Israël - Musée

Les musées israéliens misent sur la création

En Israël, les musées reflètent le poids de l’histoire

Mis à part deux musées d’art ancien, les nouveaux lieux sont surtout tournés vers la création contemporaine en réponse à une offre bouillonnante. Tous partagent des contraintes budgétaires, malgré un mécénat actif

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 27 janvier 2015 - 1262 mots

De création récente, l’État d’Israël compte peu de collections d'art ancien en raison de son histoire politique et religieuse. Aussi les nouveaux lieux se multiplient pour conserver et exposer la création contemporaine. Si Tel Aviv et sa périphérie concentrent un grand nombre de musées, de centres d’art et de galeries, Jérusalem ne veut pas se laisser distancer.

Une publicité passe et repasse sur les ondes des radios israéliennes. Les visiteurs de Tel-Aviv sont invités à profiter des spectacles de théâtre et de danse, des concerts et des nombreuses manifestations d’art contemporain. À la différence de l’Europe où, le plus souvent, ce sont les musées classiques qui sont mis en vedette (le Louvre à Paris, la galerie des Uffizi à Florence, la National Gallery à Londres), l’offre se limite en Israël à l’art plus récent. Plus précisément, les touristes peuvent faire le grand écart entre les très importants vestiges archéologiques qui font la fierté de ce pays et une création contemporaine en plein essor.

Certes, le Musée de Tel-Aviv et le Musée d’Israël à Jérusalem présentent des collections limitées (mais bien mises en valeur) de l’art classique, basées essentiellement sur des donations. Ailleurs, toutefois, les différents lieux artistiques qui ont pris de l’ampleur pendant les deux dernières décennies un peu partout en Israël, n’ont pas les moyens de s’offrir des œuvres anciennes. Cette absence n’est pas due uniquement aux problèmes économiques. Outre la jeunesse de l’État hébreu et le contexte politique qui submerge tout, il s’agit également de l’importance réduite accordée aux arts visuels dans la tradition juive. Avant tout de sensiblité livresque, longtemps imprégnée par l’interdit biblique de la représentation, ce n’est qu’à l’aube du XXe siècle que la culture de l’image fait sa timide apparition. L’art israélien, importé par les pionniers, resta lié par son essence même à l’École de Paris, aux artistes juifs de l’Europe de l’Est. Il fallut ainsi attendre les années 1970 pour que les artistes en Israël commencent à se libérer d’un sentiment de provincialisme, typique des pays éloignés des centres consacrés (essentiellement New York).

C’est aussi le moment où de nombreux artistes ont franchi les frontières pour s’installer ailleurs. Cette attitude n’a pas quitté les créateurs israéliens dont la caractéristique principale demeure une mobilité extrême, voire frénétique. Le Juif errant est devenu l’artiste migrant qui va d’une résidence à autre, quand il ne surfe pas sur le net. Indiscutablement, c’est Berlin qui est devenu la nouvelle Mecque. En témoigne d’ailleurs l’exposition récente au Musée d’art contemporain d’Herzliya, « Back to Berlin », à partir des travaux réalisés dans cette ville par des artistes israéliens.

Surtout à Tel Aviv
Le Musée de Herzliya fait partie d’une série de lieux d’exposition qui ont accru leur activité dans les deux dernières décennies. Il le fallait, pour satisfaire, au moins partiellement, les besoins de la quantité presque disproportionnée des artistes au kilomètre carré dans ce pays. Si en France on connaît surtout les cinéastes qui se sont multipliés depuis quelques années (le succès retentissant de Valse avec Bachir qui traite, et ce n’est pas un hasard, les traumas de la guerre du Liban, en est l’emblème), des plasticiens émergent également sur la scène internationale (Michal Rovner, Yaël Bartana, Sigalit Landau…). 

Sans doute, la place centrale qu’occupe Tel-Aviv dans la vie culturelle en Israël fait que s’y trouve la concentration la plus dense des lieux artistiques. Le moteur reste le Musée de Tel-Aviv, récemment agrandi, et qui organise une trentaine d’expositions tous les ans. Plus particulièrement, c’est le Pavillon d’art moderne de Helena Rubinstein, à l’écart du bâtiment principal, qui se charge d’importantes expositions d’art actuel (récemment, l’installation d’Anri Sala, qui fut montrée à la Biennale de Venise). Mais, c’est aussi dans la périphérie de Tel-Aviv qu’on trouve des musées souvent à la pointe de la création (le dernier en date, le Musée du design à Holon, conçu par le célèbre Ron Arad). Leur budget, limité, est financé essentiellement par la municipalité.

