PLF 2016

Un budget Culture 2016 très orienté

Après trois années de baisse et de stagnation, le projet de budget de la Culture 2016 repart à la hausse avec une préférence marquée pour la création au détriment du patrimoine

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 13 octobre 2015 - 1199 mots

L’augmentation à périmètre constant de 1 % du projet de budget 2016 du ministère de la Culture et de la Communication n’a suscité que très peu de réactions. Pourtant le monde des monuments et des musées aurait des raisons de se plaindre tandis que le secteur des arts plastiques est favorisé. L’éducation artistique et culturelle apparaît comme une « grande priorité ».

PARIS - Dans « Un temps de président », le documentaire d’Yves Jeuland diffusé récemment sur France 3, on voit Fleur Pellerin, qui vient d’être nommée ministre de la Culture, demander conseil à François Hollande et Manuel Valls. « Vois Jack [Lang] ! Jack, il a des idées… Vois-le, il sera ravi ! », lui dit le président, « et Monique [Lang] », ajoute le Premier ministre. Manifestement, Fleur Pellerin n’est pas allée voir « Jack », qui lui aurait pourtant appris comment retirer un bénéfice en termes d’image de l’augmentation de 2,7 % du budget de son ministère. Car à ce jour, la présentation de son projet 2016 n’a guère suscité de commentaires, comme d’ailleurs tout le projet de budget du gouvernement. Pourtant, cette hausse fait suite à deux années de baisse (– 2,3 % en 2103 puis –2 % en 2014) et une stagnation en 2015. C’est même l’un des rares budgets qui augmentera l’an prochain, budget qu’elle a entièrement piloté alors que le précédent avait été ficelé par Aurélie Filippetti.

Une des raisons de la « timidité » de la ministre, relativement à cette bonne nouvelle, est que la hausse générale de son ministère n’est pas de 2,7 % mais de 1 % à périmètre constant. En effet, la redevance sur l’archéologie préventive (RAP), une taxe payée par les aménageurs, sera dorénavant versée au budget général de l’État, et la somme espérée sera allouée à l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) quel que soit le rendement de la taxe. Cette redevance devrait rapporter 90 millions d’euros en 2015, et le ministère prévoit qu’elle augmente à hauteur de 117 millions d’euros en 2016. Ces 117 millions gonflent artificiellement le budget 2016. Abstraction faite de ce débat sur les chiffres, la situation est avantageuse pour l’Inrap qui est ainsi assuré de recevoir une dotation en hausse. Cela devrait éviter les manifestations d’archéologues dans la rue.
Les médias, le livre et la recherche mis à part, le budget proprement dit de la mission « Culture » augmente de 1,3 % (hors RAP).

Moins pour le patrimoine
L’autre raison de la relative discrétion de la ministre est le parti pris en faveur de la création au détriment du patrimoine. Les chiffres sont éloquents : alors que les crédits de paiement demandés pour le programme « Création » (131) augmentent de 1,32 %, ceux pour les « actions 1 et 3 », soit les monuments et les musées, baissent respectivement de 0,47 % et 0,10 %. En quatre ans, monuments et musées auront perdu 335 millions d’euros, contre 149 millions pour la création. La baisse des crédits destinés au patrimoine a été rendue possible par la fin des nouveaux équipements type MuCEM à Marseille, ainsi que l’étirement dans le temps des grands schémas directeurs de Versailles, du Grand Palais (dont la fermeture provisoire pointe à l’horizon) et du Centre Pompidou. Dans ce contexte, le début des travaux à Fontainebleau apparaît presque inespéré.

