Chine

L’âge d’or des Han

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · Le Journal des Arts

Le 25 novembre 2014 - 697 mots

Mettant en lumière les réçentes découvertes archéologiques en Chine, le Musée Guimet célèbre l’extraordinaire floraison de la création artistique et de la pensée sous le règne des Han.

PARIS - En 1974, la découverte fortuite de l’armée en terre cuite de l’empereur Qin Shi Huangdi (221-207 av. J.-C.), aux alentours de la ville de Xian, devait connaître un retentissement extraordinaire auprès de la communauté scientifique comme du grand public. Une quarantaine d’années plus tard, force est de constater que la Chine ne cesse d’être un eldorado pour les archéologues. En témoigne la somptueuse exposition du Musée Guimet qui, loin de se contenter d’aligner des chefs-d’œuvre décontextualisés, a pris le parti d’évoquer les quatre siècles de la florissante dynastie Han (206 av. J.-C.-220 ap. J.-C.) à travers les toutes dernières découvertes archéologiques effectuées sur le vaste territoire chinois. Et le résultat est spectaculaire. Grâce à des prêts exceptionnels consentis par vingt-sept musées, l’exposition brosse ainsi un panorama extrêmement vivant de cet âge d’or de la civilisation chinoise, contemporaine de l’Empire romain, qui vit éclore des avancées technologiques aussi essentielles que la fabrication du métal, du papier ou de la soie.

« Longtemps les Han ont cristallisé l’attention des premiers sinologues car ils apparaissaient comme la quintessence de la pensée chinoise, dans son aspect le plus pur et le plus ancien », résume ainsi Éric Lefebvre, l’un des commissaires de l’exposition. Le poète et archéologue français Victor Segalen succombera ainsi à leur statuaire funéraire, jugée d’une force plastique inégalée. Quant aux artistes chinois contemporains, nombreux sont ceux qui louent encore l’épure « primitiviste » de leur art empreint de sobriété…

Délicatesse de l’art funéraire
Largement tributaire des programmes de fouilles archéologiques, notre vision de la civilisation Han demeure cependant encore entachée de zones d’ombre. Aussi spectaculaires soient-elles, les découvertes ne concernent bien souvent qu’une infime portion de la population : ces membres de la famille impériale ou ces élites princières qui accomplissaient leur ultime voyage vers l’au-delà entourés d’un mobilier funéraire d’un luxe inouï. En témoigne la découverte à Mancheng, durant l’été 1968, des deux tombes jumelles creusées dans la roche de Liu Sheng (l’un des fils de l’empereur Jingdi), et de son épouse Dou Wan, qui reflètent, à elles seules, le haut degré de raffinement de la civilisation Han. Calquées sur le modèle d’une demeure terrestre, les sépultures n’étaient-elles pas conçues comme le prolongement de la vie après la mort ? C’est à la lumière de ce concept qu’il faut interpréter la multitude d’objets précieux (vaisselles de table, coffrets en laque, lampes en bronze, brûle-parfum) qui accompagnaient le défunt dans l’au-delà. L’une des innovations en matière de rituels funéraires devait cependant trouver son expression la plus éclatante dans ces « linceuls de jade » censés prévenir la putréfaction des corps et favoriser l’accès au paradis des immortels. Composé d’une multitude de plaquettes assemblées entre elles par un fil d’or, l’un de ces « costumes d’éternité » constitue assurément le clou de l’exposition. Réalisé pour le troisième prince de Chu, au tout début du règne des Han de l’Ouest, il fascine tant par son ancienneté que par la qualité exceptionnelle de son jade, d’une blancheur quasi translucide !

Autre innovation de taille, une statuaire funéraire empreinte d’une douce humanité voit le jour, aux antipodes de la froide armée en terre cuite de l’empereur Qin Shi Huangdi. Découvertes en 1998 dans une fosse du mausolée de l’empereur Jingdi, d’exquises figurines n’excédant pas le tiers de la silhouette d’un homme reflètent ainsi, sur un mode savoureux, la vie quotidienne sous les Han. Cavaliers et fantassins, mais aussi eunuques, acrobates et danseuses séduisent par leur grâce et leur intériorité…

Enfin, loin d’être repliée sur elle-même, la Chine des Han apparaît comme une civilisation bigarrée et cosmopolite, nourrissant des échanges avec les peuples nomades comme avec les grands empires de l’Ouest. En témoignent ces précieuses boucles de ceintures et ces poids de natte en or d’influence
steppique, ou cet extraordinaire fragment de tissu orné d’un visage au beau profil grec…

Splendeurs des Han

Commissariat MNAAG : Éric Lefebvre, conservateur, et Huei-Chung Tsao, chargée de collections.
Commissariat Art Exhibition China : Zhao Gushan et Dai Penglun
Nombre d’œuvres : 150 œuvres environ
Scénographie : Olivier Palatre

Splendeurs des Han, Essor de l’Empire céleste

Jusqu’au 1er mars 2015, Musée national des arts asiatiques Guimet, 7 place d’Iéna 75116 Paris. www.guimet.fr, tlj sauf mardi 10h-18h, catalogue Flammarion/MNAAG, 256 pages, 42 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°424 du 28 novembre 2014, avec le titre suivant : L’âge d’or des Han

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