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Jean-Jack Queyranne : « Les budgets Culture des Régions sont décisifs »

Président de la Région Rhône-Alpes

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 13 octobre 2015 - 1231 mots

Jean-Jack Queyranne, président de la Région Rhône-Alpes et candidat à sa réélection, analyse la place de la culture dans les territoires.

Le 6 et 13 décembre auront lieu les élections régionales, à l’issue desquelles quatorze présidents de conseils régionaux de métropole et d’outre-mer prendront la tête des nouvelles régions redécoupées par la réforme territoriale. Élu en 2004 président de la Région Rhône-Alpes, réélu en 2010, le socialiste Jean-Jack Queyranne est à nouveau candidat, à l’âge de 70 ans, à la présidence de la nouvelle Région Auvergne-Rhône-Alpes.

Dans une tribune que vous avez cosignée cet été dans « Libération » avec Olivier Bianchi, maire (PS) de Clermont-Ferrand, vous vous inquiétez de la baisse du budget Culture de différents Départements ou Villes. Les Régions consacrent en moyenne 2,6 % de leur budget à la culture. Pour 2015, le budget Culture de la Région Rhône-Alpes s’élève à 70 millions d’euros sur un budget global de 2,4 milliards d’euros, soit 2,92 %. Pensez-vous que les Régions doivent investir davantage dans la culture ? Suivez-vous à cet égard Valérie Pécresse, députée des Yvelines et candidate à la Région Île-de-France, quand elle déclare vouloir accroître de 20 % les crédits alloués à la Culture ?
Quand j’ai été élu en 2004 à la présidence du conseil régional Rhône-Alpes, j’ai doublé les interventions culturelles de la Région qui étaient modestes. Et je pense qu’aujourd’hui plus que jamais les Régions doivent continuer à investir dans la culture. Car ce budget permet de consolider un réseau d’équipes artistiques et culturelles qui irrigue l’ensemble du territoire afin que les concitoyens accèdent à l’éducation culturelle et artistique. Ces équipes peuvent ainsi continuer d’exister, de créer, de monter des spectacles, d’être des professionnels reconnus. Je voulais que l’affirmation du rôle de la Région comme chef de file du développement culturel figure dans l’acte III de la décentralisation. Je me suis battu au Sénat pour que la culture fasse partie des compétences obligatoires des Régions au titre de l’article 1. Le législateur n’en a fait malheureusement qu’une compétence partagée, au même titre que le sport ou le tourisme. C’est dommage à un moment où, justement, il s’agit d’affirmer le rôle important des Régions dans la politique culturelle. Leurs budgets Culture sont décisifs. Quant à l’augmentation voulue par Valérie Pécresse, il ne s’agit pas de sombrer dans la démagogie. Il faut rappeler la profonde inégalité dans la répartition des crédits du ministère de la Culture, qui vont pour les deux tiers à Paris et l’Île-de-France contre 50 % il y a vingt ans, comme le montre une étude de l’Igac (Inspection générale des affaires culturelles). Certes Paris et l’Île-de-France concentrent de grandes institutions nationales. Mais ce sont les Régions et les collectivités territoriales qui ont pris le relais de l’État pour le financement de la culture sur les territoires.

Ne craignez-vous pas qu’on assiste, au lendemain des résultats des élections régionales, à un désengagement important des nouveaux exécutifs régionaux ?
Le risque existe. Il faudra juger sur les engagements des candidats par rapport au maintien ou non de leur budget Culture. Mais ce que je crains le plus, c’est une attaque sournoise, biaisée, sur les contenus de la culture, sur les créations d’avant-garde, sur ce qui peut déranger. Il y a une grande vigilance à avoir pour défendre les artistes, la création. Le chorégraphe Abou Lagraa, né et implanté à Annonay [Ardèche], s’est ainsi fait prendre à partie récemment par une élue Front national qui a dénoncé les « spectacles dépravés » d’une « troupe de troubadours ». Ce que l’on attend d’un président de Région, c’est qu’il ait un engagement fort sur la politique culturelle, mais aussi qu’il défende la liberté artistique et culturelle.

