Histoire

Napoléon et le rêve américain

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 19 mai 2015 - 585 mots

Deux siècles après la défaite de Waterloo, le château de Rueil-Malmaison retrace la tentative de l’empereur déchu de s’établir en Amérique.

Réfugié de luxe, Napoléon Ier ? Tout avait été du moins planifié pour que l’Empereur déchu, fort de ses relations diplomatiques avec le président Thomas Jefferson, s’exile au Nouveau Monde et puisse bénéficier de cette notion typiquement américaine de la « deuxième chance ». Seuls obstacles à cette sortie par la petite porte, les passeports attendus de pied ferme par l’équipée stationnée pendant plusieurs jours sur des frégates en rade de l’île d’Aix, mais qui ne leur furent jamais accordés… Cet épisode méconnu de l’histoire impériale, dans les quelques semaines qui ont suivi la défaite de Waterloo, resta dans les annales comme une période de tensions et d’incertitude qui font tout le sel de la nouvelle exposition du Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau.

Quête d’une terre d’asile
Théâtre de préparatifs effrénés à la fin du mois de juin 1815, la demeure de la première impératrice à Rueil-Malmaison est le dernier refuge où Napoléon s’est retranché, cinq jours durant, après avoir abdiqué au profit de son fils. Jour après jour, « Cap sur l’Amérique » retrace les différentes étapes menant à cette tentative de traversée de l’Atlantique. Dans un premier temps, le parcours s’amuse à marquer les différentes salles du musée du sceau de la présence d’un Napoléon dans la tourmente – dans la chambre de Joséphine, par exemple, où il vient se recueillir un an après la mort de sa première épouse.

Au second étage du château, un parcours plus classique aborde les différents aspects des préparatifs. Ces derniers vont des exigences les plus banales, comme la préparation des malles de vêtements, d’accessoires de toilette et de vaisselle, aux projets plus ambitieux, comme l’élaboration d’une expédition scientifique avec François Arago. Recréer l’atmosphère tendue de cette période est un défi que les commissaires ont parfaitement relevé, grâce à une scénographie des plus soignées. Napoléon ne parviendra jamais à traverser l’Atlantique Nord, malgré l’offre in extremis de son frère Joseph de se faire passer pour lui sur un navire américain au départ de Royan. L’ex-roi d’Espagne vivra à Point Breeze, dans le New Jersey, pendant plus d’une vingtaine d’années. Son frère cadet finira ses jours sur l’île de Sainte-Hélène…

L’esthétique de l’Empire

Parce que le style Empire ne saurait se résumer aux majuscules N et J frappées çà et là sur le mobilier, les objets d’art et les ornements en tous genres, « Napoléon Ier ou la légende des arts » au palais de Compiègne passe en revue les différentes sources du style napoléonien et révèle la manière dont il s’inscrit dans une évolution esthétique au sens large. Rien n’échappe à la démonstration : le XVIIIe siècle s’efface en laissant quelques détails floraux résiduels, les éléments empruntés à l’art égyptien et la rigueur héritée de l’Antique témoignent des conquêtes impériales et des découvertes archéologiques. Même les tableaux de facture néoclassique font dans la nuance : le style troubadour pointe le bout de son nez et le romantisme prend racine. L’ambition de cette exposition réalisée en partenariat avec le château royal de Varsovie étant de s’arrêter à la surface de l’esthétique impériale, une lecture s’impose pour compléter la visite : Napoléon et les arts par Jean-Michel Léniaud, (Citadelles et Mazenod, 2012, lire le JdA n° 383, 18 janvier 2013) qui remet ce décorum dans son contexte historique, social et politique et décrit la manière dont les artistes répondaient aux attentes mégalomanes du puissant Corse.

« Napoléon Ier ou la légende des arts »

Jusqu’au 27 juillet, Musée national du palais de Compiègne, place du Général de Gaulle, 60200 Compiègne, tél. 03 44 38 47 00, www.palaisdecompiegne.fr, tlj sauf le mardi 10h-18h, entrée : 9,50 €. Catalogue, éditions de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais, 200 p., 35 €.

Cap sur l’Amérique. La dernière utopie de Napoléon
Jusqu’au 20 juillet, Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau, 15, av. du château de Malmaison, 92500 Rueil-Malmaison, tél. 01 41 29 05 55, www.chateau-malmaison.fr, tlj sauf mardi 10h-12h30 et 13h30-17h45, 10h-12h30 et 13h30-18h15 le week-end, entrée 8,50 €. Catalogue, éditions Artlys, 176 p., 25 €.

Cap sur l’Amérique
Commissaires : Isabelle Tamisier-Vétois, conservateur en chef et Christophe Pincemaille, chargé d’études documentaires principal, Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°436 du 22 mai 2015, avec le titre suivant : Napoléon et le rêve américain

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque