Restauration

La résurrection de la villa Cavrois

Après douze ans de travaux, la maison dessinée par Robert Mallet-Stevens ouvre au public le 13 juin. Ses extérieurs ont été restaurés tandis que ses intérieurs ont été reconstitués à l’identique

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 5 mai 2015 - 814 mots

Après une descente aux enfers suivie de douze ans de travaux, la villa Cavrois (Nord) ouvrira le 13 juin au public. Si l’extérieur a conservé ses matériaux d’origine, l’intérieur de la maison construite par Robert Mallet-Stevens en 1932 a été largement reconstitué. Le Centre des monuments nationaux, qui a dépensé ici 23 millions d’euros, espère 70 000 visiteurs annuels.

CROIX - Après douze années de travaux, la villa Cavrois, manifeste de l’architecture moderniste, se prépare à ouvrir ses portes le 13 juin. Elle arbore un visage proche de celui qui fut le sien lors de son édification en 1932 par l’architecte Robert Mallet-Stevens à Croix, dans la banlieue résidentielle de Roubaix (Nord).

La demeure revient de loin : celle qui a abrité la famille d’industriels Cavrois des années 1930 au milieu des années 1980 a été laissée à l’abandon tout au long des années 1990, squattée, vandalisée, pillée [lire ci-dessous] avant d’être acquise par l’État en 2001, dans un état de grand délabrement, et confiée en 2008 au Centre des monuments nationaux (CMN). L’extérieur de l’édifice, aux airs de paquebot, a été restauré entre 2003 et 2009. Si les vitrages ont été intégralement remplacés, 95 % des serrureries et 70 % des briques jaunes, typiques de l’architecture du Nord, sont d’origine. À l’intérieur de la villa – où résonnent encore les travaux en cette journée d’avril –, peu d’éléments restaient à sauver, si ce n’est les parquets, qui ont pu être remis en état à 80 %, ainsi que les marbres de l’entrée, marqués de taches indélébiles, gage d’authenticité.

Retour aux sources
La Commission nationale des monuments historiques a fait le choix, dans une perspective d’ouvrir le monument au public, de rendre à la villa ses lignes imaginées par Mallet-Stevens (qui ont valu à la maison son classement au titre des monuments historiques en 1990), c’est pourquoi la grande majorité des pièces a été restituée à l’identique. Un parti pris qui a d’abord conduit à effacer les ajouts postérieurs à la main de Mallet-Stevens, notamment les cloisonnements et entresolements de pièces élevés entre 1947 et 1959 par l’architecte Pierre Barbe sur la demande des parents Cavrois, désireux d’installer leurs enfants devenus grands dans des appartements séparés. Un retour aux sources pour la villa mais un effacement de ce qui aura finalement constitué la plus large part de son histoire.
Vendus aux enchères après la mort de Mme Cavrois survenue en 1986, ou pillés pendant la période de déshérence de la demeure, les immeubles par destination (biens meubles rattachés à l’immeuble de manière fixe), du lit aux banquettes en passant par les staffs, ont été réintégrés sous la forme de copies. À l’exception d’un placard de cuisine, qui a été rendu au CMN par le collectionneur américain Robert Rubin – qui l’avait acquis auprès d’un antiquaire – et a pu être réintégré dans sa version originale après repolissage de l’aluminium et changement des vis. Décors et meubles intégrés, à l’aspect géométrique et dépouillé, ont ainsi été reconstitués grâce à l’analyse des traces sur les murs et surtout, à un fonds de photographies conservé au Centre canadien d’architecture de Montréal. Les photos en noir et blanc ont été prises pour l’ouvrage Une demeure 34, réalisé par Mallet-Stevens lui-même. Mais elles ne donnent pas d’information sur le coloris des pièces. Aussi la copie du haut-relief serti de quilles, raquettes, damiers et crosses qui orne le mur de la « salle à manger des enfants » a-t-elle fait l’objet d’une colorisation en sépia, « le ton du souvenir », selon Paul-Hervé Parsy, administrateur de la villa pour le CMN.

Une pièce « martyr »
L’importante part de copie sera-t-elle perçue comme telle par le public ? Aucun panneau ni cartels ne sont censés être accrochés dans les salles, mais une « matériauthèque » permettra d’exposer les débris de la maison et une pièce, dite « martyr », a été figée à l’état de ruine. Une technique de fixation des stigmates généralement utilisée de manière mémorielle (pour conserver les traces d’un bombardement qui eut lieu pendant la guerre par exemple) donnera ici au visiteur la mesure du délabrement de la villa et de l’étendue du chantier. Plus didactique, un espace d’interprétation constitué de bornes multimédias, placé dans une des pièces de la maison, doit retranscrire les différentes strates historique de la villa y compris dans sa période la plus critique.

Remeubler la villa

Pour remeubler les salles, 32 meubles originaux issus de la villa Cavrois qui avait été dispersés aux enchères et achetés en grande majorité par des particuliers ont été acquis par le Centre des monuments nationaux (CMN). Tables et chaises, coiffeuses, chauffeuses ou pendules, souvent dessinés par Mallet-Stevens, attendent d’être installés selon les dispositions visibles sur les photos de l’époque. « On espère continuer à enrichir progressivement le mobilier de la maison », déclare Philippe Bélaval, président du CMN, qui essaie également d’obtenir quelques prêts temporaires de collectionneurs.

Légende photo

Robert Mallet-Stevens, La Villa Cavrois, Croix, la façade sud. © Photo : Jean-Luc Paillé/CMN/Service de presse.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°435 du 8 mai 2015, avec le titre suivant : La résurrection de la villa Cavrois

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