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La Fondation Vuitton, acte II

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 30 décembre 2014 - 722 mots

Tandis qu’Olafur Eliasson inaugure la première exposition personnelle dans les salles du sous-sol, les galeries supérieures dévoilent un peu plus l’étendue de la collection.

PARIS - Elle n’est pas ouverte aux quatre vents mais presque, suffisamment pour que son percement zénithal qui est bordé par l’une des savantes terrasses de l’édifice y fasse entrer un air frais et s’y déposer quelques feuilles mortes. L’une des salles de la Fondation Louis Vuitton, à Paris, se charge ainsi d’un peu de nature, ce qui est là fort à propos quand le visiteur est arrêté par une œuvre toute en retenue de Mona Hatoum, qui n’en est pas moins des plus explicite quant à son message : posés sur un banc, deux chapeaux de pailles sont tressés ensemble, ne formant plus qu’une seule entité (Capello per due V, 2013). Comme dans un petit jardin, lui répond une branche de Giuseppe Penone dressée dans un coin, de ces supercheries en bronze qui jouent avec les forces de la nature (Acacia and Squash Leaves, 1982), tandis qu’en face s’écoule une fontaine de Thomas Schütte au sourire
anthropomorphe (Weinende Frau, 2009).

Pour qui serait resté sur sa faim face au nombre ténu d’œuvres de la collection exposées lors de l’inauguration, ce nouvel accrochage aura de quoi combler quelques appétits. De la manifestation inaugurale ne restent que le sourcier dans la boue de Thomas Schütte et les flûtes de verre de Cerith Wyn Evans, ainsi que l’ensemble de Kelly : « Les tableaux s’y intègrent tellement bien qu’Ellsworth a cru que la salle avait été conçue pour lui ; il a 92 ans, nous n’avons pas voulu le décevoir », relate un brin mutine Suzanne Pagé, la directrice artistique de la Fondation.

Se révèle au fil des salles une politique d’achats qui manifestement tend à constituer des ensembles, ainsi qu’on avait pu le pressentir avec les Gerhard Richter accrochés lors de la première salve ; et rares sont donc les artistes à n’être là représentés que par une seule œuvre. Celui qui pèse très lourd, même si ses bronzes souvent paraissent fragiles, c’est Alberto Giacometti, qui se voit consacrer une salle personnelle. Quelques dessins et pas moins de dix sculptures y sont réunis, parmi lesquelles cette Tête sur tige (1947) qui semble agoniser ou ce fragile Homme qui chavire (1950), plus filiforme que jamais.

Voyage cosmique
En essaimant dans le parcours dix-sept artistes et une cinquantaine d’œuvres, Suzanne Pagé a travaillé sur deux axes de réflexion sensibles. L’un traitant du rapport de soi au monde, avec notamment un bel ensemble de photographies de toutes époques et séries de Wolfgang Tillmans, l’écolier de Maurizio Cattelan qui s’est planté un crayon dans la main (Charlie don’t surf, 1997) ou encore deux travaux vidéos du jeune Britannique Ed Atkins, aux images ambiguës dans leur qualité et dans leur nature. L’autre aborde la méditation et la contemplation, le retour sur soi et la nature, comme avec la proximité réussie de quatre toiles monumentales de Sigmar Polke à la dimension très cosmique réunies autour d’une météorite (Cloud Paintings, 1992-2009), et de plusieurs travaux de Tacita Dean, dont une magnifique série de plaques d’albâtre sur lesquelles de fines et imperceptibles gravures tracent des itinéraires mentaux et sensibles.

Dans les salles du sous-sol, la première exposition personnelle de la Fondation est dédiée à Olafur Eliasson. Curieuse réminiscence du parcours dans les collections, une autre météorite est échouée là, que le visiteur comme en un rite initiatique touche avant de pénétrer dans les espaces, avant une immersion complète ; « cette météorite est abstraite, c’est une idée de l’espace », relève l’artiste. Avec sept œuvres réparties dans un parcours tout en circonvolutions, ce sont bien des « idées » et des sensations qui prévalent, tant l’incertitude et la difficulté à restituer le visible semblent être les matrices de sa proposition.

Ici un miroir sectionnant l’espace en deux et les ombres mouvantes d’une grille géométrique donnent au corps une sensation de flottement. Là le jet d’eau d’une fontaine apparaît figé par une lumière stroboscopique. Ailleurs des miroirs encore, qui forment l’illusion d’une ligne d’horizon circulaire en néon jaune. Plus qu’une illusion, il s’agit pour Eliasson d’un « double espace, physique et inconscient ; cette exposition traite de la différence entre idée et intuition. » Ou comment tenter de concilier dans l’expérience sensible le conscient et l’inconscient en effet.

Collection : accrochage 2 et Olafur Eliasson. Contact, jusqu’au 16 février, Fondation Louis Vuitton, 8, avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne, 75116 Paris, tél. 01 40 69 96 00, www.fondationlouisvuitton.fr, tlj sauf mardi 12h-19h, vendredi 12h-23h, samedi-dimanche 11h-20h, entrée 9 €, catalogue Eliasson co-éd. Fondation Louis Vuitton/Flammarion, 200 p., 65 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°426 du 2 janvier 2015, avec le titre suivant : La Fondation Vuitton, acte II

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