Fondation

L’art de son temps, depuis toujours

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 2015 - 698 mots

Magistrale est la présentation de la collection Emanuel Hoffmann proposée par le Schaulager, en Suisse, dans ses salles... et dans ses réserves.

BALE - Tous les amateurs d’art contemporain se rendant à Bâle rangent le Schaulager au nombre des prestigieux musées de la ville suisse. Véritable curiosité architecturale édifiée par Herzog & de Meuron en 2003, ses deux niveaux d’exposition ont vu se déployer quelques propositions d’anthologie consacrées entre autres à Robert Gober, Steve McQueen, Andrea Zittel ou Jeff Wall. Mais tous les amateurs ne savent peut-être pas que les lieux sont le siège de la Fondation Emanuel Hoffmann. Créée en 1933 par Maja Hoffmann-Stehlin, la fondation a pour mission de collectionner l’art de son temps et de le rendre visible au public. Ce pourquoi ses œuvres sont régulièrement exposées au Kunstmuseum Basel ou au Museum für Gegenwartskunst, notamment. Ce pourquoi aussi a depuis toujours été menée une politique d’acquisition orientée vers ce qui caractérise avec le plus de pertinence l’art d’aujourd’hui. Sous la plume de Maja Hoffmann-Stehlin, les statuts de la Fondation précisent que celle-ci doit « embrasser le présent et croire en l’avenir », un mot d’ordre qui a inspiré le titre « Future Present » de la présente manifestation.

Créée un an après le décès à l’âge de 36 ans de son époux, Emanuel Hoffmann, l’un des héritiers des laboratoires pharmaceutiques bâlois Hoffmann-La Roche, la fondation est aujourd’hui présidée par la petite-fille, Maja Oeri, qui fut notamment à l’initiative du Musée Tinguely, tandis que la vice-présidente n’est autre que la cousine, Maja Hoffmann, qui a établi à Arles sa propre « Fondation Luma ». C’est dire si la fortune familiale est importante, de même que son engagement en faveur de l’art contemporain.

Roth, Ruff ou Demand 
La présentation de trois cents œuvres parmi le millier de numéros qui compose aujourd’hui la collection est magistrale à plus d’un titre. En premier lieu parce qu’elle donne à voir ce soutien continu dans le temps. Dans ce parcours presque chronologique, tous les noms qui comptent ou ont compté depuis les années 1930 semblent figurer, parfois avec de véritables chefs-d’œuvre – même si ce n’est pas dans la période moderne qu’on les trouve. Les débuts en effet semblent un peu timides. Une certaine assurance dans les choix relatifs aux artistes suisses et flamands est certes manifeste – le couple était installé à Bruxelles et collectionnait depuis quelques années –, avec des œuvres très sûres de Constant Permeke, de Gustave de Smet ou de Marcel Gromaire. Mais les courants modernes sont représentés par des œuvres de très bonne tenue mais non majeures, à l’exception des pièces de Robert Delaunay et de Max Ernst. Tout le monde est là néanmoins, ou presque, Dalí, Miró, De Chirico et Tanguy, Braque et le Picasso cubiste, Paul Klee, Mondrian et Van Doesburg, Jean Arp…, et la plupart des achats ont été effectués à l’époque et non a posteriori.

Les choses s’accélèrent par la suite, avec là encore une foule d’artistes importants dans l’art de l’époque, dont certains constituent de belles séries, à l’exemple de Dieter Roth, Thomas Ruff, Thomas Demand, ou Bruce Nauman. Ce dernier se voit consacrer l’une des salles les plus stupéfiantes avec une sculpture en escalier (Plaster Steps, 1997-1998) entourée d’une quinzaine de dessins aux dates très diverses.

Réserves visitables
Couvrant quelque 5 000 mètres carrés, l’exposition s’aventure également dans les étages de l’édifice, dans certaines des salles closes réparties le long de couloirs en béton, autrement dit des réserves. Mais des réserves non conventionnelles, où pour nombre d’entre elles les œuvres au quotidien ne sont pas seulement stockées mais accrochées, présentées dans des conditions d’exposition propices à une vision convenable, ce qui fournit une réflexion singulière sur le plan de la conservation et de la recherche. Quelques pépites se trouvent dans ces « cellules », comme la centaine de tableaux de Jean-Frédéric Schnyder exécutés depuis les ponts d’une autoroute, l’infinie collection de saynètes en argile narrant le quotidien par Fischli & Weiss, ou l’extraordinaire installation Dervish (1995) de Gary Hill qui crée une totale perte de repères, dans une exposition et une collection hors norme.

FUTURE Present

Commissaire : Heidi Naef, senior curator au Schaulager
Nombre d’artistes : 80
Nombre d’œuvres : 300

FUTURE PRESENT. EMANUEL HOFFMANN STIFTUNG. CONTEMPORARY ART FROM CLASSIC MODERNISM TO PRESENT DAY

Jusqu’au 31 janvier 2016, Schaulager, Ruchfeldstrasse 19, Münchenstein/Bâle, tél. 41 61 335 32 32, www.schaulager.org, tlj sauf lundi 10h-18h, jeudi 10h-20h, entrée 18 CHF (env. 17 €). Catalogue, éd. Schaulager Laurenz Foundation, versions en allemand et en anglais, 780 p., 68 CHF (env. 65 €).

Légende Photo :
Vue de l'exposition Future présent, au Schaulager, avec les œuvres de Bruce Nauman, John Baldessari et Joseph Beuys. © Photo : Tom Bisig.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°439 du 3 juillet 2015, avec le titre suivant : L’art de son temps, depuis toujours

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