Comme l’an dernier, les subventions versées aux opérateurs sont à peu près stables ( 0,58 %) et tous les établissements publics en profitent peu ou prou. La dotation du Musée Picasso baisse de 6 %, mais elle est compensée par une augmentation de ses effectifs. La mise en œuvre de la promesse présidentielle d’une ouverture sept jours sur sept pour les grands musées, réservée finalement au seul public scolaire, a sans doute fait l’objet d’une négociation générale sur les effectifs d’accueil et de surveillance. Car comment expliquer qu’Orsay gagne vingt postes (ce qui était décidé avant la grève), alors que le Louvre et Versailles n’en obtiennent chacun que dix pour faire face à cette ouverture ? La ministre a annoncé que trente postes supplémentaires seront également ouverts en 2017 pour répondre à ce nouveau jour d’ouverture. Enfin, les opérateurs devront comme d’habitude compter sur leurs propres moyens ou sur la Banque de France pour enrichir leurs collections puisque, si les crédits de l’État, portés à 8,9 millions d’euros, augmentent légèrement, ils restent inférieurs de moitié à ce qu’ils étaient en 2012.

Clichy-Montfermeil
Le spectacle vivant et plus encore les arts plastiques ( 6,57 %) s’en sortent donc mieux que le patrimoine. Il est vrai que le budget des arts plastiques est l’un des plus petits du ministère, 71 millions d’euros sans les frais de personnels. Les travaux de la Collection Lambert en Avignon touchant à leur fin (1 million sur 2016 contre 4,6 en 2015), cette économie conjuguée à une hausse du budget permet de donner un peu le sourire aux centres d’art et Frac (Fonds régionaux d’art contemporain, 0,80 M€). De même, les études et travaux pour la tour Utrillo à Clichy-Montfermeil (1 M€) vont pouvoir commencer et le déménagement du Cnap (Centre national des arts plastiques peut être préparé.

Le budget des arts plastiques est inférieur au budget de la démocratisation et de l’éducation artistique et culturelle (EAC), mais il lui est comparable lorsqu’on ajoute les salaires des agents (voir tableau ci-dessous). À cet égard, on en sait enfin un peu plus sur le budget réel de chaque action. Jusqu’à présent, les montants étaient communiqués hors charges du personnel, celles-ci étant regroupées sans réelle logique à l’intérieur du programme « Transmission des savoirs ». Le projet annuel  de performance ou « bleu budgétaire » donne une vue par actions, personnels compris, mais il faudra attendre l’an prochain pour établir des comparaisons.

La « grande priorité » du gouvernement, la démocratisation et l’EAC, représentent 4 % des moyens de la mission Culture, des moyens en hausse de 13 millions d’euros, mais il est toujours aussi difficile de comprendre comment est utilisé cet argent et surtout s’il est « bien » utilisé. S’agissant de l’EAC, il s’agit « de financer les parcours d’éducation artistique et culturel, qui, de la petite enfance à l’Université, mettent en cohérence l’ensemble des connaissances acquises, des pratiques expérimentées et des rencontres organisées dans les domaines des arts et de la culture, dans une complémentarité entre les temps scolaire et hors scolaire », peut-on lire dans les documents officiels. Mais à partir de quel moment peut-on considérer qu’un enfant tire un bénéfice d’un tel parcours ? Lors de la conférence de presse, la ministre a indiqué que c’est en développant un parcours répété et dans la durée que le plan EAC trouvera son intérêt. Elle a raison. Le plan EAC fait partie de ces programmes fondamentaux pour une société mais difficiles à rendre visibles. Il faudrait demander à « Jack » une « idée » pour le populariser.

Crédits demandés pour les principaux postes de la mission Culture

Crédits demandés pour les principaux postes de la mission Culture

Source : « bleu budgétaire ». Crédits de paiement en milliers d’euros. LFI : loi de finances initiale. PLF : projet de loi de finances. RAP : redevance d’archéologie préventive.
* en milliers d’euros, RAP incluse y compris Fonds de concours (FDC) et Attribution de produits (ADP).

Légende photo

Gilles Carrez. © Photo D.R.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°443 du 16 octobre 2015, avec le titre suivant : Un budget Culture 2016 très orienté

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