Un patrimoine entre passé et avenir

Le Journal des Arts

Le 12 novembre 2014 - 1034 mots

Forte d’un patrimoine riche et complexe, la ville, qui a longtemps capitalisé sur son noyau historique, s’engage aujourd’hui dans de vastes travaux de réhabilitation.

Vitrine de la ville grâce à son classement au Patrimoine mondial par l’Unesco, la place Stanislas ne résume pas pour autant à elle seule le patrimoine de Nancy. Avec une surface de 150 hectares, le secteur sauvegardé de Nancy est un des plus étendus de France (celui de Metz, en comparaison, est de 22,5 ha).Il est à la mesure de l’histoire de la ville marqué par un processus de croissance similaire à celui de Turin : trois villes successives se sont imbriquées depuis l’époque médiévale. Autour du Palais des ducs de Lorraine, qui accueille aujourd’hui le Musée lorrain, la ville médiévale des XIVe et XVe siècles s’inscrit dans un espace resserré et des lignes courbes. Restaurée en 2012 et rouverte au public en 2013, la porte de la Craffe témoigne de la qualité architecturale de la vieille ville. Au XVIe siècle, sous l’impulsion du duc Charles III, la cité se lance dans un projet urbain titanesque : la construction de la Ville-Neuve, pour garantir l’indépendance et la sûreté de Nancy. En l’espace de soixante ans, la ville passe de 15 ha à 70 ha. Puis, au milieu du XVIIIe, le duc Stanislas comble l’esplanade qui sépare les deux villes en faisant ériger les places Stanislas, Carrière et d’Alliance. C’est donc autour d’un noyau complexe que la cité s’est agrandie, d’un côté sur les rives de la Meurthe, de l’autre autour de la gare construite en 1850.

Protection assurée
Depuis 1983 et le classement Patrimoine mondial de l’ensemble formé par les trois places précitées, le patrimoine de Nancy a acquis une renommée internationale. Rénovée en 2005 pour son 250e anniversaire, la place est l’objet de toutes les attentions : le budget, d’un montant de 8 millions d’euros, a été réparti entre la Ville de Nancy (52 %), l’État (10 %), le conseil régional (28 %) et le conseil général (10 %).

Nancy est sans doute l’une des villes les mieux protégées du point de vue de la législation. Dès 1886, les fontaines et les grilles de la place Stanislas sont classées au titre des monuments historiques. En 1996, après vingt ans d’études, le « secteur sauvegardé » est créé autour du noyau historique de la ville. Dans la foulée, la municipalité d’André Rossinot, aujourd’hui à la tête de la communauté d’agglomération Grand Nancy, décide de se doter d’une zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager sur l’artère que représente l’avenue de Strasbourg, sans doubler le secteur sauvegardé ; ce sera fait en 2008. Cette partie dite des « faubourgs » est essentielle pour l’insertion de la ville historique au sein des quartiers plus contemporains, sur le plan tant des transports que de l’activité commerciale. D’autant plus que la période « Art nouveau » égrène du centre jusqu’en périphérie des bâtiments classés et/ou inscrits, dans le sud de la ville. Le quartier Saurupt est particulièrement riche en villas Art nouveau et Art déco, attentivement surveillées par la direction régionale des Affaires culturelles. Si la ville est aujourd’hui étroitement protégée, il n’en fut pas toujours ainsi : de nombreuses destructions dans les années 1960 et 1970 ont cristallisé des combats. La brasserie L’Excelsior et la salle Poirel ont été sauvées de justesse en 1975, notamment grâce à Françoise Hervé, ancienne inspectrice régionale des sites et actuelle adjointe à la mairie, en charge de la « Valorisation de Nancy ». « À l’actuelle tour Thiers, deux autres tours devaient être accolées. L’Excelsior et l’hôtel d’Angleterre, comme je l’ai découvert au service de l’urbanisme de la Ville, faisaient l’objet d’un permis de démolir et reconstruire par son propriétaire, raconte-t-elle. Tout ce quartier devait disparaître sous les bulldozers, et se hérisser de tours. Il ne serait resté dans le secteur que la porte Stanislas. La salle Poirel devait également être détruite, ainsi que la chambre de commerce. Le projet dit “Folliasson” était très vaste. Il allait jusqu’à la place Mathieu-de-Dombasle, le viaduc Kennedy, Saint-Léon, la rue Lepois. ».

Dans les années qui suivent, la remise en état des bâtiments a été un des enjeux essentiels des associations de sauvegarde du patrimoine. Depuis l’envolée des prix du marché de l’art dans le domaine de l’Art nouveau, d’autres batailles ont été menées, ainsi sur le démantèlement d’ensembles mobiliers dans des immeubles privés, telles les boiseries et ferronneries, que l’actuel Code du patrimoine ne protège qu’à titre dérogatoire. À Nancy, cette zone grise devient une question épineuse pour les architectures Art nouveau et Art déco qui constituent un ensemble mobilier et immobilier indissociable. En avril 2014, la vente aux enchères d’un ensemble de boiseries école de Nancy, déposé mais conservé dans son immeuble, a ému les associations de protection du patrimoine, sans que la municipalité n’ait eu son mot à dire.

« Nancy Grand Cœur »
L’enjeu principal de la municipalité, depuis le tournant des années 2000, est de faire vivre la ville sur l’espace « Nancy Grand Cœur » au sud du centre-ville. Le réaménagement de la place Charles-III (pour un budget global de 8,5 millions d’euros) a coïncidé avec la première rentrée de l’École des mines sur le futur campus Artem, qui accueillera également prochainement l’École nationale supérieure d’art de Nancy et l’ICN Business School. Confié au cabinet de l’architecte Nicolas Michelin, le projet est d’envergure : 70 000 mètres carrés pour un budget autour de 220 millions d’euros. Du côté de la gare, Nancy Grand Cœur est pris en charge par le cabinet de Jean-Marie Duthilleul, à qui l’on doit l’aménagement de la gare Lille-Europe et celle de gare du Nord, à Paris. Il s’agit de « retricoter » l’espace urbain autour des lignes ferroviaires et d’harmoniser les passages entre Ville-Neuve et centre-ville, sans procéder à des destructions dans ce paysage urbain : un défi pour tous les services de la Ville, de la communauté d’agglomération et des services de protection régionaux. Le nouveau Centre des congrés Jean-Prouvé, qui a ouvert ses portes en juin 2014, est à ce titre exemplaire : l’ancien centre de tri postal, austère et rugueux, édifié de 1969 à 1972 par Claude Prouvé, fils de Jean, et labellisé « Patrimoine du XXe siècle » en 2001, s’est offert une deuxième jeunesse dans un quartier édifié dans les années 1970 en rupture abrupte avec la ville historique. Aujourd’hui, l’urbanisme reprend ses droits, dans une cité qui construit ses liens entre passé et présent.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°423 du 14 novembre 2014, avec le titre suivant : Un patrimoine entre passé et avenir

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