Photographie

Gábor Ösz, le magicien

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 25 février 2015 - 576 mots

À la Galerie Loevenbruck, Gábor Ösz continue à mettre la photographie à l’épreuve objective du réel au travers d’expériences définies par le temps et l’espace.

Paris - Gábor Ösz se sert de temps en temps de la peinture mais il ne se considère surtout pas comme un peintre. De même, il pratique beaucoup la photographie, mais ne se dit pas photographe. Enfin, il réalise aussi des films mais ne se prend pas pour un cinéaste. On l’aura vite compris, la démarche de l’artiste, né en 1965 en Hongrie, est pour le moins complexe et énigmatique, mais pourrait se résumer à des questions posées à l’image, et à son histoire, à ce qui fait image, à ce qui la définit et la cadre.

Pour réaliser The colors of Black-and-White (2009), grand diptyque photo, Gábor Ösz a d’abord réellement repeint un coin de mur de son atelier avec un radiateur. Il l’a ensuite photographié et, à l’arrivée, confronte une version telle quelle, polychrome, et une autre en noir et blanc. Quoi de plus inintéressant comme sujet qu’un radiateur ? Gábor Ösz réussit pourtant à le magnifier en en faisant le centre d’une réflexion sur la photographie, sur la couleur et le noir et le blanc, et en donnant à l’œuvre une belle dimension picturale.

Absence et présence en perspective
Selon ses propres indications, « (il) repeint un fragment de réel pour que son négatif soit d’emblée une image positive ». Autrement dit, peindre la réalité en négatif révèle (comme on le dit d’un papier photo) que l’apparence positive de cette réalité est en fait un négatif. On retrouve ce principe d’inversion dans un autre diptyque qui fait immédiatement penser au jardin du film Blow-up d’Antonioni. L’œuvre en reprend d’ailleurs le titre pour montrer cette fois un bosquet que l’artiste a vraiment repeint et photographié avec éclairage, de nuit. « Sur les négatifs en noir et blanc, la végétation repeinte ressemble à un vrai jardin photographié en plein jour », précise-t-il. Une manière de montrer que la nuit est le négatif du jour.

Mais Gábor Ösz peut aussi réaliser des sténopés en s’installant dans un bunker du mur de l’Atlantique et prendre en vue horizontale ce que l’on voit à travers une fente ou superposer la même prise par la fenêtre des différentes chambres vides d’un complexe immobilier inachevé, à Prora, à la pointe Nord-Est de l’Allemagne, pour montrer qu’elles offrent toutes le même point de vue sinistre.
Selon les œuvres, leur prix oscille lui aussi du jour à la nuit et passer de 9 500 euros pour Blow-up par exemple (tirage à trois exemplaires) à 35 000 euros pour The Prora project, une pièce unique. Pas donné, certes, mais Gábor Ösz produit peu, ses œuvres demandent un temps de repérage et de réalisation très long, puisqu’elles l’amènent à intervenir directement sur les lieux ou à transformer une architecture en immense chambre noire (un immeuble de plusieurs étages peut ainsi devenir son appareil photo). En outre, il a enrichi sa biographie d’une rétrospective de toute son œuvre photographique et cinématographique l’année dernière au Ludwig Museum of Contemporary art de Budapest, d’une exposition qui vient de se terminer au Stedelijk Museum d’Amsterdam et va en commencer une autre au Mudam à Luxembourg (du 7 mars au 31 mai). Il est également présent dans de nombreuses collections, notamment celle de la Fondation Louis Vuitton.

Gabor Ösz

Nombre d’œuvres : 6 dont 2 diptyques
Prix : entre 9 500 et 35 000 €

Gábor Ösz, What do pictures want ?

jusqu’au 28 mars, Galerie Loevenbruck, 6 rue Jacques Callot, 75006 Paris, tél. 01 53 10 85 68, www.loevenbruck.com, mardi-samedi 11h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°430 du 27 février 2015, avec le titre suivant : Gábor Ösz, le magicien

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