1900-1914

Le charme discret de Charles Manguin

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 29 septembre 2015 - 506 mots

Proche du fauvisme, l’œuvre vive et colorée de la période d’avant-guerre
du peintre trouve naturellement sa place au Musée Bonnard.

LE CANNET - Dans son introduction du très fouillé catalogue, Véronique Serrano, la directrice du Musée Bonnard, cite Charles Terrasse, neveu du peintre, qui écrit : « rouges, violets, bleus sombres, verts émeraude, jaunes d’or, couleurs puissantes qui resplendissez dans les peintures de Manguin, on voudrait connaître l’ordre secret qui préside à vos unions. » Et, ajoute-t-elle : « Manguin est avec Matisse et Derain, l’un des principaux acteurs du fauvisme. » Il n’est pas certain que cette conclusion s’accorde vraiment avec l’éloge amplement mérité fait par Terrasse. De fait, si les couleurs du peintre sont effectivement puissantes, elles ne sont que rarement dissonantes comme chez les fauves. Dans ce sens, exposer l’artiste dans le lieu dédié à Bonnard, dont on connaît la maîtrise chromatique, est d’une parfaite logique. Également cohérent est le choix de montrer uniquement la meilleure partie de la production picturale ­­de Manguin, qui ­se situe entre 1900 et 1914 (il s’éteint en 1949).

Le parcours chronologique, l’accrochage simple et clair, permettent de constater que les premières œuvres remarquables sont inspirées par le style nabi. Ainsi, avec Jeanne cousant (1902), tout est figé, toute activité est comme suspendue. Les formes sont simplifiées à l’extrême et aplaties, les couleurs semblent se dissoudre sur un fond vaporisé. Le sujet est anodin, mais le peintre arrive à transfigurer le banal : la poésie apparaît là où la narration disparaît. Si Jeanne se coiffant (1899) est réalisée selon les mêmes principes, on reste frustré quand Manguin s’attaque au même sujet quelques années plus tard (La Coiffure, 1904-1905). Curieusement, quand le peintre traite la figure humaine et plus particulièrement le nu, le résultat est presque maladroit.

La lumière du Midi
En revanche, ses paysages dégagent un charme incontestable. Si l’on peut rapprocher l’œuvre de Manguin de celle des fauves, c’est par le biais de ce thème qu’il partage avec Matisse, Derain ou Vlaminck. Des paysages où, ports et bords de mer jouent un rôle privilégié, témoignages de nombreux séjours de ces artistes dans le Sud. Le Golfe de Saint-Tropez (1907), qui était à cette période un simple village de pécheurs, se transforme en un paradis situé aux bords de la Méditerranée. La gamme chromatique d’une luminosité éclatante fait naître une œuvre séduisante que relève Apollinaire : « si l’on ne trouve pas ici une originalité qui surprend, on trouve, du moins, un talent très cultivé qui veut plaire et qui plaît ». Ailleurs, L’Amandier en fleurs, de la même année, est comme un jardin clos paisible, à l’écart du monde. Parfois, quand le paysage est plus sobre et se résume à des troncs d’arbres dénués de feuilles, le contraste entre les couleurs est plus appuyé, comme chez Derain (Les Petits Chênes-Lièges et La Pinède à Cavalière de 1906). Alors, nabis, pré-fauve, fauve? Il est difficile de placer Manguin dans une des cases de l’histoire de l’art. Mais, est-ce l’essentiel ?

Manguin

Commissaire : Véronique Serrano
Nombre d’œuvres : 70

Manguin, Un fauve chez Bonnard. L’exaltation de la couleur

Jusqu’au 31 octobre, Musée Bonnard, 16 boulevard Sadi Carnot, 06110 Le Cannet, tél 04 93 94 06 06, www.museebonnard.fr, mardi-dimanche 10h-18h, en, 5 €. Catalogue bilingue français-anglais, éditions Silvana, 216 pages, 33 €.

Légende Photo :
Henri Manguin, Le golfe de Saint-Tropez, 1907, huile sur toile, 63 x 73 cm, Centre Pompidou, Paris. © Photo : CNAC/MNAM dist. RMN/Jean-Claude Planchet.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°442 du 2 octobre 2015, avec le titre suivant : Le charme discret de Charles Manguin

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