jean Fournier, 22, rue du Bac, 75007 Paris, tél. 01 42 97 44 00, www.galerie-jeanfournier.com, du mardi au samedi 10h-12h30, 14h-19h.

Légende Photo :
Vue de l¹exposition de Simon Hantaï, « Regard sur quelques Tabulas », galerie Jean Fournier, Paris, 2015. © Photo : Alberto Ricci, courtesy Galerie Jean Fournier.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°445 du 13 novembre 2015, avec le titre suivant : Hantaï taille grand

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