Art non occidental

Arts premiers

Un marché sain et exigeant

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 31 décembre 2014 - 833 mots

Les ventes parisiennes d’art tribal de décembre ne récompensent que les œuvres de grande qualité, nouvelles sur le marché et d’origine prestigieuse.

PARIS - Le marché sanctionne très vite une pièce qui ne réunit pas les critères de sélection. Ce fait, incontestable, a bénéficié à Sotheby’s, qui a récolté 12 millions d’euros (1), doublant son estimation haute fixée à 5,2 millions d’euros et ce grâce à trois enchères millionnaires totalisant à elles seules près de 7 millions d’euros.

La première partie, consacrée à la collection Alexis Bonew sur les arts du Congo a rapporté 6,2 millions d’euros, bien au-delà de son estimation de 1,2 à 1,7 million d’euros. La quasi-totalité des lots a trouvé preneur (deux invendus sur trente-quatre), dépassant presque tous leurs estimations hautes. Parmi les lots phares, un masque muminia Lega, inédit, a remporté la plus haute enchère, soit 3,5 millions d’euros, pulvérisant son estimation de 200 000 à 300 000 euros. Ce prix a été atteint à l’issue d’un match entre huit enchérisseurs par téléphone, contre Bernard Dulon, très déçu, qui est pourtant monté jusqu’à 3 millions. Il s’agit du deuxième prix le plus élevé de l’histoire pour un masque africain (le record étant toujours détenu par le masque Fang de la collection Vérité, 5,9 millions d’euros en 2006), mais c’est un record mondial pour un masque du Congo qui détrône le précédent : également un masque Lega, vendu 2,4 millions d’euros en 2005 par l’OVV Fraysse. « Jamais je n’aurai imaginé que ce masque puisse atteindre un tel prix. Je pensais qu’il ferait 1 million tout au plus », s’étonnait Didier Claes, marchand bruxellois. Collecté par l’administrateur colonial Raymond Hombert en 1927, il avait été acquis en 1970 par Alexis Bonew. « Le marché a rendu hommage à la qualité de la pièce avant tout, qui bénéficiait d’un pedigree solide de connaisseurs, sans être iconique », a commenté Marguerite de Sabran, directrice du département d’art tribal. « Mise à part la magie qui a opéré pour le masque, les autres prix, hauts, sont tout à fait normaux et dans la logique d’un marché sain », note Didier Claes. La statue nkonde Kongo estimée 600 000 à 800 000 euros, a été acquise à 1,5 million d’euros par Dimitri Mavromatis. La deuxième partie de la vente, provenant de divers amateurs, a couronné l’art polynésien avec deux œuvres provenant de l’île de Pâques, inédites sur le marché : un Rapa, adjugé 1,9 million d’euros (est. 300 000 à 400 000 euros) et un pectoral Reimiro, qui a triplé son estimation haute à 901 500 euros (est. 200 000 à 300 000 euros).

Masques contre cuillères d’Afrique
Au même moment se déroulait la vacation d’Artcurial qui a reçu un meilleur accueil que pour sa vente inaugurale en juin. Mais l’opérateur n’a récolté que 900 000 euros contre une estimation de 1,1 million d’euros. Parmi l’ensemble de 127 cuillères sculptées d’Afrique noire de la collection Wolf, 56 % des lots ont trouvé preneur, dont une cuillère anthropomorphe Dan (Côte d’Ivoire) adjugée 125 800 euros (est. 70 000 à 90 000 euros). La plus forte enchère est revenue à un masque Gouro, Côte d’Ivoire, par le « maître de Bouaflé », vendu 125 800 euros. Comportant de nombreux manques et restaurations, et pourtant de même estimation (est. 100 000 à 150 000 euros), sans provenance prestigieuse, ce masque n’a pas connu le même sort que celui vendu en juin par Tajan 1,4 million d’euros, de très grande qualité et ayant appartenu à André Breton. Le lendemain, 11 décembre, Christie’s encaissait  un produit de 3,8 millions d’euros contre une estimation de 3,9 à 6 millions d’euros avec des pertes – seulement 61 % de lots vendus – et des estimations peinant à être dépassées. Si la vente était saine et les prix assez bas, en revanche, il manquait les lots phares. Sa première vente, « Force et présence », a récolté 2,6 millions d’euros, dans la fourchette basse de son estimation. « Difficile de faire mieux sans véritable colonne vertébrale, d’autant plus que la collection avait été achetée très récemment sur le marché », explique Didier Claes. Une grande statue Songye du Congo a été adjugée 289 500 euros, en dessous de son estimation basse (300 000 à 500 000 euros) et un bouchon de flûte Biwat s’est vendu 253 500 euros (est. 150 000 à 250 000 euros). Pour sa deuxième vente qui a totalisé 1,1 million d’euros (est. 1,4 à 2), un olifant en ivoire, Sierra Leone, a été adjugé 163 500 euros (est. 100 000 à 150 000 euros).

Artcurial, 10 décembre
Estimation : 1,1 million d’euros
Résultat : 909 595 d’€
Taux de vente : 62 %

Sotheby’s, 10 décembre
Estimation : 5,1 à 7,1 millions d’euros
Résultat : 12 millions d’€
Taux de vente : 82,8 %

Christie’s, 11 décembre
Estimation : 3,9 à 6 millions d’euros
Résultat : 3,8 millions d’€
Taux de vente : 61 %

Note

(1) Les estimations s’entendent hors frais et les résultats frais compris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°426 du 2 janvier 2015, avec le titre suivant : Un marché sain et exigeant

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