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La naissance laborieuse du Musée Camille Claudel

Le futur Musée de Nogent-sur-Seine dédié à la sculptrice ouvrira à l’automne. Le partenariat public-privé dans les petites collectivités territoriales a montré ici ses limites

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 24 février 2015 - 738 mots

NOGENT-SUR-SEINE / AUBE

Né de l’opportunité d’acquérir l’importante collection de la petite-nièce de l’artiste en 2008, le Musée Camille Claudel à Nogent-sur-Marne ouvrira ses portes à l’automne prochain. L’inauguration du bâtiment conçu par Adelfo Scaranello aura cependant un goût amer, tant le projet aura souffert des tensions nées du partenariat entre la Ville et une société privée.

Cela n’aura pas échappé aux visiteurs de l’exposition « Camille Claudel » qui vient de fermer ses portes au Musée de la Piscine à Roubaix : une vingtaine des œuvres exposées était issue du fonds du futur Musée Camille Claudel qui doit ouvrir ses portes à Nogent-sur-Seine à l’automne de cette année.

Volonté politique de l’ancien maire (DVD) Gérard Ancelin dès 2004, ce musée qui prend place dans l’ancienne maison de la famille Claudel, réhabilitée et étendue pour l’occasion, a subi plusieurs aléas. Le projet est né de l’opportunité d’acquérir en 2008 la collection de Reine-Marie Paris, petite-nièce de l’artiste : voilà alors la municipalité de cette petite ville de 6 000 habitants à la tête de la plus grande collection de l’artiste, soit 70 sculptures et 7 lettres et photographies, pour près de 13,5 millions d’euros, un montant inférieur aux prix du marché. Parallèlement, Nogent acquiert le marbre monumental de Persée et la Gorgone grâce notamment à un important mécénat d’entreprise pour un montant de 950 000 euros. L’objectif clairement affiché est de faire de Nogent-sur-Seine, ville plus connue pour sa centrale nucléaire, l’équivalent d’Ornans pour Courbet ou Giverny pour Monet. Et qu’importe si la maison familiale n’a accueilli les Claudel que pendant trois ans seulement.
En 2012, le projet architectural est dévoilé : un « musée îlot » prenant emprise sur la maison des Claudel, conçu par l’architecte Adelfo Scaranello, comportant 1 400 m2 de salles d’expositions temporaires destinées à exposer quelque 280 œuvres. Si Camille est à l’honneur, le noyau historique de la collection du musée tourne autour de la sculpture IIIe République, longtemps décriée par la critique. Figures tutélaires de Nogent, Paul Dubois et Alfred Boucher furent les sculpteurs emblématiques de la commande publique de la fin du XIXe. Si le projet en lui-même remporte l’adhésion, c’est le montage financier qui crée la polémique.

Dépassements de budget
En effet, le chantier est présenté comme le premier projet de partenariat public-privé pour la construction d’un musée en France. À l’époque, ce type de financement a le vent en poupe : pour un budget de 11,5 millions d’euros, la société canadienne SNC Lavalin est choisie pour une concession de 25 ans, en contrepartie la ville verse un loyer durant cette période. Le montage fait grincer des dents encore aujourd’hui : la nouvelle municipalité, élue au printemps 2014, a récupéré un dossier où les surcoûts se sont amoncelés. Pour Hugues Fadin, nouveau maire DVD, il s’agit d’assainir une ardoise de près d’1 million euros : « Nous sommes amers », une manière de dire que le partenariat n’était pas la meilleure solution pour un projet muséographique qui comporte nécessairement des fluctuations et des allers-retours entre les différents services, un dialogue continu entre maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage. Épinglé par la Cour des comptes dans son Rapport public annuel de 2015, le nouveau maire se défend : « La Ville de Nogent-sur-Seine s’est trouvée, sur ce volet muséographique, confrontée en cours de réalisation à des modifications, et donc à un surcoût d’opération. Une procédure plus classique de marchés publics avec allotissement m’aurait semblé plus maîtrisable pour la collectivité, du fait notamment de détenteurs de lots identifiables. »

La municipalité a trouvé un arrangement à l’automne avec l’entreprise privée, sur un surcoût de plus de 500 000 euros. Reste que le chantier a pris du retard, notamment dû à des fouilles archéologiques plus importantes que prévue. Le calendrier, qui prévoyait une ouverture au printemps 2014, a été repoussé à l’automne 2015. La restauration des plâtres monumentaux est en cours, et certains des tirages demandent un dépoussiérage in situ après livraison du bâtiment, ce qui a également rallongé les délais d’ouverture.

Une bonne nouvelle est cependant arrivée en décembre : Reine-Marie Paris, l’élément déclencheur du projet du musée, a été relaxée dans le procès des contrefaçons des tirages de Camille, un dossier ouvert depuis quinze ans qui réapparaît tel un serpent de mer. Cette décision judiciaire, qui risquait de jeter le discrédit public sur la collection nogentaise, a été accueillie avec un soupir de soulagement, même si aucune œuvre du futur musée n’était concernée dans l’affaire.

Légende photo

Projet du musée Claudel, à Nogent-sur-Seine. © Adelfo Scaranello architecte.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°430 du 27 février 2015, avec le titre suivant : La naissance laborieuse du Musée Camille Claudel

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