MuCEM

Le ministère de la Culture épingle la Cour des comptes

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 24 février 2015 - 847 mots

Le ministère a vivement réagi aux critiques des magistrats sur le MuCEM. Les réponses sont pertinentes mais les non-dits sont révélateurs.

Après une pause en 2014, la Cour des comptes a de nouveau braqué en 2015 ses projecteurs sur la culture dans les annexes thématiques qui accompagnent son rapport public annuel sur les finances et politiques publiques. Volontiers critique, toujours soucieuse de pointer les dérives budgétaires, la cour s’est intéressée cette année à la société « Château de Versailles Spectacles » et au MuCEM.
Autant elle est (relativement) positive à l’égard de la société commerciale filiale de l’établissement public du château de Versailles qui gère les spectacles, titrant « des progrès à consolider » (les magistrats de la rue Cambon sont rarement franchement enthousiastes), autant elle est critique à l’égard du MuCEM : « une gestation laborieuse, un avenir incertain ». Le ministère de la Culture n’a pas vraiment apprécié les commentaires – et surtout les titres choisis – et a longuement argumenté ses réponses, contrairement à Bercy qui « partage très largement les constats et souscrit à l’ensemble des recommandations ». Le ministère des Finances est un allié objectif de la Cour des comptes quand celle-ci fustige les ministères dépensiers. La Rue de Valois a beau jeu de renvoyer les rapporteurs à leur commentaire élogieux sur la fréquentation (3,5 millions de visiteurs en un an, dont 1,2 dans les galeries d’exposition). Il est vrai que le public vient en majorité pour admirer le bâtiment de Rudy Ricciotti, se promener au fort Saint-Jean et déjeuner ou prendre un verre sur la terrasse qui offre un point de vue superbe sur la région. La Cour des comptes aurait d’ailleurs pu relever que, grâce à l’externalisation d’une partie du personnel d’accueil et de surveillance, le MuCEM était ouvert le 1er janvier !

Lorsque le rapport s’aventure sur le terrain du projet scientifique (PSC) « mouvant » et fait remarquer l’inadéquation entre les collections essentiellement françaises et la visée européenne et méditerranéenne du musée, le ministère de la Culture rappelle « que cela ne relève pas du bon emploi des fonds publics », mais défend malgré tout le PSC actuel approuvé en 2012. Curieusement, la Rue de Valois fait l’impasse sur la critique du rapport concernant la faible visibilité de l’héritage du Musée national des arts et traditions populaires (MNATP), alors que le tableau produit par la cour sur la part des objets provenant du MuCEM dans les expositions est plutôt à l’honneur du musée : environ 50 % pour les expositions de la galerie de la Méditerranée, comme le pointe Jean-François Chougnet, le président du MuCEM qui a tenu à répondre personnellement.

Le ministère se fâche tout rouge, quand les magistrats additionnent frais de fonctionnement et investissements ou les coûts de délocalisation du département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines pour « afficher » un montant total de l’opération impressionnant de 350 M€. Il explique avec pertinence que la « forte » ( 25 % entre 2009 et 2013) dérive des coûts des travaux, s’explique surtout par un changement de programme dans l’intérêt du public, par exemple la création d’un jardin. L’OPPIC, l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture, annonce même un scoop dans sa réponse : le coût final de la construction ne sera pas de 160 M€ comme prévu en 2010 mais de 156 M€.

La poussière sous le tapis
Les magistrats reprennent cependant l’avantage sur divers points où on sent bien l’embarras du ministère. Par exemple sur le recours au partenariat public-privé (PPP) pour la construction et l’exploitation des réserves « qui serait sans doute écarté aujourd’hui ». Ou encore sur le maintien dans les lieux de l’ancien site des arts et traditions populaires d’une centaine d’agents entre 2005 – lorsque le MNATP est définitivement fermé – et 2011 – alors que «  l’activité était des plus réduites ». Plus préoccupante est la conjonction notée par les rapporteurs entre des coûts de fonctionnement mal appréhendés (en clair qui pourraient augmenter plus vite que prévu) et des ressources propres encore insuffisantes annonçant « un avenir incertain ». Dans sa réponse, le ministère botte en touche tandis que Jean-François Chougnet se montre tout à la fois plus optimiste sur les recettes de la billetterie pointant un taux de retour des visiteurs locaux de 40 % et une augmentation constante du nombre des privatisations, mais ne cache pas son inquiétude sur un dérapage éventuel des charges de maintenance.

Au fond ce rapport signale surtout qu’en l’absence d’une volonté politique forte au plus haut niveau (Le Louvre de François Mitterrand ou le Quai Branly de Jacques Chirac), les tergiversations entraînent des dépenses rétrospectivement inutiles comme ce fut le cas de la longue gestation du MuCEM entre 2000 et 2013. Il aura fallu la candidature de Marseille en tant que capitale culturelle pour que les choses s’accélèrent. Mais il révèle également la dilution de la responsabilité publique. Par crainte des remous, ministres et hauts fonctionnaires de passage préfèrent laisser les choses en l’état et mettre la poussière sous le tapis, comme en témoigne l’incertitude coûteuse du bâtiment des ATP.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°430 du 27 février 2015, avec le titre suivant : Le ministère de la Culture épingle la Cour des comptes

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