Art contemporain

Bruxelles

La Figuration narrative résiste

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 5 mai 2015 - 652 mots

Pour l’inauguration de ses espaces dans la capitale belge, la Patinoire royale met en exergue l’engagement et le militantisme de ce mouvement des années 1960.

BRUXELLES - Les images ont souvent pour elles l’immédiateté de l’impact, la force du message. Celles réunies sous le titre de « La résistance des images » à la Patinoire royale, nouveau lieu d’exposition bruxellois dont c’est là l’exposition inaugurale, n’en manquent pas. Mais, plus que la domination des images, sont ici mises en avant ses capacités de résistance, à travers les œuvres des artistes de la Figuration narrative.

Cet espace d’exposition à vocation commerciale, propriété de la galeriste Valérie Bach, dont l’espace est attenant, et de son époux Philippe Austruy, affiche de hautes ambitions en termes de contenu et de qualité de programmation. Sont prévues trois expositions annuelles à visée historique dans le champ de l’art et du design des soixante dernières années. Le deuxième événement, organisé en collaboration avec le galeriste François Laffanour, aura ainsi trait au design français des années 1950. Sont également évoqués des projets relatifs à l’art optique et cinétique ou à la scène artistique milanaise des années 1960. « Nous souhaitons avoir ici un regard rétrospectif centré sur l’avènement du monde moderne depuis l’après-guerre, tout en conservant un propos scientifique et construit, même si nous avons également une vocation commerciale », affirme ainsi Constantin Chariot, le directeur des lieux.

Édifiée en 1877 dans le quartier de Saint-Gilles, la Patinoire royale fut d’abord dévolue à la pratique du patin à roulettes avant de devenir un garage puis un lieu d’exposition de voitures de collection. D’aspect extérieur néoclassique, doté à l’intérieur d’une charpente classée, l’ensemble se déploie sur 3 000 mètres carrés, dont près de 900 pour la nef centrale où se tiennent les expositions. Chargé de réhabiliter les lieux et de les transformer en un espace propice à l’art, l’architecte d’intérieur Pierre Yovanovitch a opté pour une intervention a minima, soit la plus discrète possible afin de laisser s’exprimer les volumes. Son intervention est néanmoins marquée par l’édification, à l’une des extrémités du volume principal, d’un monolithe blanc et immaculé. Celui-ci abrite un escalier désaxé conduisant vers un espace latéral situé à l’étage. La scénographie propre à la première exposition a été conçue, elle, comme une succession de petites boîtes, certaines coiffées de faîtes en pignon évoquant un environnement urbain.

Noms connus et moins connus
C’est à Jean-Jacques Aillagon qu’il a été fait appel pour concocter l’exposition inaugurale. Sa proposition présente deux mérites. Elle ne se focalise pas seulement sur les principaux noms attachés à la Figuration narrative, Monory, Fromanger, Aillaud, Télémaque, Erró…, même s’ils sont présents, mais donne à voir également des personnalités moins connues telles Évelyne Axell, Babou ou Gérard Guyomard. Et surtout, « La résistance des images » insiste sur une lecture très politique de ce mouvement, en soulevant des questions relatives à l’ordre moral, l’autoritarisme, la liberté…
Fort bien représentée dans l’exposition, et à juste titre, la figure d’Évelyne Axell, disparue dans un accident de la route en 1972, illustre parfaitement cette problématique de la libération du joug de l’ordre moral comme de la libération de la femme qui prend en main son destin. Pour ce faire, l’artiste recourt souvent aux matières plastiques, et met aussi le corps en exergue, parfois en relief comme sur deux tableaux desquels émerge un corps féminin nu qui s’échapperait du cadre (Couchette orange, Couchette bleue, 1966).

La conscience de la nécessité d’une résistance politique inspire également des travaux manifestant une prise de parole, au premier rang desquels le remarquable Album rouge (1968-1970) de Gérard Fromanger, soit dix drapeaux de pays à divers degrés impérialistes (France, Royaume-Uni, Russie, Japon, Allemagne…) dont la couleur rouge bave à la surface jusqu’à faire penser à une traînée de sang : une œuvre violente et véritablement engagée.

LA RÉSISTANCE DES IMAGES

Commissaire : Jean-Jacques Aillagon, avec Guillaume Picon
Nombre d’artistes : 25
Nombre d’œuvres : environ 120

LA RÉSISTANCE DES IMAGES

Jusqu’au 31 juillet, La Patinoire royale, rue Veydt 15, Bruxelles, tél. 32 495 23 60 70, www.lapatinoireroyale.com, tlj sauf dimanche-lundi 11h-13h, 14h-19h, entrée libre. Catalogue, éd. Patinoire royale, 144 p., 40 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°435 du 8 mai 2015, avec le titre suivant : La Figuration narrative résiste

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