La France, patrie de la création artistique

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 29 septembre 2015 - 504 mots

Tout ministère de la Culture a besoin d’un texte fort, engageant sa vision et fondant son action à une ère planétaire où le numérique a bouleversé les conditions de création et de diffusion des œuvres.

En France, où,  de surcroît après des années glorieuses, la diminution des moyens publics a restreint une capacité d’invention déjà amputée par un budget embourbé dans les coûts de fonctionnement des grands travaux successifs (pompidoliens, mitterrandiens, chiraquiens), où la décentralisation a modifié la donne, où l’autonomie nécessaire des établissements publics impose une redéfinition du rôle des tutelles, l’ensemble pouvant reléguer le titulaire de la Rue de Valois à un rôle de représentation, inaugurant expositions ou festivals, remettant décorations ou récompenses.

La loi relative à la liberté de création, architecture et patrimoine, que discute actuellement le Parlement, aurait pu fournir une telle occasion. Son premier article est très bref, mais parle haut et fort : « la création artistique est libre ». Heureusement, les articles suivants se gardent bien de définir et d’établir ce qu’est la « création artistique », épargnant ainsi aux artistes les diktats des académismes et totalitarismes. La France pourrait ainsi devenir la patrie de la création artistique, après être déjà – comme tout le monde le sait, car tant le proclament – la patrie des droits de l’homme, puisque la Déclaration de 1789 a été adoptée sur son sol. Élémentaire, mon cher artiste ! Des élus, comme Olivier Bianchi et Jean-Jack Queyranne, relevant que « les pressions sur la liberté de création sont nombreuses et souvent insidieuses » nous invitent, du reste, à nous « saisir du projet de loi sur la liberté de création pour remettre la culture au centre du débat national », même si « le projet de loi reste flou, mêlant déclaratif et normatif, grands principes et dispositions réglementaires » et appellent à convoquer « des états généraux de la culture au niveau national » (Libération, 27 juillet). François de Mazières [ndlr, député-maire de Versailles], lui, a du mal à emboîter le pas, déplorant « une loi fourre-tout » sans « idée directrice » (JdA n°441).

Après un début en fanfare, le projet de loi se perd dans un catalogue de mesures visant aussi bien à protéger – enfin – les collections acquises par les Fonds régionaux d’art contemporain (Frac), qu’à étendre, utilement, le régime de la sécurité sociale étudiante aux élèves des classes préparatoires publiques aux écoles d’art… En prélude un ton est donné, le verbe a du mal à suivre. Qu’en restera-t-il au fil des discussions parlementaires ? Peut-être le rappel que depuis Beaumarchais, la défense du droit d’auteur et celle des œuvres de l’esprit original ont suscité de belles batailles, philosophiques, politiques, aboutissant à un Code de la propriété intellectuelle régulièrement examiné par le Parlement. Son article L. 111-2 n’affirme-t-il pas : « L’œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur. » La création artistique était donc déjà libre ? Monsieur Jourdain le sait bien.

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Hémicycle du Palais Bourbon, Paris © Photo NonOmnisMoriar - 2012 - Licence CC BY-SA 3.0

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°442 du 2 octobre 2015, avec le titre suivant : La France, patrie de la création artistique

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