Foire et Biennale

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 2 juin 2015 - 353 mots

« Vu à Venise, acheté à Bâle » dit-on souvent, une passerelle facilitée par la proximité géographique et temporelle des deux manifestations. On examinera d’ailleurs avec attention l’impact du changement de date de la Biennale de Venise sur le niveau des transactions à la Foire de Bâle. Cette courte échelle commerciale n’est ni tout fait fausse ni tout à fait vraie. Il est exact que la frontière entre le secteur public et le marché est devenue une véritable passoire : de nombreuses œuvres de collectionneurs privés ou produites par des galeries sont exposées dans des musées ou monuments nationaux, avant qu’on ne les retrouve dans le circuit marchand. De même, il est fréquent qu’un artiste exposé à Venise soit mis en avant par son galeriste à Art Basel dans un mélange des genres dont le visiteur est le benêt de la crèche. Car sans le public nombreux des foires et biennales et des médias piégés qui apportent un large retentissement aux œuvres exposées, celles-ci apparaîtraient sans doute moins désirables aux yeux des collectionneurs. Le comble est que les visiteurs non acheteurs payent très cher (47 euros) pour entrer à Bâle et faire grimper la cote du Top 100 des artistes. En revanche, si de nombreux artistes se retrouvent dans les deux manifestations, le format de celles-ci n’est pas du tout le même. Les biennales sont des lieux d’expérimentation, où s’expose l’art d’avant-garde, souvent d’aspect documentaire, un art exigeant et intellectuel. Tout autre est l’impression qui se dégage des allées des sections générales de la Fiac à Paris ou d’Art Basel. Ici les œuvres sont fortes certes, mais plastiquement abouties et séduisantes. Des œuvres « formatées » disent les commentateurs. Il ne peut en être autrement. Une foire est d’abord un lieu marchand, et le galeriste commerçant doit vendre pour couvrir les coûts souvent élevés (entre 30 000 et 80 000 euros) du stand. Les acheteurs, eux, veulent des œuvres que l’on peut accrocher dans son salon et compatibles avec le goût du moment. Au fond, il serait plus exact de dire « vu à Venise, acheté vingt ans plus tard à Bâle ».

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°437 du 5 juin 2015, avec le titre suivant : Foire et Biennale

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