Des institutions, des associations sont mises à mal par la baisse des subventions attribuées par leur municipalité, agglomération de communes et/ou département. Le rôle des Régions n’est-il pas de compenser autant que possible ces coupes ?
Je ne dirais pas « compenser », mais garantir les moyens accordés aux équipes culturelles et aux artistes. Les Régions doivent être les garantes de la continuité de liberté de création, de son indépendance.

Avez-vous connaissance de la proportion en Rhône-Alpes des diminutions des budgets culturels des communes consécutives à la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de l’État ?
Des Villes comme Lyon ou Grenoble ont réduit leur effort culturel pour l’exercice 2015 d’un montant de l’ordre de 5 %. Chambéry diminue de 22 % les subventions à la scène nationale l’Espace Malraux et de près de 20 % son budget aux associations. Ces baisses ne doivent pas être le signe d’une dégradation continue des budgets Culture. À cet égard, 2016 est l’année de tous les dangers. Car si ces réductions se poursuivent, les politiques culturelles seront mises en cause.

Pourquoi vous êtes-vous aligné pour la Biennale d’art contemporain de Lyon de 2015 sur la baisse de 6 % de la municipalité ?
Parce que c’est une décision de la Ville et de la métropole. La Biennale est un événement artistique. Si les Villes décident de baisser leur dotation à ces manifestations, ce n’est pas à la Région de compenser. Nous donnons la priorité à l’artistique sur l’événementiel, car c’est lui le plus fragile. Nous avons par exemple « conventionné » quinze nouvelles compagnies indépendantes de théâtre, danse, cirque et arts de la rue en 2015 et avons maintenu nos financements pour l’Opéra de Lyon. Notre budget est concentré à 50 % sur le spectacle vivant. L’autre moitié se distribue entre le cinéma et l’audiovisuel, les arts plastiques, le patrimoine, le livre et la médiation culturelle. Nous participons ainsi au financement de la Ciné Fabrique, école de cinéma ouverte à la diversité sociale et culturelle, inaugurée en septembre à Lyon. La Région apporte 350 000 euros en fonctionnement en 2015.

Quels sont les enjeux culturels de la fusion Auvergne-Rhône-Alpes ? Et quelles sont les orientations que vous souhaiteriez donner à sa politique culturelle ?
Nous disposons d’un patrimoine historique riche. La région Rhône-Alpes compte 2 400 monuments classés et/ou inscrits, l’Auvergne 2 200. Il y a donc en premier lieu un enjeu patrimonial, la Région Auvergne est fortement engagée sur cette dimension. Le soutien à la création sur tous les territoires est un autre enjeu important, à l’instar de celui de l’aménagement culturel du territoire, afin que la culture ne soit pas seulement réservée aux grandes métropoles.

Comme va s’organiser l’avenir des deux Frac [Fonds régionaux d’art contemporain] de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes ?
Les deux Frac vont continuer à exister. Je suis pour leur maintien tels qu’ils sont. Il n’y a pas d’obligation de fusion dans la loi. Ils ont leur histoire, des profils différents, notamment au niveau de leurs collections. Il s’agit donc de préserver la personnalité propre de chaque structure tout en recherchant leur complémentarité.

La nomination des responsables des grands établissements culturels incombe toujours au chef de l’État. L’intervention de Matignon dans la nomination de Muriel Mayette à la Villa Médicis a suscité à cet égard de nombreuses critiques. Pourquoi les différents gouvernements qui se sont succédé continuent-ils à fonctionner ainsi ?
C’est un héritage historique. Toute nomination dans notre pays est suspectée d’être politique, de convenance. En définitive, il y a toujours une question de choix qui intervient et quelqu’un qui choisira en dernier lieu. Mais ce qui me paraît décisif, c’est que l’on ait connaissance des projets, des auditions publiques, avec une procédure plus transparente.

Légende photo

Jean-Jack Queyranne. © Photo : Jean-Pierre Jouvet.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°443 du 16 octobre 2015, avec le titre suivant : Jean-Jack Queyranne : « Les budgets Culture des Régions sont décisifs »

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