Nominations

La rentrée des classes

Par Vincent Noce · Le Journal des Arts

Le 15 septembre 2015 - 546 mots

Cynisme et improvisation ont marqué les nominations phares de la rentrée, aux Beaux-Arts de Paris et à la Villa Médicis.

PARIS, ROME - L’arrivée de Jean-Marc Bustamante à la tête de l’École nationale supérieure des beaux-arts (Ensba) a été une surprise. Fleur Pellerin s’est sortie de justesse du guêpier dans lequel elle s’était placée en révoquant son directeur, Nicolas Bourriaud, en juillet. Le passage de ce favori de Frédéric Mitterrand, ancien ministre de la Culture, dans une enceinte académique ne restera certes pas dans l’Histoire. Mais la méthode de l’actuelle ministre a choqué.

Sélectionné par un jury, l’artiste toulousain, qui a enseigné vingt années à l’Ensba et, en parallèle, sept à l’Académie des beaux-arts de Munich, est bien accueilli par ses confrères. Ils soulignent cependant la « démoralisation » d’une école à la dérive et en panne budgétaire. Bustamante, qui a représenté la France à la Biennale de Venise en 2003 et dirigé un temps le Festival international d’art de Toulouse, a entretenu des relations amicales avec de nombreux professionnels, y compris des candidats malheureux au poste comme Éric de Chassey – qui l’a invité à exposer à la Villa Médicis à Rome en 2012.

À 63 ans, le nouveau directeur a « demandé un mandat de quatre ans, qui sera unique donc exceptionnel », nous a-t-il indiqué. Dès maintenant, il compte engager un dialogue avec les directeurs de département, avant d’annoncer des réformes et des « mesures drastiques ». Il voudrait notamment mieux réglementer les mécénats (après une expérience désastreuse de son prédécesseur) et « faire revenir des enseignants de qualité », tout en songeant à l’ouverture de classes préparatoires. Espérons qu’il saura aussi attirer l’attention de la tutelle sur l’état problématique des bâtiments historiques de l’École.

L’accueil de la comédienne Muriel Mayette à la Villa Médicis a été plus troublé. Plusieurs dizaines d’anciens pensionnaires, artistes et chercheurs ont signé un appel de dernière minute, demandant à Fleur Pellerin de s’opposer à la nomination d’une personne « qui ne connaît aucun des domaines artistiques et intellectuels représentés à la Villa », une décision selon eux motivée par « des mauvaises raisons ». Allusion transparente à l’amitié liant le Premier ministre, Manuel Valls, à l’époux de Muriel Mayette, le journaliste sportif Gérard Holtz ; le Journal des Arts avait révélé en juillet qu’elle était la cause de ce bruyant ballet de chaises musicales. Les pétitionnaires soulignaient aussi le bilan d’Éric de Chassey, dont ils auraient souhaité le renouvellement. Celui-ci revient désormais à l’enseignement et à l’écriture, dans laquelle il évoquera peut-être les tumultes de ces derniers mois et les fausses rumeurs colportées à son encontre.

Annonçant avoir fait le choix de Muriel Mayette, la ministre a certifié que « son savoir-faire et son expérience acquise à la tête de la Comédie-Française seront un atout important ». Ironie involontaire (?), quand on sait qu’elle en fut éjectée après s’être mise toute la troupe à dos… En fait, personne ne s’est donné la peine, et surtout pas Manuel Valls, de trouver la moindre excuse à cette démonstration de la « République des copains ». Devant la presse, François Hollande a à nouveau parlé de « République morale », tout en laissant son chef de gouvernement agir de la sorte dans un domaine culturel qu’il a, au fond, abandonné.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°441 du 18 septembre 2015, avec le titre suivant : La rentrée des classes

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