Projet de loi - La loi patrimoine prend corps

Le volet patrimoine de la loi Création est fixé

Si des dispositions importantes sont prises pour le patrimoine, tant mobilier qu’immobilier, la réforme de la loi dite « création » en matière d’archives est abandonnée

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 16 juin 2015 - 880 mots

Les dispositions patrimoniales de la loi Patrimoine et Création qui sera discutée cet automne sont maintenant fixées. Elles visent notamment à mieux protéger les ensembles mobiliers cohérents, les domaines nationaux et le produit des fouilles archéologiques. Le volet concernant les archives a disparu, tandis que les nouvelles règles concernant l’appellation des Frac ne vont pas sans poser problème.

PARIS - Le contenu du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine est désormais définitivement fixé même si l’on en connaissait les grandes lignes ( lire JdA n°410). L’un des traits saillants du projet de loi, qui sera examiné à l’automne 2015 par l’Assemblée nationale, réside dans la protection des ensembles cohérents, relevant du patrimoine mobilier et immobilier.

Assurer la cohérence nationale

Le régime de propriété du patrimoine archéologique est ainsi renforcé et exclut désormais les dispositions du code civil pour les biens archéologiques mobiliers mis au jour à la suite d’opérations de fouilles ou de découvertes fortuites. De tels biens seront présumés appartenir à l’État et, en cas contraire, ils seront préservés pendant une durée maximale de cinq ans pour leur étude scientifique voire grevés d’une servitude pour les maintenir sur le lieu de leur découverte.

La notion d’ensemble cohérent est par ailleurs consacrée et, lorsque son intégrité présente un intérêt public, un double principe d’indivisibilité et d’inaliénabilité est reconnu à son profit, avec une possibilité de revendication. Pour pallier les défaillances de la loi de 1913, le projet de loi envisage de créer une universalité de fait afin de préserver l’indivisibilité entre le mobilier garnissant un immeuble classé monument historique et le monument en tant que tel. Un ensemble ou une collection d’objets mobiliers pourra être classé au titre des monuments historiques comme ensemble historique mobilier afin d’en éviter la dispersion sans autorisation.

Quant au patrimoine immobilier, les avancées sont d’importance. Les domaines nationaux feront leur entrée dans le code du patrimoine, dès lors qu’ils constituent des « ensembles immobiliers présentant un lien exceptionnel avec l’histoire politique de la nation et dont l’État est, au moins pour partie, propriétaire ». Les parties de ces domaines seront « inaliénables et imprescriptibles ». Dès lors, leur démembrement devient impossible, la vente des dépendances ne pouvant plus avoir cours et le déclassement administratif étant exclu. Un décret précisera la liste de ces domaines nationaux. La protection des abords des monuments historiques sera également assurée, à condition qu’ils forment un ensemble cohérent avec le bâtiment protégé. Ces abords auront un « caractère de servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel ». Enfin, le projet de loi consacre la notion de cité historique, dont l’intitulé protègera des villes, des villages et des quartiers, voire des espaces ruraux, dans le but de les conserver ou de les mettre en valeur.

Protéger et contrôler les biens
Les mesures concernant la conservation et la restauration des collections des musées de France sont précisées, en vue de renforcer l’intervention de l’État en cas de mise en péril ou de menace portant sur l’intégrité d’un bien. L’autorité administrative pourra faire procéder elle-même aux mesures nécessaires. Le Gouvernement devrait, aux termes de la future loi, être autorisé à modifier par voie d’ordonnance de larges parties du code du patrimoine concernant directement les acteurs du marché de l’art. L’habilitation permettrait notamment de préciser les cas d’irrecevabilité des demandes de certificat d’exportation, de créer un contrôle de la provenance d’un bien culturel lors de son entrée sur le territoire en cas de doute sur sa licéité ou encore de faciliter la récupération par les propriétaires publics des biens culturels volés et passés en mains privées. Enfin, un article L. 321-16 sera inséré dans le code de commerce afin d’interdire la vente aux enchères publiques d’objets sensibles et de sanctionner pénalement les organisateurs.

L’avenir des Frac
Alors que les Fonds régionaux d’art contemporain (Frac) ne sont régis que par deux circulaires du ministère de la Culture, le code du patrimoine viendra encadrer l’appellation, qui pourra être attribuée par décision du ministre à une personne morale de droit public ou de droit privé à but non lucratif. Mais deux dispositions interpellent à la lecture du projet de loi. Aux termes du futur article L. 116-2, il ne pourra exister qu’une appellation par région. Or, la loi Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) prévoit une fusion des régions pour le 1er janvier 2016 afin d’atteindre le nombre de treize, contre vingt-deux actuellement, alors que le nombre de Frac existants s’élève à vingt-trois. Par ailleurs, les Frac auront la possibilité de céder les œuvres de leur collection « à titre gratuit ou onéreux » au profit de personnes publiques ou de personnes morales de droit privé à but non lucratif « qui se sont engagées, au préalable, à maintenir l’affection de ces biens à la présentation au public » et après approbation d’une autorité administrative.

En revanche, en l’état du projet de loi transmis au Conseil économique et social, l’ensemble des dispositions relatives aux nécessaires ajustements de la loi sur les archives de 2008 a disparu, alors même que de nombreuses avancées avaient été proposées, notamment en matière d’archivage numérique. Il semblerait néanmoins que ces dispositions retrouvent leur place prochainement à l’occasion de l’examen en hémicycle.

Légende phot

L'assemblée nationale. © Photo : Laurent Lecat.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°438 du 19 juin 2015, avec le titre suivant : Le volet patrimoine de la loi Création est fixé

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