Singapour

Un art politisé émerge d’Asie du Sud-Est

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 19 mai 2015 - 664 mots

À l’occasion du Festival Singapour en France, le Musée d’art contemporain de Lyon succède au Palais de Tokyo en présentant la jeune création de l’Asie du Sud-Est.

LYON, PARIS - L’une s’intitule « Open Sea », l’autre « Archipel Secret », deux titres laissant percevoir un environnement maritime, avec un même point d’ancrage : Singapour. À l’occasion du Festival Singapour en France qui, jusqu’au mois de juin, traite autant d’arts visuels que de danse, de musique ou de gastronomie, le Musée d’art contemporain de Lyon prend la suite du Palais de Tokyo à Paris et plonge dans les méandres de la jeune création artistique de la cité-Etat et de ses alentours.
Car s’il est une réalité bien perceptible dans ces deux manifestations, c’est l’intrication des référents sociaux, culturels et communautaires, des questions religieuses, des liens aux pouvoirs (souvent autoritaires) qui irriguent l’ensemble de l’Asie du Sud-Est et provoquent ainsi l’ouverture de ces expositions à l’ensemble de la région et non à la seule Singapour. D’un point de vue historique, cela répond aux modes d’échanges de diverses natures qui se sont exprimés par voie maritime. Tandis que d’un point de vue contemporain, cela affirme la volonté de Singapour de s’installer en incontournable pivot de la création artistique contemporaine de la région, face notamment aux ambitions hongkongaises, tout en tentant d’exprimer cette idée chère à la cité-Etat de symboliser par une forme de mixité revendiquée une image synthétique et globale de l’ensemble de cette zone géographique. Un autre point commun de ces deux propositions est leur commissaire, Khairuddin Hori, ancien curateur au Singapore Art Museum qui a pris la tête de la programmation artistique du National Heritage Board de Singapour, rejoint pour le versant lyonnais par le directeur du musée, Thierry Raspail.

Deux présentations inégales
Si elles posent des problématiques communes, les deux propositions offrent des visages radicalement opposés. À Lyon, l’accrochage est de qualité muséale, ordonné et lisible, tandis qu’à Paris c’est tout le contraire, avec une mise en espace brouillonne dans laquelle tout se contaminait et plus grand-chose n’acquérait l’autonomie nécessaire qui permettrait d’en assurer la lecture. Certes les espaces du sous-sol du Palais de Tokyo sont loin d’être aisés, mais cela aurait dû conduire à une plus grande rigueur dans la sélection, avec probablement un choix resserré, d’autant que toutes les œuvres n’apparaissent pas essentielles, loin de là.

Cela n’empêchait pas d’y trouver des travaux intéressants, qui souvent baignent dans des racines, des histoires ou des anecdotes qui éclairent formidablement des tensions, voire des contradictions encore vivaces. Ainsi de la vaste installation murale de l’artiste malais ISE traçant un vaste réseau fait de dessins parfois naïfs auxquels s’adjoint un incroyable bric-à-brac d’objets, de photos, de documents, de commentaires, qui tente la reconstitution d’une l’histoire de la région traversées par de nombreux récits ; ou de la percutante peinture murale du Philippin Dex Fernandez qui, parti de l’image d’une tique de chiens, développe une composition proliférante et délirante évoquant une démultiplication nécessaire de l’homme afin de d’assurer sa survie.

Ce que montrent parfaitement ces deux expositions c’est que si l’art de cette région ne se traduit pas par une esthétique commune, même si des modes d’expressions sont aisément identifiables, la plupart des artistes sont en prise directe avec la société d’aujourd’hui et expriment dans leur travail des fondements politiques assumés. À Lyon, c’est particulièrement fort avec la belle installation de Nge Lay qui reconstitue une classe traditionnelle du Myanmar (Birmanie), évoquant au passage le contrôle de la pensée sous la dictature. Magnifique est également le film du Singapourien Charles Lim All The Lines Flow Out (2011), qui entraîne à la découverte de territoires contrastés en suivant le fil de l’eau à travers des canaux jusqu’à la mer, et achève de montrer que cette exposition ne constitue pas un panorama géographique ou historique, mais plutôt un regard porté sur la fabrication d’une histoire de ces zones très traversées et agitées.

OPEN SEA

Commissaires : Thierry Raspail, directeur du Mac LYON, Khairuddin Hori, guest curator, National Heritage Board

OPEN SEA

Jusqu’au 12 juillet, Musée d’art contemporain de Lyon, Cité internationale, 81, quai Charles de Gaulle, 69006 Lyon, tél. 04 72 69 17 17, www.mac-lyon.com, tlj sauf lundi-mardi 11h-18h, entrée 6 €.

Légende photo
Charles Lim, All Lines Flow Out, 2011, court-métrage. © Charles Lim Yi Yong.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°436 du 22 mai 2015, avec le titre suivant : Un art politisé émerge d’Asie du Sud-Est

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