Émergence

Des jeunes pousses aux ténors

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 2 juin 2015 - 889 mots

Si des découvertes sont promises par le secteur « Statements », des redécouvertes d’œuvres mal connues, en particulier signées des Nouveaux Réalistes ou du groupe Mono-ha, sont proposées par « Feature » .

A lors que les galeries du secteur général proposent à Art Basel des accrochages de groupe d’une sélection de leurs écuries, les sections « Statements » et « Feature » préfèrent des présentations monographiques ou liées à des mouvements constitués. Or, si les propositions de la jeunesse, dans le cadre de « Statements », sont aléatoires, « Feature » met souvent en avant les projets solides d’artistes redécouverts mais aussi les travaux mal connus voire oubliés de créateurs quant à eux très visibles.

C’est notamment le cas de la galerie Susanne Vielmetter (Los Angeles) qui annonce des œuvres séminales et activistes d’Andrea Bowers, avec notamment Courtroom Drawings ; cette ample installation textuelle est constituée de 56 feuilles de papier retranscrivant partiellement des messages échangés entre les protagonistes d’une affaire de viol ayant secoué les États-Unis. Raffaella Cortese (Milan) prévoit une rencontre au sommet entre James Welling et Zoe Leonard : aux photos conceptuelles, en particulier issues de la série « Diary/Landscape » (1977), du premier, dont on connaît aujourd’hui le magnifique travail sur la lumière qui a suivi, répondra une récente série de la seconde prenant le soleil pour seul motif (« Sun Photographs », 2011).

Tokyo Gallery BTAP (Pékin, Tokyo) se concentre sur le mouvement japonais Mono-ha, actif du début des années 1960 à la fin des années 1980 ; comme tous les courants asiatiques de cette époque, il connaît depuis quelques années un vigoureux regain d’intérêt. Ses protagonistes, usant d’un vocabulaire formel dépouillé, furent les adeptes d’une sculpture pour l’essentiel composée à l’aide de matériaux naturels ou industriels comme la brique, le bois ou encore le papier, susceptibles d’interagir avec l’environnement bâti ou extérieur.

Lié au langage architectural est également le travail de Siah Armajani présenté par Alexander Gray Associates (New York), qui se focalise ici spécifiquement sur son étude des ponts depuis la fin des années 1950. Pour l’artiste américain d’origine iranienne, ce motif est à la fois la matérialisation d’un élément de liaison et un cadre conceptuel rendant possible un croisement des sphères culturelles ; il se voit traité à travers la sculpture, le dessin faisant appel à la calligraphie et la poésie ou encore des maquettes.

Curiosités et figures inclassables
Le Nouveau Réalisme sera à l’honneur sur le stand de Georges-Philippe & Nathalie Vallois, avec des travaux signés d’une dizaine de ses protagonistes. Un Plexiglas d’Arman renfermant des Déchets bourgeois de 1959 y conversera avec des affiches arrachées de très grand format de Jacques Villeglé (Boulevard du Français moyen, 1961) ou une Vénus de Milo (1962) de Niki de Saint Phalle, maculée de couleur après une performance de tir. Autre curiosité, la galerie présente, de Jean Tinguely et Yves Klein, cette sorte d’outil artistique impossible qu’est le Perforateur monochrome (1958), où sur une machine en fer du premier a pris place un disque monochrome rouge du second. Chez Levy Galerie (Hambourg), c’est Daniel Spoerri qui sera à l’honneur, avec une demi-douzaine de Tableaux-pièges dont le plus ancien est daté de 1961 et le plus récent de 2011-2012, soit un Faux Tableau-piège.
Deux figurent singulières et inclassables sont aussi à noter, sur les stands des galeries Barbara Wien Lukatsch (Berlin) et Millan (São Paulo). La première donnera la parole au Béninois George Adéagbo avec trois installations murales et une au sol, sous la forme toujours de proliférations de documents et d’objets constituant des chaines d’associations et de réflexion, sur le thème « Les artistes et l’écriture ». La seconde mettra à l’honneur le Brésilien Artur Barrio, et pour l’essentiel ses travaux des années 1970, témoignages de performances dans lesquelles l’usage de matériaux précaires traduit, une appropriation du réel au travers de ses résidus, en vue de produire des commentaires radicaux, à la fois poétiques et politiques.

« Statements » à voir
Chez les plus jeunes, parmi les enseignes regroupées au sein de « Statements », intrigante apparaît la proposition de la Libanaise Caline Aoun chez Grey Noise (Dubaï). Son installation, Remote Local, tente de redéfinir son environnement à travers les interactions minimes d’objets ou de surfaces ayant retenu son attention, à l’exemple de 4 000 aiguilles de pin moulées en cuivre, ou de la pulpe de papier carbone qui reproduit la route bordant son atelier. Des moulages figurent également dans le travail de l’Iranien Abbas Akhavan présenté par The Third Line (Dubaï), ici des moulages en bronze d’espèces de fleurs liés à un travail au long cours : une archive de la flore de certaines zones géographiques considérée comme une métaphore des récits historiques attachés à ces régions.

Chez Braverman Gallery (Tel-Aviv) sera présentée la dernière production vidéo en trois écrans de Nira Pereg ; Ishmael constitue, après Sarah Sarah et Abraham Abraham, pièce montrée à l’automne dernier au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, à Paris, une suite des travaux de l’artiste sur les spécificités du site du tombeau des Patriarches à Hébron. Marcelle Alix (Paris) consacrera, elle, son stand à Mathieu K. Abonnenc, avec une nouvelle étape de son projet « Sector IXB Sleeping Sickness Prophylaxis », fondé sur une redécouverte d’archives familiales ; l’œuvre renouvelle la manière de collectionner et classifier des objets, à la lumière plus large de l’histoire collective.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°437 du 5 juin 2015, avec le titre suivant : Des jeunes pousses aux ténors

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