Procès

Achenbach sur la sellette

Le conseiller en art est accusé d’avoir dupé plusieurs collectionneurs fortunés

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · Le Journal des Arts

Le 25 novembre 2014 - 695 mots

DÜSSELDORF (ALLEMAGNE) - Helge Achenbach, un des conseillers en art les plus en vue en Allemagne, est en détention provisoire depuis juin dernier.

Les héritiers de Berthold Albrecht ont porté plainte contre lui pour fraude à l’occasion de ventes d’art et de voitures de collection. Helge Achenbach est également accusé d’avoir commis des fraudes contre d’autres personnalités figurant parmi les plus grandes fortunes allemandes. Deux procédures, l’une pénale et l’autre civile sont en cours à l’encontre du conseiller en art.

Selon Forbes, le milliardaire Berthold Albrecht et son frère, propriétaire d’Aldi, géant du discount en Allemagne et aux États-Unis, comptaient parmi les cinquante plus grandes fortunes mondiales et représentaient la deuxième fortune allemande. Berthold Albrecht est décédé en novembre 2012, à l’âge de 58 ans, des suites d’une longue maladie.

En 2007, Berthold Albrecht, déjà souffrant, avait entrepris de constituer une collection d’art et de voitures de collection, par l’intermédiaire de son ami Helge Achenbach. Selon le quotidien Frankfurter Rundschau, le conseiller en art aurait acquis pour le compte du milliardaire vingt-et-une œuvres d’art – entre autres de Picasso, Gerhard Richter et Roy Lichtenstein –, pour un montant de 33,6 millions d’euros, ainsi que onze voitures de collection (Ferrari, Bentley, Jaguar…) pour une somme de 63,3 millions d’euros. Officiellement, la commission d’Helge Achenbach s’élevait à 5 % pour l’achat d’œuvres d’art et à 3 % pour les voitures de collection. Mais, comme l’a confirmé le Ministère public d’Essen en charge de l’affaire, une enquête a démontré qu’à 23 reprises, les factures émises par Helge Achenbach et ses sociétés étaient considérablement plus élevées que le prix réel d’achat, Achenbach empochant ainsi la différence. « Dans un cas particulièrement flagrant, l’investisseur a subi un dommage de presque 3 millions d’euros lors de l’acquisition d’une voiture de collection », a déclaré Annette Milk, procureure général d’Essen (Rhénanie du Nord, en Westphalie).

Quatre collectionneurs victimes d’exactions

Helge Achenbach, âgé de 62 ans, est donc en détention provisoire depuis le 10 juin 2014. Le Ministère public a justifié cette incarcération par un possible risque de fuite et de destruction de preuve. La justice a par ailleurs saisi une partie des œuvres de la collection Rheingold, initié par Helge Achenbach en 2001, conjointement avec quatre autres collectionneurs, les frères Viehof, dont la fortune est estimée à 750 millions d’euros. Seules les œuvres de la collection acquises par Achenbach ont été saisies. La famille Viehof avait dans un premier temps proclamé sa confiance absolue en l’honnêteté d’Achenbach, avant de finalement porter plainte. Le préjudice de leur société s’élèverait à un million d’euros. L’industriel pharmaceutique Boehringer ferait également partie des plaignants. Suite à un différend, Achenbach l’avait déjà indemnisé en 2013, et l’affaire n’avait pas été portée devant les tribunaux. Enfin, le Ministère public dévoile qu’un quatrième collectionneur, dont le nom n’est pas mentionné, aurait également été lésé.

La procédure pénale débutera avant Noël. Helge Achenbach encourt jusqu’à dix ans de prison.
Actuellement, seuls les héritiers Albrecht ont également intenté une procédure civile. La première audience s’est tenue le 11 novembre. Il ne s’agissait pas de déterminer la remise en liberté ou non du conseiller en art, mais d’établir le montant des dommages et intérêts. Les héritiers Albrecht réclament la somme de 23 millions de dommages et intérêts. Lors de cette première audience, la défense du conseiller en art a clamé son innocence, affirmant qu’Achenbach et Albrecht avaient conclu un accord verbal pour la surfacturation des biens, laissant ainsi une marge de manœuvre à Achenbach. Ce dernier se serait par ailleurs engagé verbalement à reprendre les œuvres d’art, avec un taux d’intérêt de 4 %, si leur valeur diminuait. À l’issue de l’audience, le juge Joachim Matz a toutefois fait part de ses doutes sur la défense d’Achenbach, dénonçant des incohérences et précisant que le patrimoine d’Achenbach n’était pas suffisant pour reprendre les œuvres d’art  le cas échéant. Une décision sera rendue le 20 janvier prochain.

La femme d’Helge Achenbach a par ailleurs également saisi la justice afin de récupérer des œuvres d’art saisies dans le cadre de l’enquête. Elle réclame la restitution de deux tableaux et deux sculptures, d’une valeur de 530 000 euros, qui affirme-t-elle, lui appartiennent en son nom propre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°424 du 28 novembre 2014, avec le titre suivant : Achenbach sur la sellette

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