Cécile Bart : « Un tableau n’est pas une chose figée et arrêtée »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 24 mars 2015 - 740 mots

La plasticienne Cécile Bart présente à la galerie Valentin, à Paris, sa dernière installation faite de tableaux-écrans.

À la galerie Valentin, à Paris, Cécile Bart déploie une installation constituée de peintures/écrans, qui introduit notamment de nouvelles compositions en damiers.

Cette exposition présente un nouveau type de travaux prenant la forme de damiers…
Il s’agit de peintures/écrans abstraites qui sont des assemblages de couleurs en damiers. Il est vrai que je me suis fait connaître en peignant surtout des monochromes, mais lorsque j’ai commencé à travailler en 1987, il s’agissait déjà de peintures abstraites, des carrés qui se « baladaient ». Et j’oscillais tout le temps entre des surfaces très libres qui se chevauchaient et sortaient du champ, et à l’inverse une répartition selon une grille très précise. Là, il se trouve que ce sont des damiers. Ils ont des tailles différentes mais sont toujours construits sur la même base, soit des carrés de 50 x 50 cm ; d’autres font 1 x 1 m, 1,5 x 1,5 m, et enfin 2 x 2 m. Je les associe avec des monochromes et avec d’autres peintures/écrans que j’ai appelées les « Diegos » et sont partagées en deux suivant la diagonale, avec deux couleurs différentes.

Le positionnement de vos peintures dans l’espace est toujours très réfléchi. Comment avez-vous ici appréhendé l’espace ?
Par une association assez flottante, c’est-à-dire que l’accrochage lui-même n’est pas quelque chose de très rigoureux. Je voulais avoir des peintures/écrans de différentes hauteurs avec, entre elles, des espacements à chaque fois différents également. L’idée était de passer du Damier au Diego au monochrome, puis de nouveau au Damier, etc.

Lorsque vous évoquez cette manière d’accrocher un peu libre, y a-t-il là une contradiction voulue entre cette liberté et le fait que vos formats sont toujours très géométriques et avec des dimensions très régulières et normées ?
Je pense qu’il y a une contradiction voulue et que cela se joue dans la tension, mais aussi dans celle des couleurs. Je conçois souvent une exposition de cette manière, entre des choses qui sont très douces, avec des ponts, des passages, et puis au contraire des ruptures.

Diriez-vous que la peinture peut véritablement constituer un environnement ?
Je pense, oui, mais avec toujours cette capacité qui lui est propre que l’on puisse s’en défaire, que l’on puisse tout d’un coup ne plus être dans un univers pictural mais dans un lieu réel, dans l’ici et maintenant. Ce que je voudrais c’est qu’on oscille entre un « je suis là, aujourd’hui, tel jour à telle heure dans ce lieu-là » et en même temps un « je suis ailleurs. » J’ai du mal à penser qu’un tableau est une chose figée et arrêtée. Et il y a toujours des passages d’un tableau à un autre qui font que finalement un tableau ne s’arrête pas à sa limite physique mais qu’il continue d’irradier.

En quoi la question de l’espace et de l’interaction avec le spectateur est-elle essentielle pour vous ?

Il s’agit en fait d’instaurer une nouvelle relation entre le visiteur et l’espace-temps dans lequel il est, dans ce lieu privilégié dans lequel on peut voir de l’art. Donc forcément, il ne se retrouve pas avec un objet devant lui, mais avec une espèce d’atmosphère lumineuse et colorée de différents objets qui font que lui-même prend place au sein d’un dispositif dans lequel il est acteur.

Les écrans sont une spécificité forte de votre travail. Ils peuvent cacher mais aussi révéler, d’autant que vous utilisez un Tergal « plein jour » très fin. Comment définiriez-vous leur rôle ?
Justement, j’utilise ces peintures/écrans dans toute leur complexité et leur dualité entre quelque chose qui laisse passer le regard et quelque chose qui l’arrête, quelque chose qui invite le corps à venir voir de près, dans le détail, ou au contraire qui met le corps à distance et oblige le visiteur à voir la chose dans son ensemble et à avoir une espèce de distance critique vis-à-vis de l’objet qu’elle perçoit. Ce qui implique une certaine physicalité entre ce qui s’appréhende avec le regard et ce qui s’appréhende avec le corps et le déplacement. Et puis le fait d’avoir un écran qui s’interpose entre soi et le monde fait qu’on a une vision légèrement différente et légèrement décalée que ce qu’on pourrait avoir de la réalité. Cela permet de reconsidérer la distance qu’il y a entre les choses : quelque chose de lointain peut tout à coup devenir proche et l’inverse.

CECILE BART. DAMIERS, DIEGOS, MONOS

Jusqu’au 11 avril, Galerie Valentin, 9, rue Saint-Gilles, 75003 Paris
tél. 01 48 87 42 55
www.galeriechezvalentin.com
tlj sauf dimanche-lundi 11h-13h/14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°432 du 27 mars 2015, avec le titre suivant : Cécile Bart : « Un tableau n’est pas une chose figée et arrêtée »

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