Toutefois, l’État participe également au financement selon des critères de qualité. Une des conditions obligatoires afin d’être reconnus en tant que musée est de posséder, comme il se doit, une collection. Ainsi, le Musée de Bat-Yam (MOBY) qui organise essentiellement des expositions temporaires, n’a pas encore obtenu son label officiel. En réalité, Bat-Yam mais aussi Petach-Tikva ou encore Ashdod, une ville côtière en plein développement, ne possèdent que de maigres collections. Pas très surprenant, quand on regarde de près leur budget. Ainsi, la nouvelle et très appréciée directrice de Musée de Herzliya, Aya Lourie, s’estime heureuse quand elle arrive à payer pour les catalogues de ses manifestations avec un budget annuel total de 500 000 €. De nouvelles acquisitions ne sont même pas envisageables. Un exemple parmi d’autres, le Musée de Ramat-Gan a acheté en 2013 une œuvre pour la somme mirobolante de 1 200 euros (par chance, les travaux d’artistes locaux valent à peu près le tiers des prix européens).

Des centres d’art dans les kibboutz
Tous les musées ne sont pas logés à la même enseigne ; les plus connus sont aidés par un système de mécénat très développé. Ainsi, au Musée de Jérusalem, les contributions des mécènes et des amis du musée, atteignent le triple de la somme attribué par l’État (budget global pour 2013, 25 millions d’euros). Selon Shlomit Nemlich, la conseillère des musées auprès du ministre de la Culture, la part de la subvention publique représente en moyenne le tiers des finances muséales. Subvention attribuée également aux lieux qu’on ne trouve qu’en Israël : les galeries-musées situés dans des kibboutz. Si le plus ancien (1938), le Mishkan LéOmanout (Foyer de L’Art) à Ein-Harod est devenu une institution grâce à l’importante collection qu’il possède, depuis d’autres endroits se sont ouverts. Le plus souvent, il s’agit d’ateliers d’artistes connus qui furent membres de ce kibboutz (le sculpteur Yehiel Shemi à Cabri, le peintre Moshe Kupperman à Lohamei Hagetaot…). On y expose leurs œuvres ainsi que celles d’autres artistes locaux. Quelques lieux privés existent également. Le plus connu demeure le Parc de Tefen (appartenant à l’industriel Stef Wertheimer) qui se trouve en Galilée et où sont présentés exclusivement des artistes israéliens.

En 2010, s’est ouvert à Tel-Aviv le Shpilman Institut pour la photographie. Très ambitieux au départ, il a depuis ralenti ses activités. Si la plupart des galeries sont à Tel Aviv, d’autres villes comme Jérusalem suivent la marche.

Cependant, malgré toutes ces nouvelles opportunités, il est impossible de donner une visibilité adéquate à la création plastique débordante de vivacité. Aucune explication rationnelle à ce bouillonnement. Réaction au sentiment d’enfermement et de suffocation, besoin de réagir au conflit avec les voisins arabes ou au contraire, la nécessité de montrer que malgré le contexte, on a le droit de se préoccuper des questions plus intimes ou plus triviales ? Comme l’affirme l’écrivain David Grossman « j’aime penser que les moments importants de l’histoire ne se produisent pas sur les champs de bataille ou dans les palais, mais dans les cuisines ou les chambres d’enfants ».

La vidéo, un art florissant
Paradoxalement, les artistes israéliens bénéficient de façon inattendue de la tension dans leur région. De plus en plus, les prêts sont refusés, le risque étant considéré comme important. Interrogée à ce sujet, une des galeristes les plus établies du pays, Nurit Wolf (galerie Givon), remarque perfidement « Tant mieux, cela oblige les musées à exposer des artistes israéliens ». Quoi qu’il en soit, on constate l’importance grandissante des expositions composées à partir des photographies et des vidéos, moins coûteuses et où le problème des prêts ne se pose pas (accesoirement, ce sont les disciplines en vogue en Israël).

Légende photo

Le musée du design, à Holon en Israël. Archtitecte : Ron Arad © Photo S. Haitner

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°428 du 30 janvier 2015, avec le titre suivant : En Israël, les musées reflètent le poids de l’histoire

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