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Entre les idéaux de l’Afrique du Sud et sa réalité

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 27 janvier 2015 - 488 mots

À la Fondation Henri Cartier-Bresson, Pieter Hugo propose une réflexion sur la complexité de l’identité sud-africaine postapartheid.

PARIS - « Kin » ou l’intime en français, mais aussi la famille, le parent, le proche. Quatre traductions possibles pour une série, la dernière de Pieter Hugo réalisée pendant ses huit dernières années, où le photographe sud-africain explore au travers du portrait, du nu, de la nature morte et du paysage son rapport à sa terre natale. Le résultat, pour la première fois montré en France dans sa quasi totalité (40 tirages sur 62 que compte la série au total dans le livre édité par Aperture), ramène à un ensemble de regards, de situations qui n’ont en commun que l’appartenance à la même terre synonyme d’une histoire nationale marquée par l’apartheid.

« En Afrique du Sud, la lutte des classes est indissociable des luttes interraciales », rappelle Pieter Hugo né en 1976 à Johannesburg. Pas une de ses photographies n’oublie de l’évoquer, y compris dans l’accrochage d’Agnès Sire qui accentue la mise en tension des écarts des conditions sociales. Les natures mortes en particulier – genre que le photographe aborde pour la première fois –, comme le nu,  avec l’ambition de le réexplorer. Pommes de terre dans un carton éventré posé au sol, dans une pièce dénudée aux murs bruns, ou fleurs dans un vase posé sur un guéridon en forme de cœur devant un mur blanc : son propos trouve dans les intérieurs le détail, l’objet révélateur de l’identité sociale de ses occupants.

Exploration intime d’un pays
Les photographies de ses proches, de sa femme nue enceinte de leur deuxième enfant à sa grand-mère allongée sur son lit, portent tout aussi puissamment cet autre aspect de l’intime né de liens du sang et de sentiments. Le lit ou l’absence de lit pour le sans-abri endormi à même le sol, la peau des corps dénudés ou l’état du vêtement sont d’autres territoires chargés de sens qui racontent beaucoup de la situation de chaque personne photographiée. Les portraits d’hommes, de femmes, de couples liés à une ville ou à un lieu historiquement importants dans l’histoire de l’Afrique du Sud ou dans l’histoire de sa propre famille, s’inscrivent dans cette même logique ; notamment le portrait de sa nourrice qu’il a retrouvée et dont le regard qui fuit l’objectif, le seul dans tous ceux présentés, le ramène à la séparation, à l’oubli, à son dénuement et à sa propre culpabilité.

Dans sa recherche de l’image symbole, synthèse à elle seule d’un état, Pieter Hugo excelle dans la puissance et la justesse, tout autant que dans l’utilisation magistrale et fine de la couleur, dont les teintes de chaque image, du brun commun aux townships [ndlr, les ghettos noirs] au blanc et couleurs vives des autres habitats, ramène au fossé toujours aussi important entre pauvres et riches dans la société sud-africaine.

Kin

Commissaire : Agnès Sire, directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson Nombre d’œuvres : 40

Pieter Hugo. Kin, jusqu’au 26 avril 2015, Fondation Henri Cartier-Bresson, 2 impasse Lebouis, 75014 Paris ; mardi-dimanche 13h-18h30, samedi 11h-18h45, entré 7€, nocturne gratuite mercredi 18h30 à 20h30, www.henricartierbresson.org, ouvrage « Kin, Pieter Hugo, » édition Aperture, 164 pages, 60 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°428 du 30 janvier 2015, avec le titre suivant : Entre les idéaux de l’Afrique du Sud et sa réalité

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