Allemagne - Musée

Berlin

Les grands travaux du Pergamonmuseum

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · Le Journal des Arts

Le 15 septembre 2015 - 1270 mots

BERLIN / ALLEMAGNE

L’ambitieux et complexe chantier de rénovation du Pergamonmuseum à Berlin a débuté en 2013. Supervisée par la Fondation du patrimoine culturel de Prusse, l’opération est scindée en deux phases, et laisse le musée le plus visité de la capitale allemande ouvert au public. La première partie, concernant l’aile nord et le bâtiment central, doit s’achever en 2019.

BERLIN - La Fondation du patrimoine culturel de Prusse (SPK), qui gère les musées étatiques de Berlin, a entamé en 2013 ce qu’elle nomme une « opération à cœur ouvert ». La remise en état complète du Musée de Pergame (Pergamonmuseum) constitue le chantier de rénovation le plus long et le plus ambitieux de l’Île aux Musées de Berlin. Dernier né des cinq musées de l’île, ce musée est également celui qui attire le plus de visiteurs dans la capitale : jusqu’à 1,41 million en 2012, avant la fermeture partielle du musée pour travaux.

Afin de minimiser l’inaccessibilité des collections au public, le chantier se déroule en deux étapes : l’aile nord et le bâtiment central seront rénovés d’ici à 2019, puis la restauration de l’aile sud et la construction d’une quatrième aile interviendront d’ici à 2025-2026. « Le plus grand défi tient au fait qu’une partie du musée consiste en un gigantesque chantier, alors qu’une autre partie reste ouverte », explique Christina Haak, directrice générale adjointe des Musées étatiques de Berlin. « Le Musée de Pergame n’est pas fermé. [Dans l’aile sud], le Musée du Proche-Orient et, à l’étage supérieur, le Musée d’art islamique sont toujours accessibles au public. » Malgré les travaux, le musée a encore accueilli près d’un million de visiteurs en 2014.

Une quatrième aile
Le Musée de Pergame, inauguré en 1930, a été conçu par l’architecte Alfred Messel. Il abrite actuellement trois collections comprenant d’impressionnantes constructions monumentales : une partie de la collection d’antiquités (autel de Pergame, porte de l’agora de Milet) ; le Musée du Proche-Orient (porte d’Ishtar) ; et le Musée d’art islamique (façade du palais de Mshatta). Fortement endommagé pendant la Seconde Guerre mondiale, il a rouvert ses portes en 1951 en RDA. L’ampleur des rénovations nécessaires est impressionnante : de gros dégâts sont à déplorer dans la structure du toit en acier, les plafonds lumineux, les façades, les corniches, jusqu’aux fondations dans la cour d’honneur. À cela s’ajoute un équipement technique obsolète. Le projet prévoit en sus la construction d’une quatrième aile, prévue par Alfred Messel dans le bâtiment initial, mais qui n’avait pu être réalisée à l’époque faute de moyens financiers.

Ce chantier le plus ambitieux de la SPK est l’un des maillons du « masterplan » de rénovation de l’Île aux Musées, site inscrit au Patrimoine mondial par l’Unesco en 1999. L’architecte O. M. Ungers, décédé en 2007, avait remporté l’appel d’offres en 2000. Un imposant budget de 385 millions d’euros est alloué au projet. Ce budget, indexé sur les prix de 2007, devra toutefois être revu à la hausse pour tenir compte de l’augmentation des prix depuis. Alors que le budget de fonctionnement de la Fondation est financé par la Fédération et les Länder, le budget de construction et rénovation des bâtiments est entièrement pris en charge par l’État fédéral depuis 2003.

Chantier sous surveillance
L’aile nord du musée a fermé dès 2012. Dans le bâtiment central, l’autel de Pergame, datant du IIe siècle av. J.-C., artefact phare du musée auquel il a donné son nom, n’est plus accessible au public depuis octobre 2014. Pas question de déplacer une nouvelle fois l’autel, qui a déjà connu son lot de pérégrinations : caché dans un bunker pendant la Seconde Guerre mondiale, saisi par les Soviétiques comme butin de guerre et exposé à l’Ermitage (Saint-Pétersbourg), avant d’être rendu à la RDA en 1958, puis démantelé pour rénovation entre 1996 et 2004. D’importants moyens ont toutefois été mis en place pour protéger pendant les travaux cet imposant autel dédié à Zeus, parmi lesquels des détecteurs high-tech de mouvements du bâtiment ainsi qu’un caisson de protection résistant à la poussière et aux chocs en cas de chute d’éléments pendant les travaux. Les parties les plus fragiles sont maintenues par des sangles.

