Histoire

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L’art au service de la propagande

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 9 décembre 2014 - 478 mots

Un ouvrage retrace les programmes iconographiques des trois grandes dictatures occidentales de la première moitié du XXe siècle.

« Le Führer a toujours raison, qu’il s’agisse d’un habit de soirée, d’un bunker ou d’une autoroute du Reich. » Le dictateur a un vilain défaut : il n’aime pas la démocratie, en art comme ailleurs. Adolf Hitler, qui par cette phrase dit toute l’absurdité du régime totalitaire et le caractère maladivement infantile de son auteur, était, faut-il le rappeler, un artiste frustré. Sa haine pour les représentants de l’avant-garde, qui avaient réussi le concours d’entrée de l’Académie des beaux-arts de Vienne tandis que lui fut recalé, est un élément essentiel à la compréhension du vaste programme artistique et culturel que l’homme voulait imposer au peuple du IIIe Reich. Celui-ci consistait dans le pillage des collections muséales européennes, la spoliation des collections juives et la mise au pilori des œuvres abstraites ou jugées trop éloignées des canons du classicisme. Ce projet se réalisait aussi dans le développement d’une identité visuelle propre au nazisme, mettant à contribution les artistes et les architectes pour une œuvre d’art totale à la gloire du Reich.

C’est à cette facette créative que l’architecte Maria Adriana Giusti s’est intéressée pour Art et dictature au XXe siècle, ouvrage paru dans un premier temps en Italie (L’Arte di Regime, Giunti Scala, Florence, Milan) et enrichi pour sa version française d’une préface et des commentaires du philosophe, essayiste et critique d’art Philippe Sers. Le siècle dernier ayant vu naître, s’unir et dépérir trois grandes dictatures occidentales à la culture visuelle très marquée, l’auteure a élargi son sujet à l’URSS et l’Italie : « En Russie soviétique, c’est l’invention d’une société idéale, sans différence, sans classe et sans État ; chez les nazis, cette invention est celle de la race allemande et de ses héros légendaires ; en Italie, il s’agit de retrouver la gloire de la Rome antique », résume Philippe Sers. Les artistes consentants perdent tout pouvoir propre de décision et se mettent au service de la dictature : finie l’exploration des possibles, place à la glorification des figures et des idéologies du pouvoir.

Éloge de la guerre
Dans cette masse a priori uniforme qu’est l’art de la propagande, les auteurs dégagent des grandes lignes de force. Benito Mussolini tire profit de l’esthétique futuriste « qui fait un éloge très irresponsable de la guerre », Joseph Staline répudie les artistes qui avaient soutenu la révolution d’Octobre et se réapproprie l’imagerie chrétienne, tandis qu’Adolf Hitler met en scène une esthétique à la fois froide et spectaculaire pour impressionner et dompter les foules.

Dans ce survol rapide des programmes iconographiques (art, graphisme et architecture) propres aux trois régimes qui font la part belle aux images, il est regrettable que les reproductions soient parfois de piètre qualité. L’ouvrage peut cependant s’enorgueillir d’une maquette au graphisme en parfaite adéquation avec son sujet.

Art et dictature au XXe siècle, Maria Adriana Giusti et Philippe Sers, traduction des textes introductifs Denis-Armand Canal, Éditions Place des Victoires, 256 p., 200 ill., 39,95 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°425 du 12 décembre 2014, avec le titre suivant : L’art au service de la propagande

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