XVIIIe siècle

Watteau de retour à Valenciennes

Le Journal des Arts

Le 13 octobre 2015 - 632 mots

Après un an de travaux, le Musée de Valenciennes rouvre avec un natif de la ville, Antoine Watteau. Une exposition érudite sur les « rêveries italiennes » de l’artiste.

VALENCIENNES - C’est une balade bucolique et élégante que propose pour sa réouverture (lire l’encadré) le Musée des beaux-arts de Valenciennes autour d’Antoine Watteau (1624-1721), presque dix ans après avoir exposé les fêtes galantes du peintre dans le cadre de « Lille 2004 ». Le musée célèbre l’entrée dans ses collections d’un tableau inédit de Watteau, une Chute d’eau redécouverte récemment, offerte au Musée du Louvre par un couple de mécènes avec obligation de dépôt à Valenciennes. Autour de ce paysage, Martin Eidelberg, spécialiste américain du peintre, construit un parcours savant et charmant, les deux termes n’étant pas antinomiques.

Cette Chute d’eau (datée vers 1715), représentant les chutes d’eau de Tivoli aux environs de Rome, est topographiquement exacte, mais Watteau ne l’a jamais vue, et pour cause : malheureux au Prix de Rome en 1709, le peintre ne retente plus sa chance et ne posera jamais les pieds en Italie. Pour composer ses paysages, l’artiste dispose cependant d’un réservoir important de sources : dès le XVIe siècle, Tivoli attire les artistes flamands, Jan Brueghel et Paul Bril en tête, venus contempler le bouillonnement naturel de la cascade. Au XVIIe, les Français Jacques Stella et Claude Gellée font de nombreuses esquisses de Tivoli : Paris regorge des estampes de ces artistes, et Watteau n’a que l’embarras du choix pour nourrir ses propres rêveries.

Au travers des gravures et esquisses de ses prédécesseurs et contemporains, est mis en lumière le travail de Watteau sur l’atmosphère, la couleur, l’insertion de personnages énigmatiques et hors du temps. En fil rouge, quelques œuvres venues de collections particulières, rarement exposées, comme La Lorgneuse et La Promenade sur les remparts, sont passées au crible des sources historiographiques. Il faut lire le catalogue pour comprendre la complexité de la tâche et les désaccords des historiens sur les inspirations de Watteau, et l’immense travail d’enquête mené depuis les années 1960 par le commissaire.

En fin de parcours, l’exposition se penche sur la survivance, après la mort de Watteau en 1721, de cette peinture de paysage inspirée de Tivoli et des panoramas italiens. Si Pater, collaborateur et successeur de Watteau, crée des stéréotypes aptes à satisfaire une clientèle nombreuse, François Boucher compose de vraies rêveries vénitiennes. Après 1730, l’influence de l’Académie de France à Rome se fait sentir, forçant les peintres à saisir de visu la force de ces paysages et à composer de manière plus réaliste que leur prédécesseur Watteau.

Rêveries italiennes

Commissariat scientifique : Martin Eidelberg, professeur émérite d’histoire de l’art, Rutgers University
Commissariat général : Emmanuelle Delapierre, anciennement conservatrice du Musée de Valenciennes, actuelle conservatrice du Musée des beaux-arts de Caen

Sous le signe de Carpeaux

Valenciennes, « la ville de France qui compte le plus de sculpture au kilomètre carré », selon son maire Laurent Degallaix, a décidé de mettre à l’honneur l’un des siens, Jean-Baptiste Carpeaux, en lui consacrant la rotonde centrale de son Musée des beaux-arts. Autrefois encombrée d’un imposant escalier en colimaçon recouvert de lierre artificiel, la salle fait aujourd’hui place à l’épure. Les murs vert mentholé ont pris une couleur « gris pierre de lune » qui s’accorde mieux avec les déclinaisons marmoréennes des œuvres, et les esquisses sont dorénavant confrontées aux œuvres finales, une belle manière d’appréhender le travail du sculpteur. Travail de sobriété également dans le parcours permanent, où l’ocre rose un peu criard a été adouci sur les cimaises de la galerie Rubens. Le gros du chantier est invisible aux yeux des visiteurs : reprise complète des parquets, remise aux normes des ventilations et de l’électricité. En douceur, la scénographe Loretta Gaïtis redéploie les 400 œuvres exposées de cette collection municipale d’une très grande richesse.

Rêveries italiennes. Antoine watteau et les paysagistes français au XVIIIe siècle

Jusqu’au 17 janvier 2016, Musée des beaux-arts, bd Watteau, 59300 Valenciennes, du mercredi au dimanche, 10h-18h, jeudi jusqu’à 20h, www.valenciennes.fr, entrée 5 €. Catalogue, coéd. Musée de Valenciennes/Snoeck, 200 p., 29 €.

Légende photo
Antoine Watteau, La Chute d'eau, avant 1715, collection particulière. Photo D.R.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°443 du 16 octobre 2015, avec le titre suivant : Watteau de retour à Valenciennes

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