Les éléments d’architecture monumentale ancrés dans les murs des salles d’Antiquité sont protégés de la même manière. Un système sophistiqué de mesure hydraulique, conçu sur le modèle du niveau à eau, a été fixé directement sur les artefacts, et non pas seulement dans les salles d’exposition. Reprenant la métaphore de l’opération à cœur ouvert, Christina Haak explique que le système ressemble effectivement à une salle d’opération où l’on surveille les signes vitaux d’un patient. Ce système équipé de capteurs très sensibles mesure les secousses provoquées par le chantier et transmet un signal d’alerte dès lors que certains seuils sont atteints. En cas d’alerte, des mesures de sauvegarde, voire une interruption du chantier, pourraient intervenir afin de protéger les artefacts.
La rénovation du bâtiment sera l’occasion de rationaliser l’espace d’exposition. Chaque collection bénéficiera de sa propre aile. La création d’une quatrième aile permettra de créer un parcours ininterrompu tout autour du musée. La configuration actuelle du bâtiment central et de ses deux ailes induit des « culs-de-sac » où le public doit retourner sur ses pas. Ce ne sera plus le cas, le visiteur pourra ainsi suivre la voie processionnelle de Babylone jusqu’à la porte d’Ishtar, sans avoir à effectuer le parcours inverse. Le gain d’espace d’exposition permettra d’enrichir le musée d’une quatrième collection, comportant de grands ensembles architecturaux issus des collections égyptiennes. Des œuvres actuellement entreposées dans les réserves pourront ainsi être exposées. Les Musées du Proche-Orient et d’art islamique seront situés respectivement dans l’aile sud et l’aile nord. Ils disposeront également de plus d’espace et seront désormais présentés sur deux niveaux. Ce sont les collections antiques qui connaîtront le moins de changement, car les œuvres des trois salles d’architecture monumentale sont fixées au mur et ne sont pas mobiles.

Le « Louvre » berlinois
Le réaménagement des collections sera également l’occasion de dépoussiérer une scénographie héritée de l’après-guerre, précise Christina Haak. Grâce à l’ajout d’un second niveau pour les musées d’art islamique et du Proche-Orient, plusieurs thèmes pourront être approfondis au travers d’une scénographie entièrement revue. L’aile nord, qui abritera désormais le Musée d’art islamique, sera la première à rouvrir à l’issue de la première tranche de travaux, avec une programmation autour de thèmes tels que « Palais et pouvoir » ou « Domicile ». Un appel d’offres sera lancé ultérieurement pour la scénographie du Musée du Proche-Orient. Les travaux de l’aile sud qui abritera ce dernier ne débuteront qu’en 2020.

L’accueil du public : restauration, boutique, billetterie, vestiaire…, sera enfin entièrement modernisé : « L’établissement n’a pas subi de changement effectif depuis soixante ans. Il n’est plus adapté à l’époque actuelle », explique Christina Haak. Berlin, troisième ville la plus visitée d’Europe après Londres et Paris, a enregistré de nouveaux records quant au nombre de nuitées en 2014. En conséquence, les musées doivent adapter leurs infrastructures au tourisme de masse. À cet effet, la SPK construit un sixième bâtiment sur l’Île aux Musées, la « James-Simon-Galerie », dont la fonction principale sera l’accueil du public et qui sera reliée par l’aile sud au Musée de Pergame. Le projet a toutefois rencontré d’importantes difficultés et l’espace n’ouvrira pas avant 2018, soit avec quatre ans de retard, et un doublement du budget. La SPK créera également une « promenade archéologique » souterraine qui reliera quatre des cinq musées de l’Île, et permettra au visiteur doté d’un billet unique de visiter ces musées sans passer par l’extérieur. Ce projet renforcera le concept global de l’Île aux Musées qui se veut le « Louvre » berlinois.

Légendes photos

Reconstitution de l'Autel de Pergame, présenté au Pergamonmuseum, sur l'île des Musées, Berlin. © SMB/Antikensammlung. Photo : Johannes Laurentius.

Vue extérieur du Pergamonmuseum, sur l'île des Musées. © Photo : SMB/Maximilian Meisse.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°441 du 18 septembre 2015, avec le titre suivant : Les grands travaux du Pergamonmuseum

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