Fief

Le royaume incontesté des tableaux anciens

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 25 février 2015 - 950 mots

Pré carré des marchands de tableaux anciens, Tefaf continue de s’internationaliser et mise davantage sur des œuvres de nature à séduire les musées.

Tefaf demeure la foire de référence pour la peinture ancienne, de par le nombre de galeries qui y exposent, la qualité des œuvres présentées, mais aussi parce qu’elle est très courue par les conservateurs de musées, notamment américains, au pouvoir financier important.

Bien sûr, il faut attendre le jour du lancement pour vraiment juger de la qualité de l’édition et découvrir, peut-être, un chef-d’œuvre, comme en 2011 chez le New-Yorkais Otto Naumann, qui avait apporté un Portrait d’homme, mains sur les hanches (1658) de Rembrandt, dont le prix affiché était de 41 millions d’euros. Le marchand  n’en était pas à son premier « coup », puisqu’en 2002, il avait présenté Minerve, du même artiste, proposé sur la foire à 35 millions d’euros.

Pour cette nouvelle édition, 60 marchands sont venus, un chiffre stable malgré quelques mouvements : les galeries Silvano Lodi & Due (Corée) et Montgomery (USA) sont remplacées par Agnew’s (Londres), qui n’avait pas participé à l’édition de 2014 (fermée en 2013, elle a finalement été reprise par Lord Anthony Crichton-Stuart, ancien de Christie’s New York et ancien directeur de Noortman Master Paintings) et la galerie italienne Giacometti, qui présente pour sa première participation une œuvre d’Aurelio Lomi Gentileschi, demi-frère d’Orazio, La Lapidation de saint Étienne (vers 1603). Quant au contingent de participants par pays, les Français sont au nombre de 7, contre 19 Anglais, 8 Hollandais, 5 Allemands, 4 Suisses et 4 Italiens.

La part belle au sensationnel

« L’édition 2015 va être d’un bon niveau, les marchands ont fait des efforts pour surprendre les visiteurs en montrant des tableaux forts. Maastricht fonctionne comme une bourse : une compétition s’instaure entre les marchands pour montrer des tableaux spectaculaires pouvant séduire les conservateurs », commente Éric Turquin, expert. En effet, « il y a une recherche toujours plus grande de qualité pour une clientèle d’institutionnels », confirme Bruno Desmarest, directeur du département de tableaux ancien de la galerie Aaron. À l’origine, les tableaux de petit format, de « cabinet » étaient préférés mais aujourd’hui, il y a davantage de tableaux spectaculaires souvent de grandes dimensions ayant leur place dans un musée. C’est le cas d’un tableau que l’on peut admirer chez Bob Haboldt (Paris), La Brèche sur la digue de Sint Anthonisdijk dans la nuit du 5 au 6 mars 1651, de Jan Asselijn, (1,2 million d’euros). Passé en vente en décembre dernier à Londres, le marchand aurait eu tort de se priver de le montrer car l’œuvre figurait parmi les plus belles mises en vente lors des dernières sessions londoniennes. Il en va de même pour une paire de tableaux inédits de Luca Giordano, dévoilés chez Maurizio Canesso (Paris) : La Charité au pauvre homme malade et La Charité à la pauvre femme honteuse, vers 1670, compositions réalistes probablement peintes pour la congrégation napolitaine des pauvres honteux (1,5 million d’euros).

Si, au commencement de la foire, les trois quarts des tableaux présentés étaient hollandais, parce que du goût de Robert Noortman, son fondateur, celle-ci s’est depuis internationalisée et l’on trouve à côté des tableaux nordiques, d’importants tableaux français et italiens. Ainsi, toujours en bonne place, la peinture hollandaise garnit de nombreux stands. Johnny van Haeften (Londres) fait un focus sur les natures mortes, dont une par Willem Kalf, de la collection des comtes de Warwick, achetée en juillet dernier chez Sotheby’s Londres. Rafael Valls (Londres) expose une marine de Willem van de Velde le Jeune, probablement commandée par Lord Archibald Hamilton. Derek Johns (Londres) montre à nouveau Portrait de dame, de van Dyck, dévoilé à Paris Tableau et affiché à 600 000 euros : « Ce portrait a suscité tellement d’intérêt à Paris que nous avons décidé de le représenter à Tefaf où il obtiendra une audience plus large », explique la directrice de la galerie. Richard Green montre Dunes en bord de mer, de Jacob van Ruisdael, ancienne collection du Prince héritier de Hanovre (1,8 million d’euros) tandis que Portrait de l’Empereur Servius Sulpicius Galba, de Rubens, est visible chez Salomon Lilian (Amsterdam) et qu’Otto Naumann expose Joueurs de cartes, de Theodore Rombouts.

Œuvres de qualité muséale
Également bien représentée, l’école italienne affiche de belles surprises. Robilant Voena met à l’honneur une Vue de Naples depuis la mer, d’Antonio Joli (1,6 million d’euros). Giovanni Sarti (Paris) expose Samson et Dalila, par Bernardino Mei, vers 1657. Charles Beddington présente un grand tableau d’Antonio Balestra (1666-1740), Junon et Argus alors que Jean-François Heim (Bâle) montre un tableau de grandes dimensions de Giovanni Paolo Panini (1691-1765), Le Marquis Giovanni Carlo Molinari ordonné archevêque de Damas par le pape Benoît XIV en 1756 au Palais du Quirinal à Rome.
L’école française enfin, ne saurait manquer à l’appel. Chez Jean-François Heim toujours, on peut admirer une belle Psyché, par Jean-Baptiste Greuze, artiste présent aussi chez Talabardon et Gautier avec une Figure de jeune homme. Stair Sainty Gallery (Londres) montre Le Pêcheur et le petit poisson, de Jean-Baptiste Oudry alors qu’Éric Coatalem (Paris) présente une œuvre de Claude Joseph Vernet, Personnages remontant leurs filets au lever du soleil (1788) et Académie d’homme, une huile sur papier de Théodore Géricault. La galerie Didier Aaron met en avant une esquisse de Charles Meynier, Joseph reconnu par ses frères, réalisée pour le tableau présenté pour le concours du grand Prix de l’Académie de 1789, aujourd’hui conservé à l’École des Beaux-Arts. « Il s’agit d’une œuvre parfaite pour une institution ou un collectionneur spécialisé dans la période révolutionnaire », note Bruno Desmarest, qui expose également un tableau d’Hubert Robert, Paysage avec ruines antiques, 1795 ainsi qu’une œuvre charmante de Jean-Simon Fournier, La Lettre, vers 1795.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°430 du 27 février 2015, avec le titre suivant : Le royaume incontesté des tableaux anciens

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