XVIIIe

Le Musée Cognacq-Jay revisité par Christian Lacroix

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 27 janvier 2015 - 609 mots

PARIS

Invité à repenser le parcours permanent de l’hôtel particulier du Marais, le couturier fait dialoguer une quarantaine d’œuvres contemporaines avec la collection du musée.

PARIS - Le Musée Cognacq-Jay fondé en 1929 à la demande d’Ernest Cognacq (1839-1928), créateur de la Samaritaine, a rouvert ses portes sous un jour nouveau. Le couturier Christian Lacroix s’est vu confier une carte blanche pour repenser les espaces permanents de l’hôtel Donon dans le quartier du Marais que, rappelons-le, le couple Cognacq-Jay n’a jamais occupé – cet hôtel particulier datant du XVIe siècle a été rénové dans la seconde moitié des années 1980 et accueille depuis 1990 la collection qu’Ernest Cognacq et Marie-Louise Jaÿ. Dans ce cadre reconstitué d’une demeure typique du XVIIIe siècle qu’affectionnaient particulièrement les époux, le couturier devenu costumier et décorateur a apporté la touche néobaroque et colorée qui a fait son succès. Son intervention s’étend pour ainsi dire, du sol au plafond, avec des moquettes et des voilages reproduisant tantôt des extraits de tableaux, de mappemondes ou en trompe-l’œil en imitant un carrelage noir et blanc, mais également avec une large sélection de ses propres créations pour la scène. En attendant que l’intégralité des pièces de la collection, notamment le mobilier et les tapisseries, soit restaurée, Christian Lacroix a profité de cette carte blanche pour souligner l’attrait de certains artistes contemporains pour l’esthétique du siècle des Lumières et inscrire leurs œuvres dans le parcours. Une douzaine de thèmes ont été retenus pour raconter le siècle et dégager les lignes de forces de l’ensemble de tableaux, dessins, sculptures, arts décoratifs et mobiliers rassemblés par le couple Cognac-Jay.

L’esprit des Lumières perdure
Les spectacles et les bals, les exotismes, l’émergence du portrait psychologique ou encore la lame de fond du modèle antique sont autant d’occasions d’admirer à nouveau les subtiles feuilles d’Antoine Watteau (Jeune femme et Mezzetin, V. 1716) et le splendide autoportrait au pastel de Maurice Quentin de La Tour, comme de découvrir le cliché esthétisant d’Olivier Roller qui confère au buste antique Lucius Verus (2008) du Musée de Louvre une dimension aussi grave que mystérieuse. À rebours du regard assez froid posé par Jean Nouvel dans la très belle exposition « Aux origines du design » au château de Versailles sur la naissance de l’ébénisterie comme un art à part entière au XVIIIe siècle, Christian Lacroix a pris le parti de la délectation lorsqu’il met en regard des paires de chaussures de Manolo Blahnik et de délicats chaussons en soie dignes de Cendrillon ou qu’il plante une Barbie « spécial anniversaire », vêtue de fanfreluches, non loin d’un ravissant portrait d’une petite fille en robe blanche par François-Hubert Drouais. Loin de ces clins d’œil à la mode, certains choix éveillent particulièrement l’intérêt, comme cette juxtaposition entre une nature morte de Jean-Baptiste Chardin et le Pudding photographié par Jean-Louis Bloch-Laîné, ou L’Arlequin à la charrette vu par Lucien Clergue présenté auprès d’un costume de Colombine prêté par le Musée Galleria – le réseau des musées de la Ville de Paris a été largement mis à contribution. Si les racines esthétiques des œuvres contemporaines sont mises en avant, l’esprit des Lumières est également présent,  de manière certes détournée. Ainsi la plupart des créations signées Christian Lacroix proviennent ici du cortège de costumes réalisé pour Adriana Lecouvreur (1902) de Francesco Cilea, pour la mise en scène à l’Opéra de Francfort en 2012. L’histoire vraie de l’actrice de la Comédie française morte, dit-on empoisonnée, en 1730 avait ému Voltaire qui s’était insurgé de la voir enterrée dans la fosse commune, comme le voulait l’usage pour les comédiens.

Lumières

Commissaires : Christian Lacroix, couturier ; Rose-Marie Mousseaux, conservateur du patrimoine et directrice du musée

Lumières, carte blanche À Christian Lacroix, jusqu’au 19 avril, Musée Cognacq-Jay, Musée du XVIIIe siècle de la Ville de Paris, 8, rue Elzévir, 75003 Paris, tél. 01 40 27 07 21, www.museecognacqjay.paris.fr, tlj sauf lundi et jours fériés 10h-18h, entrée 8 €.

Légende photo
Vue de l’exposition « Lumières : Carte Blanche à Christian Lacroix », au Musée Cognacq-Jay, Paris. © Photo : Olivier Amsellem/Paris Musées.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°428 du 30 janvier 2015, avec le titre suivant : Le Musée Cognacq-Jay revisité par Christian Lacroix

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