Tribune

Bernard de Montferrand : « Nouvelle décentralisation culturelle “à la française” »

Président du Frac Aquitaine, président de Platform, regroupement des Fonds régionaux d’art contemporain

Par Bernard de Montferrand · Le Journal des Arts

Le 12 novembre 2014 - 686 mots

La modification de la carte des Régions peut être une occasion pour la décentralisation culturelle et pour les Fonds régionaux d’art contemporain (Frac), qui en sont l’un des symboles les plus forts, de prendre un nouveau départ.

Depuis trente ans, les Frac n’ont cessé de se renouveler. Ils doivent continuer à le faire. Pour relever ce défi avec succès, il faut activement préparer l’avenir en ayant à l’esprit quelques principes simples : les missions des Frac de soutien à la création contemporaine et de démocratisation de l’art de notre époque restent au cœur de la politique culturelle.

À la différence de l’Allemagne ou de la Grande-Bretagne, l’État joue en France un rôle incontournable dans la culture, y compris dans la décentralisation. Le succès des Frac a tenu à ce partenariat État-Région original. La réforme doit amener chaque Région à trouver ses solutions propres en fonction de ses particularités et, comme aujourd’hui, il n’y en aura sans doute pas deux pareilles. Mais il est essentiel que l’unité des missions des Frac soit intangible et que l’État en garantisse la pérennité en fixant les orientations nécessaires.

Des écosystèmes
La spécificité des Frac par rapport aux autres institutions muséales est d’être « nomade », c’est-à-dire d’apporter les œuvres au plus près des publics sur tout le territoire d’une région. Il est crucial que ce principe de proximité soit préservé dans les nouvelles régions. La vitalité des réseaux de partenaires que chaque Frac a tissés dans la durée et qui regroupent associations, musées et organismes de toutes sortes qui accueillent des œuvres des Frac ou des manifestations en dépend. Il s’agit là d’un actif immatériel inestimable qui se nourrit de contacts de proximité. Veillons à préserver ces écosystèmes patiemment construits.

La modification de la carte des régions doit être une occasion de réfléchir en commun avec tous les acteurs dans le domaine des arts plastiques pour trouver des moyens d’être plus efficaces et de remplir leurs missions alors même que les moyens qui leur sont attribués risquent d’être plus mesurés. Tout le monde ne peut continuer à tout faire sans se préoccuper suffisamment des voisins. Par exemple, il y a de nombreux domaines ou Frac, musées, centres d’art, écoles d’art, associations et administrations comme l’Éducation nationale doivent pouvoir collaborer davantage voire mutualiser certaines de leurs activités dans des domaines aussi divers que la médiation et l’éducation artistique ou encore la présentation des collections. La réforme doit permettre d’améliorer les coopérations au sein des réseaux existants.

Les Frac sont des structures légères avec des budgets réduits mais qui touchent chaque année près de deux millions de visiteurs en France et à l’étranger grâce à environ cinq cents manifestations. On peut rechercher des économies et ménager les deniers publics grâce à des outils de gestion communs et à des mutualisations. Mais il en va des Frac comme des écoles ou des lycées. Regrouper deux ou trois régions ne divisera jamais par deux ou trois le nombre des établissements. Il faudra toujours une présence sur le terrain.

Groupes de réflexion
Pour avancer et garantir à tous le meilleur accès à la création contemporaine et à la culture sur l’ensemble du territoire, il est urgent que dans chaque région l’État, les autorités régionales et les collectivités territoriales concernées organisent des groupes de réflexion qui étudient précisément les problèmes que va créer le regroupement des régions. Avec du travail et de l’imagination, ces problèmes peuvent devenir des chances de créer de nouveaux Frac.
Ces nouveaux Frac seront davantage encore des animateurs de réseaux et d’une nouvelle carte de l’art contemporain sur tout le territoire français. Ils seront des exemples de diffusion de leurs collections dans des rapports à redéfinir avec musées, centres d’art et associations. Ils seront des lieux d’échange et de création avec les entreprises de leurs régions pour favoriser la production d’œuvres et développer des financements additionnels. Ils seront plus qu’hier le laboratoire de formules originales pour donner envie à de nouveaux publics de rencontrer des œuvres et des artistes. Ils anticiperont enfin les potentialités du nouveau monde digital pour le mettre au service de la démocratisation culturelle et de la création. Mettons-nous donc au travail !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°423 du 14 novembre 2014, avec le titre suivant : Bernard de Montferrand : « Nouvelle décentralisation culturelle “à la française” »

Tous les articles dans Opinion

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque