Peinture

Le spectral selon Claire Tabouret

Par Pauline Vidal · Le Journal des Arts

Le 13 janvier 2015 - 576 mots

Pour sa première exposition à la galerie Bugada & Cargnel, l’artiste poursuit ses interrogations existentielles à travers de troublants portraits de groupes de jeunes filles.

PARIS - Il y a quelque chose de vénéneux dans la peinture de Claire Tabouret. Quelque chose qui captive et happe le regard. Diplômée de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 2006, cette jeune artiste française de 32 ans produit une peinture où la mélancolie le dispute à l’étrangeté. Ses personnages sont comme des revenants qui viennent nous hanter. Les neuf grands formats (230 x 330 cm) qu’elle présente actuellement à la galerie Bugada & Cargnel, à Paris, où elle expose pour la première fois, n’échappent pas à la règle.

Poursuivant ses portraits de groupe qui lui permettent de poser la question du destin et de la liberté de chacun au sein du collectif, elle s’est inspirée cette fois de photographies de bals de débutantes glanées sur Internet. Ce rituel social auquel s’adonnent les jeunes filles de bonne famille est l’occasion pour l’artiste de peindre des groupes de jeunes filles emprisonnées dans des robes qui semblent n’en former qu’une. Les séries « La Camisole » ou « Les Sorcières » ont inauguré cette étrange manière de relier des êtres les uns aux autres par du tissu ou des cheveux. Mais cette fois, point de fillettes ni de garçonnets mais des jeunes filles sur le point de passer dans le monde adulte. Tandis qu’elles paraissent englouties dans une mer de tissu, leur visage résiste. Une menace plane, sans que l’on sache très bien si elle provient des robes-camisoles ou des regards qui nous fixent.
Le traitement de la lumière participe grandement du caractère inquiétant et mystérieux de ces scènes. Posée par strates successives, à partir d’une première couche fluorescente qui est progressivement assombrie, l’acrylique permet de créer une atmosphère nocturne et aqueuse, comme durant ces heures d’hiver entre chien et loup où tout semble pouvoir arriver. On pourrait déceler dans cette manière de produire des visions, et non des images de la réalité, une filiation avec un certain romantisme noir.

Claire Tabouret fait partie des jeunes valeurs montantes. Repérée en 2013 par François Pinault à la galerie Isabelle Gounod (qui la représentait depuis 2009), elle est l’une des dernières à avoir intégré sa collection. Elle a d’ailleurs occupé une place de choix dans l’exposition « The Illusion of Light », qui vient de s’achever au Palazzo Grassi de Venise. Dès le mois de juillet 2014, elle quittait sa première galeriste pour faire son entrée chez Budaga & Cargnel qui l’a présentée cet automne à la Fiac (Foire internationale d’art contemporain) et qui devrait lui permettre de gagner en visibilité internationale. Les nouvelles toiles qu’elle y expose, proposées chacune à 36 000 euros, ont toutes été vendues à des collectionneurs de renom, tels, outre François Pinault, Laurent Dumas, Ernesto Esposito et Susan et Michael Hort. La reconnaissance par ces collectionneurs prescripteurs (notons également sa présence dans la collection d’Agnès b ou de Claudine et Jean-Marc Salomon) constitue un atout majeur. De même, sa productivité lui procure une importante force de diffusion sur le marché. Mais ces atouts peuvent aussi représenter un danger pour une si jeune artiste, qui souhaite continuer à déployer librement ses ailes. Est-ce l’une des raisons pour lesquelles elle a décidé de s’installer à Los Angeles dès le début de cette année ?

Claire Tabouret

Nombre d’œuvres : 9
Prix : 36 000 € pièce
Artindex 2014 : 802e

Claire Tabouret, Les Débutantes

Jusqu’au 7 février, galerie Bugada & Cargnel, 7-9, rue de l’Équerre, 75019 Paris, du mardi au samedi, 14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°427 du 16 janvier 2015, avec le titre suivant : Le spectral selon Claire Tabouret

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