Rencontres d’Arles

Une belle allure, mais un manque de jeunes talents

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 1 septembre 2015 - 695 mots

La 46eédition des Rencontres d’Arles, version Sam Stourdzé, a affiché une facture très soignée, mais n’a pas assez donné à voir la création récente.

ARLES - C’est certain : comparée aux dernières années, la 46e édition des Rencontres d’Arles a une très belle tenue. Sur le papier comme sur le terrain, la première édition de Sam Stourdzé porte son savoir-faire en matière de direction artistique. Le soin particulier apporté à l’organisation de chaque exposition et à l’articulation entre elles renvoie au parcours de l’ancien directeur du Musée de l’Élysée et à ses ambitions pour le festival. On retiendra en tête Walker Evans et son inoubliable série « Labor Anonymous » réalisée en 1946 pour Fortune, Stephen Shore, et « Another Language » consacré à huit grands photographes japonais, dont Issei Suda à la poétique particulièrement marquante. Autrement dit des auteurs confirmés.

Côté collections ou archives revisitées, particulièrement nombreuses puisqu’elles constituent près des deux tiers de la programmation, y compris dans le programme associé regroupant la collection de photographies du Musée Réattu et celle à la Maison européenne de la photographie (MEP), on ne boude pas davantage son plaisir. La série jamais publiée de Harry Callahan sur ses deux années passées dans le Sud de la France, et donnée à la MEP par le photographe américain, compte parmi les autres grands moments du festival. « Total Records », construit à partir des collections de pochettes de disque vinyle d’Antoine de Beaupré et de Serge Vincendet, ouvre pour sa part à un aspect méconnu et passionnant de la création photographique à laquelle contribuèrent des grands noms de la photographie tels Irving Penn, Richard Avedon, Guy Bourdin, Francis Wolff… Toutefois malgré l’intérêt et l’enthousiasme que l’on éprouve à découvrir cette histoire, l’amplitude du propos, équivalent dans son ambition à celui d’une rétrospective muséale, éreinte au bout d’un moment l’attention. Impossible après une telle traversée de visiter la proposition attenante de LP Company basée sur un autre type de collection de vinyle. Ce qui conduit à s’interroger sur la pertinence d’une exposition de cette dimension dans un festival photo qui ne doit être « ni un musée ni une foire commerciale », pour citer Sam Stourdzé.

Une jeune création pas assez présente
Programmer à nouveau Martin Parr, sans nul doute le photographe actuellement le plus sollicité et exposé en France n’a rien d’original. Car une fois encore, la programmation de cette année ne montre pas assez la création d’aujourd’hui et ce qui est exposé n’est pas toujours très convaincant. Certes le duo formé avec Matthieu Chedid ouvrant à une création sonore du compositeur  séduit, mais il reste sur le registre de l’anecdote, comme la série de Sandro Miller sur John Malkovitch rejouant quelques-uns des plus grands clichés de l’histoire de la photographe ou les portraits de Thierry Bouët de vendeurs d’objets sur Le Bon Coin.  Du Congo d’Alex Majoli et Paolo Pellegrin ne ressort que l’approche esthétique propre à ces auteurs. Très pointue, voire trop pointue, se révèle de son côté la mise en résonance du projet « Duck » d’Olivier Cablat avec les archives photo des architectes Robert Venturi et Denise Scott Brown sur l’architecture populaire et commerciale américaine des années 1970.  Enfin si les façades d’édifice sacré de Markus Brunetti sont impressionnantes, elles ne sont pas mémorables.  Excepté l’enquête percutante sur les paradis fiscaux de Paolo Woods et Gabriele Galimberti, on reste donc sur sa faim.

C’est ailleurs que l’on trouve des travaux bien plus frais, dans le festival Voies Off qui fête cette année ses vingt ans, mais surtout dans deux galeries arlésiennes de cinq et six ans d’âge: Le magasin de jouets et le comptoir arlésien.

En s’installant à Arles jusqu’au 8 août avec « Le Grand incendie » de Samuel Bollendorff (retour sur sept lieux d’immolation par le feu), la galerie du jour d’Agnès B. sait la carte qu’elle peut jouer avec l’arrivée de Sam Stourdzé. D’autant plus dans une ville qui voit affluer un public nouveau depuis l’ouverture de la Fondation Van Gogh, « curseur d’un changement énorme pour l’art contemporain, et donc pour la photographie », note Laetitia Talbot fondatrice de l’Espace pour l’art qui a eu pour invité cet été Céleste Boursier-Mougenot.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°440 du 4 septembre 2015, avec le titre suivant : Une belle allure, mais un manque de jeunes talents

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