Costumes

Les coulisses de l’Opéra-Comique

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · Le Journal des Arts

Le 24 février 2015 - 661 mots

Une centaine de costumes féminins racontent l’univers savoureux de l’Opéra-Comique, dont le tricentenaire est célébré par le Centre national du costume de scène de Moulins.

MOULINS - Elles ont pour nom Giulietta, Manon, Mignon, Ciboulette, Carmen, Lakmé ou Mélisande ; elles sont bergères, princesses, soubrettes, sultanes ou bohémiennes… Qu’elles soient espagnoles ou orientales, aristocrates ou petites paysannes, elles ont chaviré les cœurs, déclenché des éclats de rire ou des torrents de larmes. Parées de bijoux de pacotille ou de somptueux kimonos de soie, elles sont les héroïnes qui, depuis trois siècles, font se pâmer d’émotion les aficionados de l’Opéra-Comique. Ouverte au public en 1715, cette vénérable institution se prend pourtant bien moins au sérieux que l’Opéra de Paris ou la Comédie-Française, ses deux prestigieuses aînées. Sans doute cela tient-il à ses origines, plus gouailleuses, plus libertines, plus populaires aussi… Absorbant avec brio le double héritage de Molière et de la comedia dell’arte, ce genre né dans les foires parisiennes va réconcilier, dans un savant dosage, la mythologie, la critique sociétale et le burlesque.

Pour raconter l’histoire de cette épopée chatoyante, il fallait donc une bonne dose de légèreté, d’humour et d’érudition. Trois qualités réunies dans l’exposition que présente le Centre national du costume de scène (CNCS), à Moulins, dans l’Allier. Sous la houlette d’Agnès Terrier, la commissaire scientifique, et de Macha Makeïeff, la scénographe, une centaine de costumes fait revivre les folles heures de ce répertoire nimbé de poésie. « Je souhaitais que l’exposition s’adresse à tout le monde, au petit garçon de 8 ans comme au passionné d’opéra de 80 ans », résume ainsi Macha Makeïeff qui a composé des tableaux scéniques centrés les grandes figures féminines de l’Opéra-Comique. Point de hasard lorsque l’on sait combien ce genre penche naturellement du côté du sentimental et du familier.

Lieu d’expériences scéniques
On aurait tort, cependant, de résumer l’Opéra-Comique à un aimable théâtre chanté, peuplé de personnages pittoresques et chamarrés. Véritable laboratoire pour créer, l’institution s’est montrée, en bien des points, avant-gardiste. Et Agnès Terrier de rappeler, que Jean-Philippe Rameau y a fait ses premières armes ! L’exposition rend par ailleurs hommage à l’une de ses plus grandes stars, la comédienne Justine Favart. Née en 1727 à Avignon de parents musiciens, cette enfant de la balle qui épousa le grand dramaturge Charles-Simon Favart devait révolutionner en profondeur l’art du costume et de l’interprétation. « Avant, elle, les actrices qui représentaient des soubrettes, des paysannes, paraissaient avec de grands paniers, la tête surchargée de diamants, et gantée jusqu’au coude ; dans Bastien et Bastienne, elle mit un habit de laine, tel que les villageoises le portent ; une chevelure plate, une simple croix d’or, les bras nus et des sabots », écrira Charles-Simon Favart dans ses Mémoires pour vanter les innovations et les qualités de jeu de son épouse.

Moins corseté que la Comédie-Française ou l’Opéra de Paris, l’institution va devenir au fil des siècles une sorte d’antichambre pour de nombreux créateurs, trop heureux de pouvoir expérimenter leurs astuces avec davantage de liberté. « À l’Opéra-Comique, on est toujours dans une sorte d’artisanat qui procure un intense sentiment d’audace et de légèreté », résume ainsi Agnès Terrier. Soulignant les sources d’inspiration (l’histoire nationale, le conte et le merveilleux, l’orientalisme et l’exotisme, la satire sociale…), l’exposition n’en oublie pas pour autant les coulisses et les péripéties, heureuses ou malheureuses, traversées par l’institution. Interprétée de façon savoureuse par Jérôme Deschamps – le directeur de l’Opéra-Comique en personne –, une irascible spectatrice se remémore ainsi le terrible incendie qui ravagea le bâtiment en 1887.

Une reconstitution du Central Costumes de la salle Favart – où l’on crée et restaure ces habits de lumière – invite enfin le visiteur à pénétrer de l’autre côté du miroir. Soit un envers du décor tout aussi fascinant…

L’Opéra Comique

Commissariat : Agnès Terrier, dramaturge et conseillère artistique de l’Opéra-Comique, Delphine Pinasa, directrice du CNCS
Scénographie : Macha Makeïeff, directrice du théâtre de la Criée, à Marseille
Nombre de costumes : une centaine

L’Opéra-Comique et ses trésors

Jusqu’au 25 mai, Centre national du costume de scène, Quartier Villars, Route de Montilly, 03000 Moulins, tél. 04 70 20 76 20, www.cncs.fr. Ouvert tlj 10h-18h, entrée 6 €. Catalogue sous la direction d’Agnès Terrier, Fage Éditions, 192 pages, 29 €.

Légendes photos
Costume de Pelléas dans Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, Opéra Comique, 1952. © Photo : CNCS/Pascal François.
Costume pour le rôle de Momus dans Platée, comédie lyrique de Rameau, costumes et décors de Beni Montresor, Opéra Comique, 1977. © Photo : CNCS/Pascal François.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°430 du 27 février 2015, avec le titre suivant : Les coulisses de l’Opéra-Comique

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