Art contemporain

Entretien

Mel Ramos : « Il n’est pas question d’érotisme »

Peintre et sculpteur

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 31 décembre 2014 - 615 mots

Mel Ramos originaire de Californie place au cœur de son univers la combinaison de corps de femmes avec des objets symptomatiques de la société de consommation du XXe siècle. Réagissant au fantasme véhiculé par les médias, il dit dévoiler les pièges du regard sur la femme objet.

Comment l’image de la pin-up est-elle arrivée dans votre travail ?
En 1965 ou 1966, je venais de finir une série de peintures inspirées de comics sur les superhéros (Batman, Superman) et j’ai découvert dans un magazine une photo de fille nue que l’on voyait à travers le trou d’une serrure. Je me suis mis à travailler à partir de photos principalement du journal Playboy, parce qu’il y avait là de très bons photographes. C’était beaucoup moins cher que de payer des mannequins comme modèles.

Et vous n’avez depuis cette date jamais changé de sujet ?
Oui, mais je n’aime pas trop le terme de pin-up pour qualifier mes images, car cela renvoie à un univers qui ne correspond pas du tout à mon intention. Je me considère avant tout comme un peintre du corps, un figure painter.

Mais alors pourquoi uniquement le corps féminin ?
Parce que j’aime les femmes, je n’ai pas d’autre réponse (rires). Cela dit, il m’est arrivé de représenter la figure masculine. J’ai par exemple réalisé une série intitulée Le salut à l’histoire de l’art. Dans l’un des tableaux Le duo de David, je me suis peint moi-même avec des ailes, comme un héros à côté de beaux nus féminins.

Votre rapport à l’érotisme ?
Je ne pense pas qu’il soit question d’érotisme dans mon travail.

Même quand vous mettez une fille nue à cheval sur un cigare ?
Non. Mes œuvres ont souvent été reproduites dans des livres sur l’art érotique, mais moi je ne les considère pas du tout sous cet angle. L’érotisme dépend de tellement de choses, des époques, de la situation de la peinture, du regard qu’on lui porte. Lorsqu’Ingres peint La grande Odalisque, personne ne la considère comme érotique, mais lorsque je l’ai peinte, elle l’est devenue, tout simplement parce qu’à la place du fumoir d’encens, j’ai mis un verre et une bouteille de Chardonnay. Bien plus que l’érotisme, c’est l’humour qui m’intéresse. Or à mes yeux, il n’y a pas d’humour dans l’érotisme. Je pense sincèrement que celui qui n’a pas le sens de l’humour, ne peut comprendre mon travail.

Jouez-vous avec l’esthétique kitsch ?
Il n’y a aucun message politique dans mon travail, ni de dimension critique. Le kitsch est un phénomène intéressant, mais ne m’intéresse pas vraiment. Si certains éléments de mes œuvres peuvent y faire penser, ce n’est pas intentionnel de ma part.

Vous pratiquez à la fois la, peinture et la sculpture. Quels rapports entretenez-vous avec ces deux disciplines ?
Je suis définitivement un peintre. La peinture est mon premier amour et la plupart de mes sculptures sont réalisées à partir des tableaux, elles sont une mise en volume de mes toiles, un passage en trois dimensions. Cela pose un seul problème : lorsque je représente en peinture une femme allongée, on la regarde de manière frontale. Si je la sculpte, on est invité à en faire le tour et on découvre l’entrejambe. Et là, il me faut trouver une solution plastique.

Vous êtes régulièrement associé au mouvement du pop art. Vous reconnaissez-vous dans cette famille ?
Beaucoup d’artistes sont associés au pop art. Certains ne s’y reconnaissent pas et nient même en faire partie. Pour moi, c’est l’inverse. On m’a mis dès le début de ma carrière cette étiquette et j’ai tout de suite été inclus. C’est comme cela que je me suis fait reconnaître et j’en ai gardé une grande gratitude.

Légende photo

Mel Ramos, Chiquita Banana, 2013, résine polychrome, 70 x 35 x 35 cm, édition de 8 4 E.A. Courtesy Galerie Patrice Trigano, Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°426 du 2 janvier 2015, avec le titre suivant : Mel Ramos : « Il n’est pas question d’érotisme »

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