FIAC 2015 - Émergence

La foire versant jeune

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 14 octobre 2015 - 939 mots

Entre la Fiac au Grand Palais et Officielle aux Docks, c’est sur deux sites que les amateurs rencontrent la création émergente.

Pendant la Fiac, l’art dit « émergent » est désormais écartelé entre deux sites. D’un côté sur la foire elle-même, qui continue d’accueillir au Grand Palais un contingent de galeries qualifiées de jeunes, même si celui-ci tend à se réduire et intègre les dix enseignes concourant dans le cadre du Prix Lafayette, sélectionnées par un comité ad hoc. De l’autre à Officielle, qui pour la deuxième année s’installe aux Docks-Cité de la mode et du design. Jennifer Flay, qui préside aux destinées des deux salons, souligne à son propos : « Il ne s’agit pas d’une “sous-Fiac”, c’est une manifestation qui existe par elle-même, mais il est évident que les deux font partie d’une dynamique qui existe à Paris. Il s’agit d’une possibilité d’offrir une plateforme d’exposition à des galeries qui pour la plupart d’entre elles sont jeunes ou se situent un peu sur les marges du marché et qui doivent pouvoir exposer à Paris à ce moment-là. »

La diversité des profils des galeries sélectionnées çà et là ne permet pas de dégager une couleur ou une saveur particulière de la création présentée dans les deux manifestations. Cependant, au Grand Palais, le « secteur Lafayette » attire comme à l’accoutumée l’attention, avec des propositions très contrastées. Hollybush Gardens (Londres) met à l’honneur le Suisse Reto Pulfer, connu pour ses exubérantes installations qui semblent défier dans l’espace la question du pictural ; il présente ici une série d’œuvres mêlant couleurs et encre sur des pièces de tissu, des draps de lit généralement. Le questionnement du pictural fait partie intégrante du travail de Sadie Benning visible chez Callicoon Fine Arts (New York), avec de précises compositions laissant s’assembler modules géométriques et images, ses œuvres évoluent de l’abstraction qu’on lui connaissait vers un contenu plus narratif.

Relents de modernisme
Sur le stand d’Arratia Beer (Berlin), la géométrie est de la partie dans la proposition de Claudia Wieser. L’artiste s’est fait une spécialité de la combinaison d’éléments à la fois volumétriques et bidimensionnels et développe des univers paraissant autonomes tout en mêlant les époques, avec des relents de modernisme. L’esthétique moderniste imprègne aussi le projet de Laëtitia Badaut Haussmann présenté par Allen (Paris), à travers une structure recouverte de carrelage inspirée des « daybeds » de Charlotte Perriand, et des photos noir et blanc issues de « Maisons françaises, une collection ». En cours depuis 2012, sa série est fondée sur des images tirées du magazine éponyme et retravaillées.

Sur le stand de Jérôme Poggi, c’est la Canadienne Kapwani Kiwanga qui montre une étape de son projet Flowers for Africa, soit une réinterprétation des arrangements floraux réalisés lors des transitions vers leur indépendance par les pays du continent africain.

Parmi les autres galeries émergentes présentes au Grand Palais, Plan B (Cluj, Berlin) propose des variations autour du dessin et de l’exploration de territoires avec les travaux sur papier de Ciprian Muresan et d’Achraf Touloub. Thomas Bernard-Cortex Athletico (Paris) apporte une installation sonore du vétéran, mais néanmoins toujours frais, Rolf Julius ; celle-ci est composée de vingt-deux haut-parleurs suspendus et orientés vers le plafond. Lui répond, teintée d’une autre forme d’atmosphère, une impression du Catalan Ignasi Aballí au titre évocateur : Ciel cassé ! Jessica Silverman (San Francisco) croise elle aussi les générations en axant son stand sur les mécanismes de construction qui assument des oppositions entre distance et proximité ou tranquillité et mouvement : Ian Wallace, Sean Raspet ou de Hugh Scott-Douglas sont au programme.

Plusieurs galeries ont décidé de jouer la carte du solo show, ainsi Micky Schubert (Berlin) qui offre son stand à l’artiste d’origine vietnamienne Sung Tieu, dont le travail porte sur les processus d’appropriation, de circulation et d’infiltration de formes et symboles de la société de consommation, dans des environnements qui ne sont pas les leurs. Tandis que chez Marcelle Alix (Paris), la Canadienne Liz Magor s’interroge, elle aussi, sur les formes de l’existence personnelle et sociale à travers des assemblages d’objets et d’animaux naturalisés associés à des moulages de boîtes en carton.

Officielle, entre utopie et dystopie
À Officielle, il est possible de s’arrêter sur de récentes embardées de la figuration, comme dans le travail pictural de l’Américaine Heidi Hahn proposé par Jack Hanley (New York), qui met en jeu le corps et sa représentation dans une ambiguïté entre réel et fiction.

D’autres galeries new-yorkaises font le déplacement, comme 11R Eleven Rivington, qui montre une collaboration entre Dave Miko et Tom Thayer. Les deux artistes, coutumiers d’un mélange des médias donnant lieu à l’élaboration d’univers visuellement très riches, convoquent la technologie entre utopie et dystopie. Chez On Stellar Ray, c’est le contraste qui est de mise, entre la peinture abstraite très chargée et colorée de Liam Everett et les impressions de John Houck où couleurs, grilles et pliages sont calculés au millimètre. Peinture encore sur le stand de Green on Red (Dublin), avec des oppositions entre la géométrie colorée, dynamique et comme accidentée de Caroline McCarthy, et celle plus atmosphérique et elliptique de Damien Flood.

Les savants dispositifs construits par Aurélie Pétrel, qui bénéficie d’une exposition personnelle chez Houg (Paris), activent certaines problématiques liées à l’image. La Galerie de Roussan (Paris) et Annex 14 (Zurich) s’associent quant à elles pour présenter le duo suisse composé de Petra Koehle et Nicolas Vermot-Petit-Outhenin, dont la proposition à la fois visuelle et musicale questionne l’impact des systèmes de représentation sur la perception et la mémoire. Attractif est en outre le stand de Rokeby (Londres), qui regroupe des sculptures et installations, toujours précises et intrigantes, de Kate Newby et de Michael Samuels.

Légende photo

Petra Koehle et Nicolas Vermot-Petit-Outhenin, Green in blue, 2015, vue d'installation. Courtesy Galerie de Roussan, Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°443 du 16 octobre 2015, avec le titre suivant : La foire versant jeune

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