Design

Biformation

Quand s’opère la fusion entre design et sciences

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 19 mai 2015 - 634 mots

À l’ENSCI, près de 20 % des élèves ont suivi une première formation souvent très éloignée de celle dispensée dans cette école de création industrielle. Un double cursus qui favorise un design innovant.

Ils n’ont pas 30 ans et ouvrent le design à de nouvelles dimensions. Celles qui se projettent au-delà des définitions et des disciplines, dans des voies liées aux sciences du vivant, de l’ingénieur et de la communication. En licence de biologie, Marie-Sarah Adenis s’émerveille de l’imaginaire qui circule dans l’immunologie, la physiologie végétale et la microbiologie. Mais elle veut relier la biologie au cerveau, y inclure la philosophie, la psychologie. Elle se tourne vers les neurosciences cognitives et obtient son diplôme de l’École normale supérieure avant de changer radicalement d’horizon pour s’orienter vers l’ENSCI- Les Ateliers. « Je souhaite créer du sens dans la science par des détournements qui la questionnent, la piquent, la font sortir de ses gonds ». À La Paillasse, laboratoire ouvert et citoyen, un lieu unique à Paris pour son effervescence pluridisciplinaire, elle fait « pousser des encres » entièrement renouvelables produites par des bactéries selon des procédés de fabrication bien connus des Babyloniens.

À Nantes, Saint-Étienne, Nancy, Eindhoven, Paris, des étudiants cherchent à conjuguer des champs de savoirs et de pratiques qui dialoguent encore peu en France, alors même que ces fertilisations croisées sont indispensables pour répondre aux grands défis de la transition énergétique et du tout numérique. Sur ses 250 élèves, l’ENSCI en compte une quarantaine en double cursus selon les modalités variées qu’offrent les partenariats noués à partir de 2010 avec plusieurs établissements – l’université Pierre et Marie Curie Paris 6, l’université Joseph Fourier à Grenoble, l’École nationale supérieure d’Arts et Métiers, l’École Centrale de Paris, le Celsa (Paris-Sorbonne), l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville. L’ambition est d’articuler connaissances scientifiques et création, technologies, innovation et valeur d’usage, avec une exigence intacte pour les diplômes.

Discipline et désordre
Des profils atypiques et des débuts professionnels prometteurs se dessinent déjà. Bruno Truong, ingénieur civil des Mines, a travaillé sur « la mécanique des matériaux par la lorgnette des équations et de la simulation ». Mais il recherchait un métier plus libre, qui prenne en compte l’humain. Sa formation à l’ENSCI ? « D’abord, une destruction massive de mes connaissances d’ingénieur ! ». Le temps de la synthèse venu et son diplôme brillamment obtenu en 2014 autour des « matières fonctionnalisées », le voici au milieu des ingénieurs de CEA Tech (2) à Grenoble où il affirme son positionnement de designer. « Il faut s’emparer de la technique pour la transformer et lui permettre de s’intégrer dans le quotidien et l’industrie ».

Raphaëlle Ankaoua et Benjamin Mazoin ont été récemment recrutés par des prestataires d’Airbus pour intervenir aux côtés d’ingénieurs et d’ergonomes dans la partie recherche et développement sur des interfaces liées au cockpit de l’avion. Raphaëlle Ankaoua reconnaît « un parcours du combattant ». Dyslexique, sa scolarité fut chaotique. Passée par l’école Boulle, elle intègre l’ENSCI, apprend beaucoup de l’Atelier numérique avant de compléter sa formation au Celsa par le master « stratégie de marque » et sort major de sa promotion. « J’ai travaillé sur ma dyslexie comme sur un projet de design. J’ai appris à réorganiser l’information et à transformer mon handicap en force de construction ». Benjamin Mazoin, lui, décide de bifurquer. Il a choisi la cuisine, mais comprend vite que le club des grands chefs est étroit. Il veut un métier de création. Ce sera l’ENSCI avec « Objectomie », son projet de fin d’études, qui questionne la capacité d’évolution perpétuelle des objets. Question qui n’est sans doute pas inutile pour un avion…
 

Geneviève Gallot

 

Notes

(1) École nationale supérieure de création industrielle –Les Ateliers (2) CEA Tech est le pôle « recherche technologique » du Commissariat à l’énergie atomique

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°436 du 22 mai 2015, avec le titre suivant : Quand s’opère la fusion entre design et sciences

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