XIXe siècle

Édouard Debat-Ponsan côté jardin

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 10 novembre 2014 - 648 mots

Le Musée des beaux-arts de Tours révèle l’œuvre intime du peintre académique et tente de la relier à l’impressionnisme.

TOURS - Neuf ans après l’exposition consacrée par le Musée du pays vaurais (Lavaur, Tarn) au versant officiel de l’œuvre d’Édouard Debat-Ponsan (1847-1913), le Musée des beaux-arts de Tours propose une incursion dans l’intimité du peintre. L’occasion selon les commissaires de suggérer pour ces œuvres réalisées hors du cadre académique une « proximité avec l’esthétique impressionniste ».

Originaire de Toulouse, formé par Alexandre Cabanel à l’École des beaux-arts, candidat à plusieurs reprises malheureux au Prix de Rome, Debat-Ponsan mène sa carrière au rythme des Salons et des commandes officielles pour de grands décors – le plafond de la salle des Illustres du Capitole de Toulouse, le plafond du foyer du théâtre de Nîmes… En 1900, l’artiste fait une croix sur sa carrière après avoir soutenu publiquement le capitaine Dreyfus, et s’installe dans le château de Nazelles, non loin d’Amboise en Touraine. Faisant abstraction des grands formats officiels, le parcours de l’exposition dresse le portrait rapide du peintre avant d’entrer dans le vif du sujet : les nombreuses toiles et pochades exécutées dans l’intimité.

Proximité des modèles
Peintre académique jusqu’au bout des ongles, l’artiste témoigne déjà d’un penchant pour la ruralité et célèbre la vie agricole dans ses envois réguliers aux Salons. En qualité de portraitiste, l’homme peut faire preuve d’une grande maîtrise : le portrait de son épouse, prêté par le Musée d’Orsay et présenté dans la première salle, rappelle son habitude de faire des membres de sa famille des modèles de choix. Juste à côté, Avant le bal (1886, l’année de naissance de sa fille Simone) dépeint un couple de la haute bourgeoisie habillé pour sortir. Assise sur un fauteuil tandis que son époux patiente accoudé à la cheminée, la jeune mère a dégrafé sa robe de soirée pour donner le sein à son nouveau-né. Cette scène qui montre une femme du monde s’adonnant à une activité ordinairement déléguée aux nourrices, du moins pour les apparences, est peu courante pour l’époque et atteste du penchant de Debat-Ponsan pour la quiétude familiale.

Au Musée des beaux-arts de Tours, le peintre se trouve justement en famille. Sa fille Suzanne est à l’origine de trois donations successives à l’institution qui détient aujourd’hui le plus grand fonds public de ses œuvres. Sa fille Jeanne épousera le célèbre médecin Robert Debré, et parmi ses petits-fils figurent l’homme politique Michel Debré et le peintre Olivier Debré, lequel se réclame de cet héritage esthétique – ses œuvres sont présentées dans une salle adjacente.

Les descendants de l’artiste ont prêté une large partie des tableaux présentés dans l’exposition tourangelle, aussi le parcours s’approche-t-il au plus près de la sphère familiale. Derrière les portes closes, Debat-Ponsan exécute de délicieux portraits sans prétention, saisit des scènes de la vie quotidienne dans l’instant, et se consacre aux paysages sous la forme de (très nombreuses) pochades illustrant les rives de la Loire ou les recoins de sa propriété.

Mais Édouard Debat-Ponsan peignait-il vraiment « dans la lumière de l’impressionnisme » ? Il n’est ni sécessionniste ni épris de modernité, et sa technique est plus proche du naturalisme d’un Émile Claus ou d’un Jules Bastien-Lepage, avec lequel il a essuyé les bancs des Beaux-Arts. L’intimité, quant à elle, trouve ses racines dans les scènes de genre du réalisme. La palette claire, l’instantanéité, le geste rapide et l’attrait pour la nature peuvent à la rigueur s’inscrire dans les codes impressionnistes. Les commissaires admettent par ailleurs qu’il n’existe aucun lien avéré entre Debat-Ponsan et Monet, Renoir ou Sisley. On ne reprochera à l’exposition que son titre, quelque peu trompeur, susceptible de semer la confusion dans les esprits. Programmer une telle manifestation sur un peintre méconnu est courageux et il faut bien appâter le public…

Debat-Ponsan

Commissaire générale : Sophie Join-Lambert, directrice du Musée des beaux-arts de Tours
Commissaires scientifiques : Véronique Moreau, conservatrice en chef au musée ; Karine Kukielzak, assistante principale de conservation au musée

Dans la lumière de l’impressionnisme. Édouard Debat-Ponsan (1847-1913)),

Jusqu’au 15 février 2015, Musée des beaux-arts de Tours, 18, place François-Sicard, 37000 Tours, tél. 01 47 05 68 73, www.mba.tours.fr, tlj sauf mardi et jf 9h-18h. Catalogue, coéd. Musée de Tours/Mare & Martin, 212 p., 32 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°423 du 14 novembre 2014, avec le titre suivant : Édouard Debat-Ponsan côté jardin

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